L’activité remplit notre réservoir de gratification sans avoir à prendre de vrai risque relationnel. Certains travaillent à en perdre haleine, juste pour ne pas sentir la solitude de leur vie affective. L’activité soulage les hommes. Pour gérer le stress, ils ont besoin de « faire » quelque chose. Les hommes préfèrent « faire » (descendre la poubelle, monter du bois) plutôt que prendre leur femme dans leurs bras. Les femmes font de même avec leurs enfants. C’est si dur de rester juste là. De simplement écouter l’autre, et ETRE présent pour lui permettre de trouver en lui ses ressources et ses solutions. Il est parfois plus facile de parler quand on fait des choses ensemble, ne serait-ce que se promener.
L’intimité déclenche l’émotion d’amour. L’émotion d’amour, aussi intense soit-elle, n’est qu’une émotion. Elle est nécessaire au sentiment d’amour comme à la relation d’amour, lequel s’étale dans la durée. On peut éprouver des émotions d’amour et aimer de sentiment d’amour sans pour autant choisir de vivre une relation d’amour avec une personne. Parce que la relation engage un projet. En revanche, la relation d’amour nécessite le sentiment d’amour, lui-même étayé sur les émotions d’amour. On peut vivre l’émotion d’amour avec nos enfants, nos amis ou même un inconnu. L’émotion d’amour survient lorsque certaines conditions sont réunies, dans cet espace qu’Eric Berne a nommé « intimité ». Le sentiment d’amour a besoin d’être étayé sur l’émotion d’amour. Quand nous oublions l’intimité, quand l’émotion d’amour n’a plus de place, le sentiment faiblit. Vivre des moments d’intimité, dire « je t’aime » nécessite de prendre des risques affectifs. C’est ainsi que notre tolérance à l’insécurité sera un gage de bonheur plus sûr que la recherche de sécurité. L’intimité intimide parce qu’on y est sans repère, sans pouvoir sur l’autre et pour tout ce qu’elle implique d’intensité émotionnelle et de vulnérabilité. L’intimité est extrêmement ressourçante. Elle renforce estime de soi et sentiment d’appartenance. Chaque fois que nous vivons un instant d’intimité, la question du sens de la vie ne se pose plus, parce que nous sentons la réponse en nous. L’intimité, comme le contact physique et pire le contact physique dans l’intimité, font peur. Peur de se perdre dans l’autre. Peur de ne pas maîtriser l’afflux d’émotions, de larmes. Peur d’être violent, de faire mal. Peur de ne pas pouvoir remettre sa cuirasse après…Nous répugnons à lever le voile su notre vulnérabilité. Nous avons appris la pudeur, impulsion à soustraire à la connaissance d’autrui, fut-il l’être aimé, nos pensées profondes, nos émotions, nos sentiments. La relation est tout un art et nécessite de désapprendre nos automatismes, de sortir de nos habitudes et d’oser avancer vers l’autre dans l’insécurité.
3 – Combien as-tu d’amis ?
Plus les gens ont de liens, moins ils sont inquiets tant pour ce qui concerne leur vie personnelle que vis-à-vis de risques plus collectifs. Les personnes vivant seules sont donc plus inquiètes. Elles souffrent aussi plus souvent d’états dépressifs et sont plus fréquemment malades. La sensation de bien-être psychique et physique croît avec le nombre, mais aussi avec la variété des liens sociaux. De bonnes relations de voisinage sont importantes parce qu’elles donnent un sentiment de sécurité. Plus on a de voisins, plus il est facile de les croiser au quotidien comme dans les grandes villes, moins on les invite. Mieux vaut se fâcher avec son voisin qu’avec ses parents ou beaux-parents, le coût émotionnel est bien moindre. Les voisins sont des gens que l’on côtoie mais auxquels aucun devoir familial ne nous lie. Nos voisins sont proches, mais nous n’en sommes pas dépendants émotionnellement. Ils sont donc vraiment une cible rêvée des projections. Appartenir à un club permet de se retrouver entre gens qui partagent un même intérêt. Les clubs et réseaux sont une source non négligeable de contacts. Ils proposent des activités régulières et nous « obligent » à nous rencontrer. Les réseaux permettent une bonne circulation des informations et donnent à ses membres un sentiment d’appartenance clairement, trente amis sur le net ne remplacent pas les amis en chair et en os, mais quand on se sent désiré, attendu, lu, impliqué, relié, on se sent mieux et il est probable qu’on soit plus ouvert dans la vrai vie et donc qu’on s’y fasse plus d’amis. S’engager dans une association est aussi une occasion de valorisation personnelle et d’épanouissement. Cela permet de développer des compétences de prise de parole, de compatibilité d’animation de réunion. Mais les jeux de pouvoir font rage dans les associations parce que justement beaucoup de gens les utilisent pour fuir l’intimité.
