Je suis à Lyon, en grande partie pour recevoir ma perfusion entre deux épisodes de vacances. Je viens de recevoir ma dose d'herceptine comme d'habitude à une exception près. Je suis toujours seule avec l'infirmier ou l'infirmière suivant leur planning mais aujourd'hui, comme ça arrive le plus rarement possible, ma plus jeune fille E. était présente. La plus âgée est partie une semaine camper. Comme toujours E. n'a pas voulu en rater une miette et est resté à côté de moi. Les aiguilles, la vue de mon sang ne les effraient pas, elles sont malheureusement habituées.
E. a posé de nombreuses questions à l'infirmier, elle ne l'avait encore jamais vu, elle ne connaissait que sa collègue. Elle a demandé pourquoi on m'injectait ce produit alors qu'elle le sait parfaitement mais toujours ce besoin des enfants de réentendre les mêmes choses plusieurs fois et puis toujours la même question qui revient : "Est-ce que Maman a mal?". C'est quand même impressionnant de le voir m'enfoncer cette grosse aiguille dans mon pac. Comme je ne bronche pas, elle se doute bien de la réponse et heureusement que je n'ai pas mal, mon patch Emla m'y aide mais même lorsque je l'oublie, ça arrive, je ne souffre pas, je sens juste une piqûre dont je me passerais.
Et là elle m'a posé une nouvelle question "Est-ce que j'aurais ça moi aussi lorsque je serai grande?"
J'ai eu un petit pincement au cœur en l'entendant. Je leur donne une piètre image d'une maman, sous traitement. Je sais bien que je n'ai pas le choix, que j'ai la chance d'être en vie, n'empêche que c'est ce modèle que je leur offre.
Je lui ai répondu que les autres mamans n'avaient pas besoin de ce médicament, que c'était parce que j'avais eu un très méchant cancer et que c'était pour éviter qu'il reparte dans mon corps.
Elle m'a dit que oui, elle savait que j'avais eu un cancer du sein.
J'ai dû précisé que ce n'était pas à cause du cancer du sein mais des autres petites boules qui avaient commencé à aller ailleurs dans mon corps que j'avais ce médicament.
Je suis revenue sur sa question et j'ai pris comme exemple ma sœur, pour insister sur le fait qu'elle n'avait pas ces perfusions et qu'elle non plus, ma petite E. n'aurait pas à vivre ça quand elle serait grande.
Je ne peux évidemment être certaine de rien mais je ne peux absolument pas envisager que l'une de mes filles puisse vivre les tourments par lesquels je suis passée.
Elle a semblé contente de ma réponse et rassurée.
Elle ne sera pas là pour les prochaines, peut-être l'été prochain.
En même temps je sais que c'est bien qu'elle voit ce que c'est une perfusion, ce qu'on me fait, ça dédramatise. Mais j'aimerais tellement être une maman normale, comme les autres, sans être associée à ces terribles mots qui sont "cancer, chimio, métastase".