Le "Cellier des Templiers" à Banyuls : impressions ... mitigées, on va dire ;o)

Par Eric Bernardin

Bon, je savais où je mettais les pieds. J'avais eu affaire aux représentants de cette maison il y a une quinzaine d'années, et il n'y a peut-être que les Henri Maire's boys qui sont encore plus accrocheurs. Ceci dit, j'avais plutôt des bons souvenirs de leurs vins, que ce soit les Collioure ou les Banyuls. Une raison suffisante pour franchir le pas de la grande porte vitrée.

Je suis accueilli de suite par le représentant qui sévit normalement à Beaucaire, mais qui passe son été à la maison-mère (non, ce n'est pas le monsieur sur la photo). Avant même que la visite démarre, il essaie de me soutirer un maximum d'information. Dix minutes plus tard, une douzaine de personnes (enfants compris) sont là, prêts à tout savoir sur le Banyuls.

Nous démarrons par la projection d'un film qui demanderait à être modernisé, car même s'il n'est pas très vieux, il fait "daté". Mais peut-être est-ce l'image de tradition que la maison veut mettre en avant. Démarre ensuite la visite proprement dite.

Un petit tour dehors, histoire de voir les vignes, mais aussi les barriques de Banyuls qui supportent avec bravoure les variations thermiques, les intempéries. Autant dire qu'après un tel traitement, elles supportent même des mauvaises conditions de stockage. C'est pour cela que le Cellier des Templiers s'engage à remplacer toute bouteille défectueuse, même si vous n'avez pas une bonne cave.

Les barriques sont arrosées régulièrment afin d'éviter un déssèchement du bois

Là, c'est une maquette du secteur Banyuls/Collioure.

(cliquer pour agrandir la photo)

Et là, c'est le schéma de la vinification des vins doux naturels (il y a aussi celui des vins rouges, blancs et rosés). Notre guide du jour nous explique qu'il existe de nombreuses combinaisons possibles selon le moment où le vin est muté avec l'alcool neutre (en début, au milieu ou plutôt vers la fin de la fermentation). On obtient alors des vins plus ou moins sucrés. Suit l'élevage qui permet d'obtenir des Banyuls très différents. Il peut être élevé en cuves inox, en barriques (ouillées ou non), en foudre ou presque de suite en bouteille. Au final une trentaine de combinaisons possibles, plus ou moins sucrées, plus ou moins oxydées.

Où ça se gâte, c'est lorsque quelqu'un demande la différence avec un vin liquoreux. Notre représentant part dans des explications sur le botrytis assez hallucinantes (en gros, on ne ramasse que les champignons qui ont englouti le raisin...) que je ne relève pas, histoire de ne pas lui mettre la honte... Mais surtout, il commence à expliquer qu'un grand cru comme Yquem, ça coûte 4.000 € (sic). Alors les grands crus de Banuyls (si, ça existe) à 40 €, c'est cadeau ! Peu après, il fait une comparaison avec Cheval Blanc, tellement plus cher, alors que finalement, c'est pas meilleur. Et puis c'est tellement plus fragile...

Ici, des vins peuvent reposer durant des années.

Ambiance, ambiance...

Idem...

Là, c'est la cave des anciens millésimes qui permet de déguster les vins au fils des ans et de voir leur évolution dans le temps. Le genre de choses qui me tenteraient...

Arrive le moment de la dégustation. Si les verres sont grands, les quantités servies sont chiches. De quoi boire une gorgée, pas plus. En vous remettant les tarifs, on vous explique bien que si vous voulez être un client privilégié, il faut acheter par carton de douze bouteilles. Vous aurez alors un prix plus avantageux, un paiement échelonné, des gratuités en fonction des quantités achetées, un représentant à votre service qui vous livrera à domicile, des bouteilles garanties à vie (voir plus haut)... Difficile de refuser une telle offre, non ?

Collioure rosé cuvée Salette 09 : il nous est servi un fond de bouteille. Du coup, je ne sais pas trop si le nez oxydé est volontaire ou non. Sinon, la bouche est ample, assez riche, au fruit persistant. Et la finale chaude et épicée. Plus un rosé pour plats méditerranéens épicés que pour se rafraîchir au bord de la piscine.

Collioure rouge "Saint Michel" 08 : la robe est plutôt claire pour un rouge du Roussillon. La bouche est ronde, fruitée, assez gourmande. Mais c'est vraiment très court et un peu simple.

Collioure "Abbaye de Valbonne" 08 : tannique et boisé, avec l'impression que la barrique est là pour compenser une matière vraiment légère. A éviter...

Collioure "Abelles" 07 : nez complexe, associant les fruits noirs mûrs à des notes de cèdres et animales. La bouche est dense, mûre, structurée, avec une belle matière veloutée, expressive. Ce vin est bien au-dessus des autres. S'il y a un vin à acheter, c'est celui-ci (16€ à l'unité, 14€ par 12...)

On passe aux banyuls...

Banyuls blanc "Ravaner" 07 : robe dorée. Nez sur la pêche et les fruits secs. Bouche ample, douce, à la matière fine et fraîche. Belle persistance sur des notes oxydatives (mais 20€, tout de même).

Banuyls "Rimatge" 07 : robe pourpre. Le nez est sur la cerise noire, le noyau, les épices. La bouche est ronde pulpeuse, avec un joli fruit. Mais reste assez simple toutefois, et pas très longue.

Banyuls Grand Cru "Terres rocheuses" 02 : robe plus évoluée. Le nez plus complexe, mêlant le pruneau, la terre humide, de cuir, les épices. Bouche ample, élégante, racée, avec un bel élan. Finale persistante, sans impression de sucre résiduel.

Banyuls Viviane le Roy 1999 : couleur ambrée. Nez fin, très marqué par des notes oxydatives. Bouche toute en finesse, aux arômes de caramel, de fruits secs, d'épices. C'est très long en bouche. Je fais un grand saut lorsque le représentant le conseille avec du gibier !!! L'a peur de rien, le garçon ! 

Que dire ?... Il y a tout de même de belles choses dans leur gamme. Mais j'ai l'impression qu'elle semble figée, à croire qu'ils n'ont pas goûté ce qu'il se fait ailleurs dans la région. Le rimatge est le seul "vintage" jeune proposé, et c'est tellement moins gourmand et complexe que beaucoup de Maury (Amiel, Pouderoux, Karolina...) ou Banyuls actuels (Traginer, Madeloc). 

Quant aux Banuyls blanc, j'ai nettement préféré ceux de la Tour vieille dégustés il y a peu. Plus fins, plus subtils.

Mais bon, c'est peanuts par rapport à l'approche commerciale, qui a l'air certes efficace, mais qui ne peut qu'exaspérer l'amateur qui se f... de savoir , entre autres, que les bouteilles soient "hors commerce" (cet argument nous a été resservi trois fois en une heure : ça impressionne les personnes à qui on l'offre, paraît-il). Je ne parle même pas des caisses (forcément) de 12 qui font tout de suite monter l'addition au-dessus des 150 €. Mais bon : on ne paye qu'à la fin des vacances, en plusieurs fois sans frais... 

Bref, je suis reparti sans rien, alors que dans un contexte différent, je me serais sans doute laissé aller. 

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