Les amis sont ces gens dont on se sent aimé et que nous aimons profondément. Ce sont des personnes que nous acceptons dans notre espace intime. Ceux auxquels on peut se confier sans risquer d’encourir des jugements. La relation amicale suppose une réciprocité sur la durée. Il y a les amis de toujours. Ceux rencontrés dans l’enfance ou l’adolescence et avec lesquels nous nous sentons tout simplement en lien. Parce que nous avons partagé des moments fondateurs de notre personnalité, parce que nous avons été les témoins de la vie de l’autre pendant un temps et qu’ils savent accepter et comprendre nos attitudes au-delà des apparences. Cet ami de toujours nous comprend de l’intérieur et ne juge jamais. Notre meilleur ami l’est devenu lors de circonstances à fort contenu affectif. Le partage des émotions est ce qui nous permet de nous sentir proches les uns des autres. H2las, nous abîmons souvent nos relations en projetant notre histoire familiale. Avec nos amis, nous avons tendance à reproduire les relations plus ou moins conflictuelles vécues avec nos frères et sœurs. Quand les choses se répètent, nous devons avoir à l’idée que quelque chose de notre histoire tente là de se rejouer. Nos amis ne peuvent combler quelque chose de notre histoire tente là de se rejouer. Nos amis ne peuvent combler des attentes qui ne les concernent pas. N’attendons pas d’eux des guérisons qu’ils ne peuvent nous donner. Nous pouvons être amenés à confier des secrets, des informations pour nous faire valoir auprès de quelqu’un. Etre détenteur d’une information est très valorisant. Un collègue peut s’éloigner de nous parce qu’il nous en veut de connaître une autre image de lui que celle qu’il affiche. Ce n’est que lorsque les situations se répètent, que nous avons intérêt à nous poser la question du bénéfice inconscient que nous retirons de ces échecs répétés. Sinon, les gens s’approchent et s’éloignent de nous pour des raisons qui les concernent.
Pour Isabelle Filliozat, la dynamique sujet/objet est à la racine de la timidité. Si nous sommes objet, nous sommes dépendants des autres, des situations et éprouvons donc des peurs inhérentes à cette dépendance. Lorsque nous sommes sujet, nous sommes au contrôle de notre vie. Les personnes qui ont confiance en elles externalisent la cause de leur échec et protègent ainsi leur image d’elles-mêmes. Mais les timides ont trop peu d’estime d’eux-mêmes. Ils ne cherchent pas à ménager leur amour-propre. Ils sont habitués à leur image négative. Face à l’erreur ou l’échec, ils internalisent, c’est-à-dire qu’ils s’attribuent l’entière responsabilité de la faute. La plus grande partie des phobies sociales sont liées à des expériences vécues dans la famille, à l’école, dans un club d’activité périscolaire, ou même dans le voisinage, de moquerie, de honte, d’humiliation ou toute forme d’exclusion sociale. Le problème de la timidité est qu’elle fréquemment interprétée comme une marque de supériorité. Le comportement de retrait peut être vécu comme de l’arrogance. Constatant que le timide ne fait pas une pas vers eux, les autres en déduisent qu’il les juge intéressants. Les timides ne donnent pas d’information sur leurs sentiments, ils ne disent pas ce qu’ils pensent, laissant de l’espace aux fantasmes paranoïdes des autres. Les timides sont donc souvent rejetés. Ce qui les rend plus timides encore. Si nous sommes rejetés par une personne ou par un groupe, les autres vont nous exclure.
