C’est le pompon ! Si, maintenant, en République du Bisounoursland, on ne peut même plus glander tranquille, où va-t-on, mais franchement où va-t-on ? On comprend l’emportement de Bernard Accoyer, le président de l’Assemblée Nationale, lorsque dernièrement fut publiée la liste des absentéistes dont il faudrait rogner les indemnités. Scandale : des citoyens contribuables chafouins fliquent nos élus !
Tout part d’une récente modification du règlement interne de l’Assemblée, article 43, votée par les députés eux-mêmes : les absences non justifiées sont théoriquement et depuis 2009 sanctionnées dans les indemnités parlementaires.
Bien évidemment, pour ceux qui n’auraient pas suivi, nous sommes toujours en République du Bisounoursland dans laquelle la compassion et la magnanimité sont monnaie d’échange courante. Personne ne s’attendait à ce que ces méchantes sanctions soient un jour mises en pratique : mettre le doigt dans un tel engrenage reviendrait à vérifier effectivement que les députés font le travail pour lequel ils sont payés, ce qui entraînerait une perte importante du temps consacré à se faire lobbyiser à coup de repas chaleureux, de filles aux vertus légères, de spiritueux pétillants et de petits avantages dont la liste alourdirait inutilement de plusieurs centaines de paragraphes un billet que je sens déjà trop long.
Mais voilà : c’était sans compter sur l’obstination agressive de certains citoyens bêtement focalisés sur le suivi méthodique du travail des députés !
Saperlipopette !
On ne peut même plus gruger tranquille ! C’est vraiment scandaleux ! Que dis-je, c’est bien un raisonnement de sales réactionnaires de droite libérale que de vouloir savoir à quoi sont employés les deniers des impôts ! Pire, vouloir ainsi s’immiscer dans les petits papiers de l’Assemblée, c’est … c’est …. c’est poujadiste, voilà, il n’y a pas d’autres mots ! Poujadistes, messieurs de NosDeputes.fr !
Devant tant de méchanceté, de petits calculs méprisant le travail harassant de fourmi dévouée que nos bons députés produisent dans les alcôves tristes et humides d’une République besogneuse, Bernard Accoyer ne pouvait que, logiquement, réagir vivement en déclarant contester les informations publiées !
Bah oui : si la transparence de l’Assemblée revient à
STIGMATISER
certains députés, franchement, autant arrêter tout de suite ! Non mais.
Notons d’une part l’utilisation habile du mot « Stigmatiser » : le député, comme le Rom, le Maghrébin, le Juif ou le Noir, est ainsi devenu un être frêle, chétif, en passe de se faire écraser par un mouvement de foule xénophobe et butée ! Bernard, président de cette minorité visible qu’on stigmatise, ne pouvait pas laisser passer un tel affront !
D’autre part, et même si le mot n’est pas directement prononcé par le bon Bernard, on sent l’invective « Poujadiste » poindre au bord de ses lèvres, dès qu’il parle d’antiparlementarisme. Stigmatisation et poujadisme sont donc devenues les mamelles utiles et fécondes des avorteurs de débats dès qu’il s’agira de repenser ou mettre en question les institutions et les dérives de plus en plus fréquentes auxquelles on assiste. Pratique et sans douleur, on peut le ressortir assez facilement, comme d’autres les zeures les plus sombres…
Et il explique ainsi pourquoi 93 députés (dont Alain Bocquet, David Douillet – étonnifiant ! – Jacques Le Guen, Yves Jego, Arnaud de Saint-Montebourg de la Probitay-Honnest-Incarnay, Marie-Georges Placard Buffet, Jean « Capitaine Blâme » Lassalle, pour ne citer que quelques célébrités) sont stupidement mis à l’index :
«les informations publiées méconnaissent les raisons qui dispensent tel ou tel parlementaire d’être présent en commission, notamment pour raison médicale»
Bon, zut et crotte, le collectif en charge de l’étude et des résultats indique pourtant clairement qu’il a bel et bien tenu compte des absences justifiées médicalement ou autres et que ne restent donc dans la liste que les absences sans justifications, celles-là même qui sont donc, stricto sensu, sanctionnables :
« Contrairement aux affirmations du président Accoyer qui ont été reprises par certains journaux, notre étude prend bien en compte les excuses des députés prévues par le règlement et le Bureau de l’Assemblée : responsabilité dans une assemblée internationale, mission auprès du gouvernement, présence dans une autre commission ou mission d’information, … Tous ces éléments sont décrits dans la section règlement de l’étude. »
La vérité toute nue est simple : les députés, à commencer par le gars Bernard, sont en train de se rendre compte qu’ils sont, contrairement à tout ce qu’on leur avait fait croire auparavant, redevable de leur travail devant le public qui les paye. Ils sont responsables de leurs absences et de leurs présences, et oui, ils doivent effectivement justifier chacune de leurs dépenses, de leurs allées et venues, précisément parce qu’ils représente les électeurs qui ont, volans nolans, placé leur confiance et une bonne partie de leurs économies en eux sous forme d’impôts, de votes et – parfois – de militantisme.
Que les députés aient, parfois ou souvent, un travail parallèle, en commission, et qu’ils ne soient dès lors pas présent est parfaitement compréhensible. Mais d’une part, cela est pris en compte par l’étude, et ne constitue donc en rien une excuse pour les absences observées, et d’autre part, nulle part n’a été écrit ou laissé supposé que le travail de députation était une sinécure (bien qu’en pratique, on se doute que charpentier ou plombier soit un tantinet plus pénible).
Oui, messieurs, il va falloir bosser. Vraiment. Vous nous devez des comptes. Et croyez-moi, nous vous attendrons au tournant. Il est particulièrement plaisant de vous voir ronchonner qu’on vous observe. Chaque contribuable appréciera ainsi le retour de bâton, lui qui est sans cesse épié sur la route par les collecteurs automatiques de PV, épié dans son activité professionnelle par les suppôts de l’URSSAF, épié dans ses finances par les minions du Fisc.
Cette colère, en réalité, cache bien mal l’agacement voire l’appréhension palpable qui s’empare des députés. Ils se rappellent sans doute de l’adage : « Un peuple ne devrait pas avoir peur de son gouvernement, mais son gouvernement devrait avoir peur du peuple. »