Musicien délicieux, pourvu d'un sens aigu du dancefloor, Kuniyuki Takahashi est un maître. Bien qu'il ne possède aucune assise publique et que l'intérêt du journaliste soit à son égard très fluctuant, on ne peut pas le considérer autrement que comme souverain en son domaine. Quel marqueur est en effet plus significatif que la reconnaissance de ses pairs ? Être adoubé par Theo Parrish , François K, Henrik Schwarz ou Larry Heard, dans le microcosme de la house, voilà qui fixe un homme. Et il ne s'agit pas pour eux de remarquer un jeune poulain, de faire sortir de l'ombre un artiste prometteur, Kuniyuki exerce chez eux un pouvoir de fascination comme s'il faisait depuis toujours partie des meubles. Pour son nouvel album, Walking In The Naked City, le producteur nippon poursuit la fresque qu'il a entreprise dans le début des années 2000, la peinture d'une house extrêmement chaleureuse et toujours plus proche de l'esprit cool jazz. La construction de ce disque est à ce titre admirable : débutant par trois titres nu-jazz du plus bel effet, laissant totale expression au pianiste Fumio Itabashi, Kuniyuki n'investit qu'avec mesure le champ de la dance music. Les kicks apparaissent sur le tard, s'accélèrent imperceptiblement et les synthétiseurs prononcent à chaque fois un peu plus l'ambiance deep et smooth des mélodies ; Walking In The Naked City prend son temps, part d'une musique strictement jazz, l'irrigue petit à petit de sa house profonde et finit par échouer sur de sublimes terrains vocaux, le "Deliverance" final qui rappelle le meilleur du meilleur de Sade. Cousin de formule du scandinave Bugge Wesseltoft – en plus club –, Kuniyuki Takahashi démontre ici, une nouvelle fois, que jazz et house peuvent ensemble faire des miracles. Si l'on est parfois à la lisière de l'easy listening et d'une typologie lounge, peu importe, le risque est assumé, et le talent œuvre y compris dans ces mouvements légèrement naïfs. 7/10.
Autre avis : World and Sound, quasiment seul au monde.