Manger ensemble est un signal d’amitié. Le repas pris en commun est un incontournable de la relation humaine. Lors des événements importants de la vie, un mariage, un enterrement, on offre un repas un peu partout dans le monde. Manger, c’est partager non seulement la nourriture, mais un bon moment avec les autres. Les amoureux se séduisent autour d’ un dîner aux chandelles. Les repas d’affaire permettent de négocier des contrats. On se fait régulièrement des « bouffes » entre amis pour s’amuser, rire, partager de bons moments et sceller l’amitié. Les repas entre collègues soudent les équipes. Etre en présence d’autrui requiert de l’énergie. On ne se laisse pas vraiment aller, sauf avec les amis, et encore. Notre éducation a souvent consisté à placer des filtres, à mettre des masques pour se faire accepter. Nous avons appris à déguiser nos sentiments, à nous montrer comme nous imaginons que l’autre attend que nous soyons. Un dîner passé à dissimuler ses sentiments peut être épuisant. Les relations demandent du temps, de l’attention et de l’énergie. Tout contact suscite des émotions, des conflits naissent fatalement du frottement de deux personnalités. Si une relation est vivante, les confrontations de points de vue, de sentiments, de pensées, sont inévitables. Elles signifient que les personnes osent être elles-mêmes, et se parler vrai. Quand il n’y a jamais de conflit, cela signifie qu’un des deux protagonistes n’existe pas dans la relation.
4 – Pourquoi vous « tombez » toujours sur les mêmes personnes.
Nos croyances engendrent des comportements qui ont une incidence sur notre entourage. L’entourage en question réagit bien sûr à nos comportements et nous déduisons de leurs réactions les croyances du départ sans vouloir prendre conscience de notre part de responsabilité. Nous refusons de voir que nous avons nous mêmes, par nos comportements et attitude, provoqués les réactions des autres à notre égard. Nos réactions excessives viennent de nos programmes neuronaux, des automatismes que nous avons acquis dans l’enfance. De nos expériences enfantines, des messages reçus de nos parents, de nos contacts avec d’autres enfants, d’autres adultes, nous avons tiré des conclusions. Ces croyances guident nos comportements, ceux-ci provoquent des réactions dans l’entourage qui renforcent bien sûr nos croyances d’origine. L’expérience tend donc à confirmer sans cesse nos points de vue sur nous-mêmes, les autres et la vie en général. Notre perception de nous-mêmes et des autres définit quatre positions existentielles.
++ : je m’accepte tel que je suis, je suis conscient de mes atouts et de mes faiblesses, j’exprime mes émotions, je me montre aux autres sans me camoufler, je suis moi, je m’affirme. J’accepte les autres tels qu’ils sont. Quand je rencontre un problème, je cherche la solution avec l’autre.
-+ : je me dévalorise, je pense que je suis moins que les autres, que je ne suis pas intéressant, pas important. Je ne sais pas bien faire les choses, alors je préfère que les autres le fassent à ma place. Je joue au petit garçon ou à la petite fille pour que les autres me prennent en charge. Quand je rencontre un problème, je me dis que c’est de ma faute, je culpabilise. J’attends que l’autre le résolve à ma place.
+- : je suis dominant. Je pense que je suis le meilleur, que les autres ne savent pas s’y prendre. Je suis autoritaire, parfois agressif. Je peux aussi me faire paternaliste, mère-poule. Je cherche à diriger les autres. Je supporte mal d’avoir tort. Quand je rencontre un problème, je cherche le coupable car c’est toujours de la faute des autres.
-- : c’est le désespoir. Je suis nul, les autres ne sont pas mieux, la vie est stupide. Je suis tellement passif que quelqu’un va bien finir par prendre le problème en main. Je ne m’implique pas. Quand je rencontre un problème, j’attends. De toute façon je sais qu’il n’y a pas de solution.
Isabelle Filliozat démontre que dès lors que nous sommes en position de supériorité sur une personne, nos attentes influent forcément sur ses performances. Que nous soyons enseignant, patron, chef de service, ou même sœur aînée. Quand une personne ne manifeste pas certaines qualités, cela ne signifie pas qu’elle ne puisse les développer. Cela signifie qu’elle est enfermée dans une image d’elle-même qui la bloque. Nos attentes envers toute personne guident ses attitudes. Nous devenons ce que notre entourage attend que nous devenions. Nous avons tendance à interpréter chaque geste, chaque parole à travers le filtre de nos croyances plutôt que de chercher à entrer en vrai contact avec la personne, chercher à comprendre ses motivations à agir comme elle le fait. Nos projections conscientes et inconscientes sur autrui influent sur le caractère qu’il nous montre. Nous subissons particulièrement l’influence de ceux dont nous sommes dépendants ou de ceux sur qui nous projetons, ceux que nous admirons, ou devant lesquels nous nous sentons inférieurs.
