Étape 17. Pau – le Tourmalet
Duel au sommet !
La guerre des nerfs, en plus de celles des gambettes - et incontestablement, “el pistolero” a plus de nerfs qu’Andy –même s’ils ont apparemment les mêmes gambettes en montagne.
Tout a commencé avec une chute “conne” de Sanchez (troisième au général), qui atterrit sur le plexus et se retrouve totalement asphyxié sur la route, pendant trois minutes au moins. L’équipe basque Euskatel tout entière ou peu s’en faut l’attend, le docteur Porte procède à un “rapide état des lieux” et le cador peut remonter sur la bécane. Alberto a suggéré une neutralisation de la course le temps qu’il revienne, mais Carlos Sastre n’a rien voulu savoir. Son équipe avait déjà été sérieusement handicapée par la neutralisation de Spa qui a empêché Hushovd d’engranger des points (et il n’en a que deux d’avance sur Pettachi), on n’allait pas leur refaire le coup une deuxième fois !
Carlos se lance dans un sacré numéro de “chasse-patate” entre le peloton et l’échappée du matin… 7 courageux qui ont tenté leur chance. Chasse-patate, c’est l’expression consacrée pour définir la situation d’un coureur sorti du peloton et qui s’épuise à tenter de revenir seul sur une échappée. Et Sastre a bien gagné son cornet de frites avec ketchup et mayonnaise, pour avoir roulé 80km tout seul avant d’être repris par le peloton des cadors qui l’a logiquement “passé”. Le pauvre Carlos (vainqueur du Tour 2008), lâché dès les premières pentes du Tourmalet, paiera très cher son incartade du matin. Sinon, dans la rubrique “faits divers”, une nouveauté : après les gosses et les chiens, aujourd’hui un troupeau de moutons a traversé le peloton – heureusement sans conséquence. Il n’aurait plus manqué qu’un ours aille bouffer Contador et Schleck, le spectacle aurait été complet.
Les Saxo de Schleck, aidés par les Rabo Bank de Menchov ont durci la course, apparemment sûrs d’eux. Seulement “el Pistolero” a des nerfs d’acier et malgré son isolement relatif (Vinokourov a curieusement craqué assez vite), il a “fait le job” : se caler dans la roue d’Andy et ne pas en bouger, puisque c’était au Luxembourgeois d’attaquer pour lui prendre du temps.
Dès les premiers lacets difficiles du Tourmalet, le train d’enfer de Schleck permet au duo de se dégager et de se défier. Andy ne pouvait pas trop se permettre une séance de surplace, d’abord parce qu’il était soucieux d’éloigner Menchov en principe meilleur au CLM et pas loin de lui au général, ensuite parce que sur le plan “giclette”, Contador est (encore, mais pour combien d’années ?) plus doué. Il a alors joué la carte “rouleau compresseur”, espérant asphyxier “el pistolero” qui a gardé ses nerfs, le visage impassible, bien calé dans la roue.
Autre raison : l’incroyable indiscipline des supporters qui, sur des centaines de mètres, empêchaient un dépassement sans risque. A maintes reprises, le jeune Andy a lancé un regard à son adversaire, du genre “var ta gueule à la récré” qui n’a pas plus impressionné Contador que le passage d’une coccinelle. A un moment, “el pistolero” a eu de l’espace, il a giclé, pris une dizaine de mètres et a été repris par Schleck. Démarrage posé non pour arracher la gagne, mais pour marquer le territoire : “tu vois, mon poteau, je suis aussi fort que toi”.
Grand geste de seigneur au sommet. Schleck a mené de bout en bout pendant toute l’ascension, Contador, en conséquence, ne fait pas le sprint et lui laisse la victoire d’étape (il avait fait de même l’année dernière au profit du grand frère, dans les mêmes circonstances). Il est évident que si des bonifications avaient été attribuées au vainqueur, il n’en aurait pas été de même. Belle accolade entre les deux, juste après le passage de la ligne !
Bravo enfin au Président. Sarkozy a parlé avec les mots qu’il fallait, un sens de la course remarquable, une pondération de circonstance. On sent que c’est un gars qui connaît le vélo, qui ne se la pète pas en ce domaine pour lequel il est expert (rien à voir avec ses interventions calamiteuses dans le monde du rugby). En plus, pas une faute de français, pas une négation oubliée, aucune approximation lexicale ! Quand il veut il peut, la preuve en est faite et une reconversion naturelle s’offre à lui : manager d’une équipe cycliste ou mieux, journaliste sportif (à la place de Gérard Holtz, ce serait parfait)
Le coup de gueule du jour.
J’ai évoqué hier les contraintes liées au tracé du tour. Il va sérieusement falloir se poser la question des arrivées au sommet dans les Pyrénées, tant les innombrables supporters espagnols sont, chaque année, toujours plus indisciplinés et perturbent le déroulement des épreuves. Autant ça se passe toujours assez bien à l’Alpe d’Huez ou au Ventoux (parmi les sommets mythiques), autant dans les Pyrénées, c’est la foire.
