André Dorais
Il est erroné d’associer le Fond monétaire international au capitalisme, car il s’agit d’une institution gouvernementale. Le FMI n’obtient pas son financement de sources privées, mais des contribuables. On l’associe néanmoins au capitalisme, car on le croit à son service. Or, comment peut-on servir le capitalisme en exigeant des États d’imposer et de taxer davantage les individus et les entreprises? Il s’agit en effet d’une exigence usuelle du FMI pour aider les États en difficulté. On doit se rendre à l’évidence, le FMI ne cherche pas à aider le capitalisme, mais à renflouer les coffres de l’État. Il s’ensuit que critiquer le FMI parce qu’on se dit anticapitaliste est contradictoire. Si l’on veut critiquer cette institution sur la seule base idéologique, on devrait plutôt se qualifier d’anti-socialiste.
Puisque personne n’aime être bousculé dans ses croyances, les forces anticapitalistes rétorquent que ce sont les institutions capitalistes qui appauvrissent et pervertissent les institutions gouvernementales. Par conséquent, elles disent avoir raison de se qualifier de la sorte. C’est la théorie du complot. Les pauvres fonctionnaires et les pauvres politiciens sont achetés par les riches et méchants capitalistes. Cette façon de voir laisse entendre que les premiers n’ont pas assez de caractère pour dire non aux seconds. Curieusement, ils en ont suffisamment pour taxer les contribuables.
Les anticapitalistes critiquent toujours le FMI, non pas pour l’argent qu’il prête, mais pour les conditions qui s’y rattachent. Ils veulent l’argent, mais sans condition. Leur naïveté ouvre la voie à une autre expansion du FMI, alors qu’ils en sont les critiques les plus vocaux.
« La crise est une opportunité pour pousser la création d’une monnaie mondiale et d’une banque centrale mondiale ». Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMIEn effet, quoi de mieux pour aider les gens que de leur offrir de l’argent sans condition? Si le rêve de John Maynard Keynes devait voir le jour il y a fort à parier que ce serait le FMI qui en aurait le contrôle. Celui-ci, et plus généralement les Nations unies, ne manquent jamais une occasion d'avancer l'idée. Il va sans dire que les avantages d’une monnaie mondiale sous le contrôle du FMI seraient substantiels pour les gens qui y travaillent, mais moins évident pour la population mondiale.
Plusieurs individus croient qu’une monnaie mondiale contrôlée par le FMI, la Banque mondiale ou tout autre institution relevant des Nations unies constituerait une amélioration par rapport au système actuel. Ils croient, avec raison, que cela donnerait à l’institution sélectionnée une plus grande indépendance face aux États. Là où ils ont tort est d’associer cette indépendance à une gestion plus neutre, par conséquent plus avantageuse pour les individus.
L’idée d’une monnaie mondiale n’est pas mauvaise en soi, c’est plutôt la façon de s’y prendre qui cause problème. Étant donné que les solutions à la crise économique mises de l’avant par le FMI ne diffèrent guère de celles avancées par les banques centrales, on peut penser qu’il ne lésinera pas à créer de la monnaie à la tonne si les États lui en donnent l’occasion. Sachant que les conséquences de l’inflation monétaire diffèrent d’un endroit à l’autre, ce n’est certainement pas la centralisation de ce pouvoir qui réduira ce phénomène. Qu’on se le dise, l’inflation monétaire ne saura agir comme panacée aux problèmes financiers que vivent présentement la plupart des États.
Une monnaie mondiale peut effectivement réduire les difficultés financières des États, mais à une condition : elle doit être adoptée par la base plutôt qu’imposée d’en haut par l’autorité politique. Ce fut le cas de l’or et de l’argent métallique autrefois. Puisque les hauts gradés du FMI et des banques centrales méprisent la base tout en la courtisant, ils rejettent du revers de la main ce qu’ils qualifient de «retour en arrière». Or, ce sont plutôt leur plan de relance et leur arrogance qui risquent de nous faire reculer, car tout ce qu’ils savent faire est de s’accrocher au pouvoir au détriment de tous.
Le Fond monétaire international est une banque contrôlée par les gouvernements, dont les ressources proviennent des contribuables. Son but initial, en 1944, était de stabiliser les taux de change fixes, car, justement, ils n’étaient pas aussi fixes qu’on le disait. Plutôt que de disparaître au début des années 1970, alors qu’on remplaçait les taux de change fixes par des taux variables, le FMI a, au contraire, accrû ses pouvoirs. Depuis ce temps il prête de l’argent aux divers gouvernements du monde peu importe la raison de leurs difficultés financières.
La crise économique, qui n’en finit plus malgré la prétention contraire des autorités, lui donne l’occasion de promouvoir ses idées de grandeur. Il prétend, encore une fois, avoir trouver le savon qui lave plus blanc. Il suffit de lui confier le contrôle de la monnaie et il pourra aider tout le monde sans condition. Devant cette «générosité» les anticapitalistes finiront-ils par céder? Les anti-socialistes, pour leur part, sauront-ils amadouer par les économistes de renom qui appuient le projet ou l’appuieront le temps venu? Il n’y a pas à dire, le FMI sait exploiter les faiblesses des uns et des autres.