Qui ne s’est pas un jour laissé aller à des rêves d’apesanteur en levant les yeux vers un ciel strié de trajectoires d’avions ? Qui ne s’est pas dit un jour que le métier d’ingénieur de contrôle de la navigation aérienne devait aussi comporter quelques exigences en pensant à tous ceux qui, au sommet des tours de contrôle ou bien dans les centres de contrôle en route, alignent les avions sur les pistes ou scrutent de leurs salles sombres les petits traits sur les écrans radar ? Ces métiers de la fonction publique — les « aiguilleurs du ciel » sont des fonctionnaires de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) — dans lesquels la panique n’a pas sa place et la concentration, la rapidité, la souplesse sont de rigueur doivent certainement exercer le sens des responsabilités.
Las ! la même DGAC nous apprend que, sous l’impulsion de quelques centrales syndicales, 30 % des contrôleurs aériens sont à nouveau en grève aujourd’hui. En cause : la fusion programmée des vingt-sept systèmes de contrôle à l’échelle européenne. La France devrait ainsi regrouper le sien dès 2012 avec ceux de l’Allemagne, de la Suisse, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg pour former le « Fabec » ou bloc d’Europe centrale.
Une fois de plus, nous voilà aux prises avec les détours de la mentalité des droits acquis. Le Cri du Contribuable a d’ailleurs déjà mis en perspective cum grano salis les revendications des contrôleurs avec certains de leurs privilèges exorbitants : des journées de récupération très nombreuses et des retraites fortement valorisées seraient sensées compenser des horaires de travail décalés et le stress.
La réorganisation programmée par la DGAC devrait s’effectuer dans le sens d’une meilleure rationalisation des compétences et des effectifs, entendons : à coût moindre, ce dont on doit plutôt se réjouir pour les finances publiques.
Le chiffrage de la grève des contrôleurs du mois de février dernier, qui s’ajoutait à celui des intempéries s’élevait déjà pour la société privée AirFrance à 22 millions d’euros ! Une nouvelle facture s’ajoutera donc ces jours-ci à ces pertes, sans compter l’impact sur le tourisme estival et l’image de notre pays, non seulement vis-à-vis des compagnies aériennes mais également de tous les touristes qui le visitent.
Alors qu’Auguste Comte qualifiait la révolte de l’individu contre l’espèce d’« éternelle maladie occidentale », Hayek y voyait « la force qui a construit notre civilisation. » A contrario, avec de telles révoltes d’espèce, que construit-on ?
Bruno Sentejoie