Ce billet est l’occasion pour moi d’inaugurer une nouvelle catégorie sur ce blog : « la tête dans les étoiles ». Un joli nom pour des adresses d’exception…
Qui n’a jamais rêvé de pousser la porte de cette institution mythique du Palais Royal ? Après une promenade sous les arcades et dans le jardin, je m’approche et vois l’enseigne au loin. Je m’apprête à entrer dans un lieu historique.
Revenons en arrière. Nous sommes en 1784. Le Café de Chartres (ancien nom du Grand Véfour) est un café très chic où il est de bon ton de se montrer. On y parle beaucoup de politique. C’est d’ailleurs au Palais Royal que fermentent toutes les idées qui mèneront à la Révolution. Puis le Café de Chartres devient un luxueux restaurant. Des clients illustres s’y pressent : Napoléon et Joséphine mais aussi Victor Hugo, Fragonard et plus tard Colette, qui habite non loin. Sous la Restauration, Jean Véfour donne son nom au Café et en fait un haut-lieu de la gastronomie parisienne. L’Histoire a commencé…
C’est un joyau de l’art décoratif du XVIIIe siècle que je découvre. Boiseries sculptées, miroirs, toiles peintes fixées sous verre. Au plafond, rosaces et guirlandes en stuc encadrent des allégories de femmes. Je me sens hors du temps.
Après une coupe de Champagne Taittinger brut Cuvée Réserve, nous découvrons le menu. Pas moins de 7 plats vont s’enchaîner.
Nous commençons par des écrevisses et caviar osciètre dans un consommé froid de légumes parfumé à la sauge-ananas. L’intitulé me transporte déjà dans d’autres sphères. C’est une nage d’écrevisses qui arrive, le caviar est comme emprisonné dans une gelée au milieu de l’assiette et la sauge parfume agréablement le tout. Je regarde autour de moi, les visages sont radieux, le bonheur d’être là, à déguster les mets de Guy Martin se ressent. Entre deux bouchées je ne peux m’empêcher de lever les yeux au plafond afin d’admirer le décor classé. La vaisselle, le beurrier, tout retient mon attention.
Vin servi : Vin du pays d’Oc, domaine La Madura 2007.
La valse des serveurs est cadencée et discrète. Déjà les assiettes sont débarrassées et d’autres arrivent. Ravioles de foie gras, crème foisonnée truffée. Le plat phare de la maison. Est-ce que les mots pourront décrire le ressenti ? 3 ravioles rondes et gourmandes se partagent l’assiette, elles renferment un trésor de foie gras poêlé, fondant. La crème truffée relève le goût du foie gras, on est proche de la béatitude là ! Guy Martin nous dira plus tard que c’est l’entrée la plus demandée des clients, certains allant même jusqu’à la demander aussi en plat principal !
Le rythme ne ralentit pas. Nous goûtons maintenant les cuisses de grenouilles enrobées et croustillantes, jus à la tomate acidulé, mélange de fines herbes. Et moi qui pensais ne pas aimer les cuisses de grenouille… Elles sont présentées en mini-tempuras tout ronds, délicieusement croquants.
Le filet d’agneau qui suit est comme gratiné, parfumé à la sarriette, et servi avec un mitonné de tomates vertes et un compressé de tomates et de petits pois. L’agneau est d’une belle tendreté, et l’assiette est présentée de manière linéaire, c’est la touche « Guy Martin ».
Vin servi : Crozes Hermitage 2005, cuvée Albéric Bouvet, domaine Gilles Robin.
Nous avons la chance de déguster une truffe d’été. Sitôt râpée, sitôt mangée ! Un délice de saveurs !
Passons au plateau de fromage, que dis-je à « la table » des fromages ! Combien de fromages nous sont présentés ? Je ne sais lequel choisir. On m’oriente, je me laisse guider. « Plutôt des pates molles s’il vous plaît ». Le sommelier est tout ouï devant la présentation des différents fromages qui nous est faite. On sent le respect mutuel dans l’équipe, l’amour d’une chose : la gastronomie française. Je goûte un camembert, un reblochon fermier. A côté de moi on est plutôt du côté du Cantal, en face de moi c’est du chèvre dans l’assiette.
C’est alors que Guy Martin fait son apparition. Applaudissements. Que faire d’autre ? Nous nous régalons tellement. Compliments sur les ravioles, il semble gêné devant tant d’admiration et après quelques mots disparaît pour retrouver ses cuisines.
Place au sucré. Fraises sur un croustillant aux citrons, infusion d’herbes prises. Ce dessert est présenté comme un mini-millefeuille. Une valse de douceurs arrive : des mignardises (tarte au citron, mini religieuse), une verrine de mangue, des pâtes de fruits… Je ne sais que goûter. Les regards sont amusés, on redevient des enfants devant un goûter d’anniversaire… de luxe !
C’est alors que le fameux Cube nous est servi. Cube Manjari, mangue infusée au combawa (sorte de citron de l’Océan Indien), émulsion à la noix de coco, le dessert phare de la maison. Un grand parallélépipède de chocolat tient debout dans nos assiettes. On nous explique la technique : commencer par tapoter le dessus comme pour le manger à la coque puis casser un côté : le cube s’ouvre laissant s’échapper des petits cubes de mangue, de la crème et une glace tagada. Surprenant d’inventivité et subtil.
Avant le café pur arabica, ses mignardises et petits carrés de chocolat aux mille saveurs, nous goûtons le fameux gâteau de Savoie de Guy Martin.
Je ressors du Grand Véfour charmée par le service affable et attentionné, éblouie devant tant d’excellence et avec la douce sensation d’avoir fait partie des privilégiés le temps d’un déjeuner.
Le Grand Véfour. 17 rue de Beaujolais. 75001. Tél : 01 42 96 56 27. Site : www.grand-vefour.com
Ouvert tous les jours sauf vendredi soir, samedi et dimanche. Menu déjeuner à 88 €. Menu plaisir 268 €.
Autres articles : la Tour d’Argent et Hélène Darroze.