Toi qui cherches un film drôle, passe ton chemin
Car aujourd'hui, La Journée de la Jupe est à l'honneur.
Loin d'être comique, ce film qui a valu son 5ème César à Isabelle Adjani, joue plutôt sur le registre inverse en nous offrant 80 minutes bouleversantes, émouvantes, même choquantes parfois. Car n'ayons pas peur du mot, ce film est poignant. Pas dans le sens nanar-lacrymal du terme, mais dans son acception la plus pure et la plus dure : éprouvant et douloureusement émouvant.
Lilienfeld nous transporte dans le monde d'un collège difficile, doux euphémisme pour qualifier ce lieu où la violence règne en maître et où les élèves ont depuis longtemps pris le pouvoir sur leurs profs. Tout cela semble un peu déjà-vu, voire revival sauce 2010 d' Esprits rebelles avec Michelle Pfeiffer, mais à côté de La Journée de la Jupe, les classiques du genre, c'est de la gnognotte. Parce qu'ici il n'y a pas de moralisation, de rédemption et de happy end comme les aiment habituellement les films sur le sujet.
Isabelle campe magistralement une prof de français, qui, un peu dépassée par un faisceau d'événements indépendants de sa volonté, se retrouve presque malgré elle à prendre en otage ses élèves. Le personnage est complexe, bien travaillé (donc très très loin du rôle de Michelle P. cité précédemment, ou pire encore d'Hilary Swank dans le navet intersidéral, Ecrire pour exister) et ne se dévoile qu'au fur et à mesure du film ; chantre de la laïcité, elle passe pour raciste ; défendeuse du droit à la jupe, elle est traitée de toutes sortes de noms que vous imaginerez sans peine.
Sa prise d'otage va pour la première fois lui permettre de faire un cours à peu près normal, et encore. Les élèves sont habitués à vivre dans une telle violence, que même pistolet sur la tempe,ils continuent à être insolents et frondeurs, laissant la professeure forcément démunie et perplexe devant un comportement qui échappe à tout son processus de rationalisation et de réflexion. On apprécie surtout que le film, loin d'un manichéisme qui l'aurait desservi, essaye de disséquer les règles plus profondes qui sous-tendent la vie d'un collège difficile, à commencer par les relations filles-garçons, qui obéissent pour la plupart à des impératifs crus religieux. Rien ne nous est épargné, mais avec un réalisme stupéfiant, qui fait justement la poigne du film.
Pouvoirs publics et Education Nationale ne sont pas délaissés dans ce portrait, le film mettant en lumière combien délicat est le problème des banlieues difficiles au sein du jeu politique.
On retiendra surtout la violence présente tout au long du film de façon insidieuse : violences verbales à répétition et violences physiques, violences à l'école mais aussi familiales, violences actuelles et violences passées à l'impact parfois encore plus ravageur. Entre les murs semble bien fade en comparaison, faisant office de dessins animés pour enfants à côté de cette terrible journée dans un collège difficile de banlieue.
On ressort de là éprouvé, presque mal à l'aise, infiniment admiratif de ces professeurs qui travaillent dans ces collèges, encore plus désolé et démuni face à l'insoluble problème qui touche les banlieues difficiles (car inutile de préciser que le film n'est pas très optimiste), mais également plein de gratitude envers le réalisateur d'un tel chef d'oeuvre.
A voir absolument !