2ème partie du conte de Maupassant

Publié le 23 juillet 2010 par Dubruel

 (suite et fin d'Allouma)

Pendant un mois, tout alla bien.

Auballe s’attachait à cette créature.

Cela paraissait contre nature.

Certes, il ne l’aimait pas. Pourquoi le taire?

Elle avait un cœur trop rudimentaire,

Une sensibilité trop peu affinée

Pour éveiller dans son âme passionnée

L’exaltation sentimentale

Qui est, de l’amour, la poésie vitale.

Aucune ivresse de la pensée ne se mêlait

A celle de sa sensualité.

Allouma lui semblait être une de ces bêtes

Sans cervelle dans la tête.

Pourtant, elle le tenait,

Le prenait

Mais d’une façon différente,

Ni cruelle, ni torturante.

Ce qu’il éprouvait pour cette bête exquise,

Il ne savait l’expliquer de façon précise.

L’été très chaud s’écoula.

Début octobre, Allouma

Lui parut distraite, préoccupée.

Un soir, il l’appela : «Viens, jolie poupée… »

Mais il ne la trouva pas.

Il ordonnait qu’on la cherchât.

Toute la nuit, on la chercha.

Le lendemain, on la chercha.

Toute la semaine, on la chercha.

Aucune trace ne fut découverte.

L’existence d’Auballe lui parut déserte.

Puis des idées inquiétantes lui sont nées :

Enlevée, assassinée ?

Trois semaines après, en fin de matinée,

Sa maîtresse revenait.

-« D’où viens-tu ? »

Elle se tût.

Elle demeurait au seuil de la porte,

Résignée à une correction forte.

Voyant qu’Auballe ne la battait pas,

Elle dit tout bas :

-« Il fallait…Je ne pouvais plus vivre ici…».

Lui, vit des larmes couler des yeux

Et il en fut tout attendri.

-« Oh, Mon Dieu ! »

-« J’avais envie d’errer avec les troupeaux,

De me rouler dans le sable chaud. »

-« Allouma, toutes les fois

Que tu voudras rentrer chez toi,

Désormais, tu me préviendras. »

Et leur vie recommença

Comme avant. Auballe appréciait l’attrait

Physique de cette fille qui l’attirait

Mais à la fois, il souffrait d’un dédain paternel.

Pendant six semaines, tout alla bel

Et bien. Puis il sentit qu’elle était

De nouveau triste, agitée.

-« Est-ce que tu veux retourner chez toi ? »

-« Oui, moussié. » Elle saisit ses doigts,

Les baisa ainsi qu’elle le faisait en ses élans émus.

Le lendemain, elle avait disparu.

Auballe en parut affligé.

Elle avait fui avec son berger.

Le fait était insupportable

Absurde, invraisemblable.

Mais convaincu de l’irraisonnable

Logique des femmes instables,

Il se surprit à dire :

-« Sait-on ce qui les fait agir,

Ce qui les fait affectionner,

Suivre un homme puis l’abandonner ? 

Quelle influence impalpable,

Quelle impression insaisissable

Remuent le cœur changeant

Des femmes. Qu’elles soient des champs,

Des villes, des faubourgs ou du désert,

Elles peuvent ensuite sentir, nos très chères

Pourquoi ont-elles agi

Comme cela ou comme ceci.

Sur le moment, elles l’ignorent

Car elles sont les jouets à ressort

De leur sensibilité, les esclaves des événements,

Des milieux, des rencontres et des effleurements. 

Une fille de trottoir, à Paris,

Avec mon cocher serait aussi partie.

Si elle revenait ?...

Hum !…Cela me ferait

Plaisir. Mais quel projet ! 

…Pardonnerai-je au berger ? 

La jalousie ne peut naître que de l’amour,

Tel que nous le comprenons toujours.

En fait, j’aimais Allouma en femme fatale

Comme on aime un animal.

Elle était une bête sensuelle,

Une bête à plaisir dotée d’un corps de femme, elle.

Oui, avec les femmes, il faut pardonner

…Ou ignorer. »

FIN