Nataku : poème "V.S.O.P."

Il est un peu moins de minuit, je cherche des yeux l'horizon bouffé par les arbres. J'en ai assez de me retourner dans mon lit alors que les nuages ne veulent pas laisser tomber leur pluie. Je prends une gorgée de cognac, je ressens un léger frisson le long de ma colonne vertébrale, je repose mon verre puis j'envois des cendres incandescentes s'écraser sur les graviers en un petit feu d'artifice, petit moment d'exaltation. Je ne sais même plus si c'est Brel ou mon propre désarroi que je chantonne. La brise nocturne caresse doucement mon visage, je ferme les yeux, le verre vide, mon coeur plein et la cigarette qui se consume. Ce soir je suis seul, je me délecte de ces instants de bonheur empoisonné, un hymne de plus à mon incohérence, à l'incohérence de chacun. Des ombres se déplacent sur le sol et disparaissent dès qu'elles croisent un mur. Il ne reste que les tiraillements de souvenirs heureux ébréchés, ranimés par l'ennui, qui tentent de se faire une place.

De temps en temps, un bruit vient rompre le silence, un craquement, une voiture, une vie qui heurte la mienne par inadvertance. Encore une étoile de feu à terre et je sens la colère me revenir, il ne me reste que quelques rêves pour ne pas briser cette atmosphère flottante, ce calme apparent. Le paysage vacille légèrement, je ne sais plus à quelle paix accrocher mon regard. Encore une dernière explosion rouge avant la fin, encore quelques mots avant que les larmes ne viennent, encore un soupir, encore un baiser, encore une ombre, encore une minute avant de redevenir poussière, avant de faire partie du jour qui s'annonce.