Je poursuis mon observation des élections en Europe au cours de ce semestre. Aujourd'hui, les Pays Bas.
Les élections ont eu lieu le 9 juin 2010, à la suite de la démission du précédent gouvernement, en février. Souvenez-vous : c'était autour de la question du maintien des troupes en Afghanistan,et cela avait agité la blogosphère de défense. Je n'avais alors pas commenté (voir ici), car au-delà du prétexte afghan, j'y voyais surtout le résultat de manœuvres politiques intérieures aux Pays-Bas. D'ailleurs, la question afghane n'a semble-t-il pas intéressé la campagne électorale.
1/ Les résultats démontrent une chute des Chrétiens démocrates, et une victoire des libéraux de Mark Rutte (en tête) suivis immédiatement des travaillistes (attention, il y a également un parti socialiste). En troisième position, le "parti de la liberté" (PW)de Geert Wilders, parti populiste (très opposé à l'islam) mais qui défend la démocratie, la séparation de l’église et l’état, l’égalité des femmes et des hommes, l’égalité des homosexuels et des hétérosexuels et la lutte contre l’antisémitisme, ce qui brouille l'appellation d'extrême droite. Suivent les chrétiens démocrates du PM sortant Balkenende, puis le PS, les écolos, les centristes de D66, ....
2/ Il y a donc un net basculement "à droite" de l'électorat, même si les choses sont plus compliquées. La présence du PW empêche la formation d'un gouvernement d'alliance entre les libéraux et le PW (voir ici) et les négociations traînent. En effet, quatre partis réunissent au moins vingt députés sur les 150 que compte le parlement, ce qui rend nécessaire la constitution d'alliance.
3/ On s'oriente donc vers une alliance centriste élargie ; ainsi que l'affirme Eddy Habben Jansen, directeur adjoint de la Dutch Institute for Political Participation , "Nous avons actuellement six ou sept grands partis tous incapables de former une coalition avec deux ou trois d’entre eux. Ils en ont besoin de trois ou quatre autres. C’est vraiment très difficile de former un gouvernement comprenant trois ou quatre partis ayant plus ou moins la même importance qui veulent chacun inclure une partie de leur programme dans le gouvernement".
4/ Il reste que la chose intéresse peu les Hollandais, tournés vers leur finale du mondial qui a été l'occasion d'un grand élan de ferveur patriotique.
Mais je ne crois pas qu'on puisse assimiler le populisme de Wilders à ce qu'on voit ailleurs, en Europe Centrale par exemple. Mais peut-être me trompé-je. De même, la crise a prédominé les débats (voir ici) bien plus que l'immigration et l'insécurité. C'est pourquoi la progression duWP, qui constitue le fait majeur de cette élection, paraît paradoxale. Comme si le raidissement sur des questions identitaires permettait de répondre à l'anxiété de la crise.
Réf :
- pour les résultats : voir ici
- sur les négociations qui traînent, voir ici.
- sur la question de l'islam aux PB, cet interview de Nadia Bouras
O. Kempf