5 – Fourchettes à poisson et codes sociaux
Certaines personnes voient la société des autres ou certaines situations comme verrouillées à l’aide d’un cadenas dont elles n’ont pas le code. Pourtant, chaque groupe élabore peu à peu ses propres règles quant à « ce qui se fait » et « ce qui ne se fait pas ». Ces règles sont rarement verbalisées en tant que telles. Au sein d’un groupe, les personnes se synchronisent, s’imitent les unes les autres, peu à peu les habitudes se ritualisent, deviennent des codes de reconnaissance dessinant une culture du groupe. Ce code est un langage. Il permet une identification et transmet de l’information. Le code transmet un message permettant de se reconnaître, de se comprendre. Ce rapport émotionnel que nous entretenons avec nos modèles, les parents mais aussi les autres personnes de l’entourage, détermine pour beaucoup la manière dont on va intégrer les codes. Lorsque nous avons l’impression de ne pas appartenir au groupe, lorsque nous sommes rejetés, non-aimés, nous regardons les codes comme étant ceux du groupe auquel nous n’appartenons pas, nous ne les incorporons pas. Les enfants qui ne sont pas suffisamment regardés, admirés, reconnus par leurs parents ; manquent du lien qui leur permet de se sentir appartenir. Ils se disent qu’ils sont tombés dans cette famille par hasard, qu’ils sont un enfant trouvé, qu’un jour leur vraie famille viendra les chercher. Moins on se sent sécure, plus on va chercher à être reconnu dans et par un groupe social. Mettre de l’ordre est une autre fonction des codes. L’ordre contre le désordre du monde. Ordonner permet de réduire l’angoisse. Les rituels sociaux organisant les gestes et les attitudes diminuent l’anxiété liée à la rencontre. Les règles permettent de ne pas se poser la question à chaque fois que se présente une situation. La responsabilité individuelle disparaît. Dès lors qu’on lui fixe des cadres, l’humain se sent sécurisé. Plus une personne manque de sécurité intérieure, plus elle a tendance à chercher refuge dans ces règles strictes, dans ce fonctionnement simplifié. L’homme préfère obéir pour ne pas avoir à penser. Si je respecte le code, je suis quelqu’un de bien. Mais pour se sentir du côté du bien, il faut qu’il y ait dehors un côté du mal. La diabolisation des autres est nécessaire à l’angélisation de soi. Les autres deviennent inquiétants. La peur augmente et le cercle vicieux est lancé. Tout pouvoir va avoir tendance à renforcer ce manichéisme pour se maintenir à sa place. Son intérêt est tout à la fois de sécuriser ceux qu’il domine en encadrant leur vie, et de les humilier pour cesser toute rébellion. Marquer son appartenance en se soumettant à tous les préceptes, se fondre dans le groupe, permet de se sentir appartenir, de se sentir exister et avoir une place. Le manque de sécurité intérieure, d’estime de soi, suscite le désir de se faire accepter donc entraine des tendances marquées à la soumission. Devenir adulte, c’est sortir des notions de bien et de mal pour accéder à celles de responsabilité, de cause, d’effet et d’interaction. Un comportement n’est ni bien, ni mal, il a des conséquences. L’individuation implique de faire face à une certaine angoisse liée au risque de rejet. Chacun veut se sentir exister en tant que personne, dans ce dessein, il pose des choix. Mais ses choix sont dictés par l’influence sociale totalement hors de sa conscience. Nos choix nous définissent, nous nous définissons par nos choix. Etre soi nécessite de sortir du groupe, mais jusqu’où peut-on aller sans être rejeté ? L’individuation implique de faire face à cette angoisse. Du lien permet de se sentir exister pour autrui, trop de lien empêche de se sentir exister en tant qu’individu. Tout au long de notre existence, nous luttons pour satisfaire ces deux profonds besoins : s’individuer tout en évitant la solitude, et se sentir appartenir sans être dans la fusion.
