Cette année j'ai eu la chance de co-animer, au Zénith de Strasbourg, une après-midi de soutien à Haïti, victime, en début d'année, d'un tremblement de terre particulièrement dévastateur à tout point de vue. De nombreux musiciens alsaciens ou demeurant dans la région se sont produits gracieusement durant plus de quatre heures, permettant ainsi aux organisateurs de récolter de précieux euros pour contribuer à aider les populations sur place.
Parmi ces groupes il y eut Chapel Hill. Les têtes bien faites me diront qu'il s'agit d'une petite localité de Caroline du Nord. Vrai. C'est le lieu de naissance de Nathan Symes, chanteur et fondateur de cette formation de folk-rock. Il vit en France depuis de longues années maintenant. Sa maîtrise de notre langue est telle qu'elle ne trahit jamais la véritable origine dudit Monsieur.
La prestation au Zénith ayant attiré mon attention, je me suis procuré ce dernier album dont je vous recommande l'écoute, même si, au départ, vous n'êtes pas des inconditionnels de ce style musical. Il faut toujours se méfier des concepts musicaux.
Car cette « étiquette » dit finalement peu de choses sur l'esprit de ce CD. Les traditionnelles frontières de la folk se fissurent en effet très vite. S'il y a incontestablement quelque chose de très terrien voire terreux dans la musique de Chapel Hill – au sens d'un attachement aux racines – il y a aussi un effort mélodique et, parfois, une élévation musicale incontestable.
Le mélange Américain/Européens de cette formation ravira ceux qui aiment le mariage entre belle technicité et liberté prise avec la seule prestation musicale. Ici, il y a de la voix qui détonne mais aussi des propos susurrés. La guitare, parfois désireuse d'attirer tous les regards vers elle sait aussi s'incliner quand le violon ambitionne d'apporter de la légèreté, de s'envoler. Et pendant ce temps, batterie et contrebasse semblent tantôt encadrer le tout tels des frères surveillant du coin de l'œil leurs cadets, tantôt s'évader en un claquement de doigts.
On écoute Chapel Hill comme on traverserait des contrées arides dans une belle voiture Américaine. On se laisse aller à cette apparente sécheresse qui découvre soudain un surprenant oasis. Et pourquoi tout cela ? Parce que les éléments constitutifs de cette très attachante formation se sont sans doute trouvées malgré leurs apparentes différences. Différences musicales s'entend. Il faut reconnaître cela aux Américains : ils ont un don pour regrouper autour d'eux quand ils y croient. Il faut reconnaître cela aux Européens : ils savent apporter une étonnante finesse aux projets les plus cadrés.
Que cette démarche ait pris racine dans cette Alsace à l'identité forte n'est sans doute pas le fruit du hasard. Aimer sa terre ne veut pas dire forcément la défendre de façon exclusive. Il ne faut donc pas être surpris de voir les mélodies de Chapel Hill gagner jour après jour un public plus nombreux, certainement sensible à son message universel.
Si jamais Chapel Hill passe prochainement près de chez vous, achetez les billets sans réfléchir. D'abord parce qu'il y aura fort à parier que vous serez touchés par l'esprit confraternel qui émane de ces musiciens sur scène. Ensuite, parce que l'éclectisme est rare de nos jours. Ici, il transpire. Enfin, parce que le dialogue euro-américain est une denrée rare.
Bonne écoute de l'interview de Nathan Symes...
... et de celui de Rym Boos.