Cette bande d’abrutis vraisemblablement avinés pour la plupart, venus en grande majorité soutenir Contador, ne se sont même pas rendu compte qu’ils l’ont mis en grand danger à maintes reprises et qu’en tout cas, s’il avait véritablement voulu attaquer Schleck, ils l’en empêchaient en fermant le passage. Ou alors, peut être faudra-t-il déployer une logistique considérable en barrières, cordelettes et pandores en nombre suffisant pour les faire respecter, afin que les coureurs aient la voie libre. On ne le répétera jamais assez : il ne faut pas courir aux côtés des coureurs ! (on déplore au moins un blessé chez ces abrutis, renversé par une moto ; pas grave mais il aurait aussi pu tuer le motard et le photographe)
Sauf accident, “acta es fabula”, Contador étant intrinsèquement meilleur que Schleck dans le long Contre la Montre de samedi, et il aura un avantage du à sa position de leader. Partant quelques minutes après lui, il pourra calquer avec précision son temps de marche sur celui de l’outsider. Le “transparent” Menchov semble écarté pour la victoire, mais il peut raisonnablement viser le podium pour la troisième place sans jamais avoir été aperçu de toute la course ! A cet égard, il rappelle étrangement Zootemelk dans sa manière de courir.
Le vélo pour les nuls – l’adhérence des pneus ou boyaux sur les routes.
Aujourd’hui, bien que les coureurs ont roulé quasiment toute la journée sur des routes mouillées ou humides, dans le brouillard qui limitait la visibilité et dans des descentes étroites et pentues, il n’y a quasiment pas eu de chute si on excepte celle de Sanchez (heureusement sans conséquence pour lui), gadin causé par une “touchette” sur une roue arrière et donc de sa seule responsabilité.
Cela est du à la combinaison de deux facteurs. Tout d’abord, le choix des pneus ou boyaux. Comme il était sûr que la chaussée serait mouillée de bout en bout, les coureurs ont chaussé “pluie” (une gomme plus tendre qui adhère mieux, mais qui, sur terrain sec, “colle” la bécane à la route et fait perdre une énergie considérable)
Ensuite, cela faisait 48 heures qu’il pleuvait, quasiment sans discontinuer. Donc les chaussées étaient lessivées et débarrassées de cette fine couche huileuse qui se dépose peu à peu, venant des pots d’échappement (le gazole, pour ça, c’est terrible) comme de certains pollens. Ce qui est très dangereux c’est l’orage brutal sur une chaussée sèche depuis huit jours et couverte de ce gras qui “émulsionne”… si en plus les coureurs sont chaussés “pour route sèche” alors c’est la patinoire et la succession de gamelles assurées.
L’Ancien du Jour – Rick van Steenbergen,
qui fut un des intraitables adversaires de Bobet. 303 victoires sur route, plus de 700 sur piste. (ici, avec Van Loy)
On ne peut parler du Tourmalet sans évoquer la figure d’Henri Desgranges , directeur du journal l’Auto et “inventeur” du Tour de France. Le “mémorial Henri Desgranges” est érigé au sommet de ce col, et une prime substantielle est versée à qui le passe en tête.
benjamin
Le Chat : Ainsi les coureurs auront grimpé le Tourmalet deux fois cette année sans grand bouleversement au classement général. Ce col mythique n’a pas été suffisant pour départager le Luxembourgeois de l’Espagnol. Comme au sommet on est toujours un peu dans le brouillard et ça devient lancinant. A l’image de cette ascension pendant laquelle les commentateurs de France 2 ne cessaient de nous alerter sur un dénouement imminent … Une courte pub et nous allons assister à … Rien … Il reste 10 kms d’ascension, les choses vont devenir sérieuses … Rien … Ce sont les 5 derniers km, il va maintenant se passer quelque chose … Rien … Même pas de sprint pour la victoire d’étape, il paraît que c’est se montrer “grand seigneur”. Bon …
Heureusement il y a Sarko , un vrai “cador” quand il discute vélo et … le troupeau de moutons. Chapeau aux organisateurs pour le troupeau de moutons ! L’étape sans cette mise en scène de haut niveau eut été lassante. Une mise en scène “cool”, écolo, bucolique, sans accroc, pas de chute … de la bel ouvrage. La course ne donnant pas le spectacle attendu, pas de châteaux pour Paulo ni de ruines faute d’hélicos, les organisateurs sont ainsi obligés de recourir à de tels subterfuges pour conserver l’audimat : un Président par ci, un mouton par là, hop une petite pub avant la prochaine facétie des figurants de bord de route.
Il y aurait bien un moyen de “pimenter” les choses : reconsidérer les descentes des cols en employant un revêtement à base de pavés du ch’nord !
A demain … Peut-être !
[crédits photos réservés, Slate.fr ]