Isabelle Filliozat évoque les incivilités. C’est en fait tout ce qui gêne le vivre-ensemble. Elle parle des riches qui ont du pouvoir et le pouvoir corrompt. Pour eux, se conformer à la règle commune, bien garer sa voiture serait risquer d’être identifié à tout le monde. Leur comportement ostensible fait partie de leur code social, il signe leur appartenance à un clan qui se place au-dessus des autres. Quant aux jeunes des banlieues, s’ils sont
impolis c’est lié à un certain manque de civisme d’autres qui respectent la politesse entre eux, mais pas toujours les lois humaines de fraternité et réciprocité. Les gens qui parlent fort et ne cachent rien de leur vie privée sont en représentation. Ils satisfont ainsi leur besoin d’être reconnus, entendus, de séduire, d’être regardés. Ils invitent les autres à ses centrer sur leur personne. Parler fort dans le train, le bus ou tout environnement public revient à dire : « Je suis intéressant, ce que je dis est intéressant, je cherche à capter une oreille, je me montre. » Sous stress, nous utilisons nos forces pour nous défendre. Toute l’énergie est tournée vers l’intérieur, nous ne savons plus prendre en compte l’environnement. Sous stress, on se montre impoli tout simplement parce qu’on est à l’intérieur de soi, en défense, en protection. Isabelle Filliozat estime qu’il est inutile d’accuser les gens d’impolitesse ou d’inattention à autrui. Leur inattention est liée au bruit ou au stress. Pris dans nos pensées, occupés à gérer le stress
à l’intérieur, nous n’avons plus guère d’énergie disponible pour être attentif à l’extérieur. La RATP a lancé une campagne contre les incivilités en 2003 et cela a porté ses fruits car les messages n’étaient pas culpabilisateurs. Pour Isabelle Filliozat, la montée des incivilités n’est pas liée au laxisme parental, mais à la montée des agents stressants. Le bruit, le stress sont des causes suffisantes pour expliquer l’inattention aux besoins d’autrui. L’explication d’Isabelle Filliozat n’est du tout convaincante car le bruit et le stress ne rendent pas les gens aveugles et ils voient très bien les personnes âgées et les femmes enceintes debout quand eux sont assis.
On peut être impoli par désobéissance. Il arrive que nous en ayons soupé d’obéir et que nous n’ayons tout simplement pas envie de respecter les convenances. La rébellion sert le mouvement d’individuation. Les adolescents refusent les convenances des adultes pour dure leur différence et leur spécificité. Ils veulent se sentir exister en tant que personnes. Tout ordre sonne à leurs oreilles comme une demande de régression. Ceux qui mettent leurs chaussures sur la banquette du métro ne signifient pas « Je salis exprès » mais « je fais ce qui me plaît ». Ils veulent marquer leur territoire comme ceux qui taguent. L’afflux de testostérone n’est pas étranger à ce besoin de marquer le territoire comme les chiens qui urinent sur les réverbères. L’incivilité peut être l’expression d’un sentiment d’injustice, de frustration. Isabelle Filliozat évoque la tolérance. Pour elle la tolérance est souvent érigée au rang de vertu alors que ce n’est qu’une capacité d’acceptation. Nombre de comportements expriment des besoins. En tolérant les comportements sans écouter leur sens, nous manquons au respect à la personne. Si je tolère que mon enfant ne mange que des sucreries, non seulement je n’assume pas mon rôle de parent nourricier et protecteur de sa santé, mais je n’entends pas qu’il tente de me dire quelque chose sur son angoisse de vivre. Isabelle Filliozat préfère le respect à la tolérance. Respect signifie regarder sans jugement. Tolérer, c’est essayer de supporter quelque chose ou quelqu’un que nous jugeons négativement. La tolérance érigée en valeur induit la violence en ce sens qu’elle pose un jugement négatif sur le comportement d’autrui. Le respect est plus difficile parce qu’il ne permet ni jugement rapide ni comportement automatique, il oblige à écouter ce que l’autre veut exprimer à chercher à comprendre le sens de ce qu’il montre.