Bientôt sur ce blog, nous nous interrogerons bientôt sur les moyens appropriés pour gérer un fonds photographique. Nous passerons en revue les différentes solutions mises à notre disposition par les éditeurs pour analyser, indexer et diffuser les documents visuels. Aujourd’hui, interrogeons-nous sur la qualité de l’offre faite en tant que photographe et sur les moyens qui peuvent nous aider à différencier notre travail de celui d’un autre, face à un acheteur potentiel. Faut-il vendre de l’objectivité ou enrichir la représentation de notre connaissance; accompagner le réel d’un vécu? La scénarisation est elle une solution?
Légendage et scénarisation : pose lors d'une séance de travail. Daniel, un étudiant Français à l'université de Princeton, s'était proposé comme modèle lors d'un stage sur la photographie de nu animé par Enestine Ruben sur le toit d'un immeuble de New-York. En face, Manhattan; en regardant le "roof" d'à côté, on pouvait observer la troupe de Merce Cunningham en pleine répétition. Photo Daniel Hennemand
En tant qu’iconographes évoluant dans la galaxie des images numériques, nous nous interrogeons sur la qualité de l’offre disponible, nous observons l’évolution de l’équilibre économique de la chaîne de l’image photographique, de la conception, la production jusqu’à l’exploitation « print » ou virtuelle de la représentation. Nous sentons tous une tendance à la saturation de cette représentation et particulièrement pour les créateurs; nous voyons bien la concurrence grandissante entre les photographes légitimés par un statut professionnel et la communauté des amateurs passionnés. Ce qui était il y a deux ans un affrontement en termes de volumétrie – les amateurs produisent et publient des milliards d’images – devient quoique en disent les groupements professionnels un combat au niveau qualitatif de l’image, quelle soit issue d’une commande ou réalisée spontanément. Les professionnels pourront-ils sortir de cet affrontement avec succès?
En explorant l’offre des agences en ligne ou des sites communautaires prétendant à une certaine qualité d’image, nous voyons bien que l’offre est pléthorique, le résultat affiché à l’écran sature le consultant et le plaisir et la satisfaction ne semblent pas toujours être au rendez-vous. En tant que gestionnaire d’images, nous glosons sur la nécessaire indexation des œuvres en ligne, nous nous acharnons à convaincre des photographes réticents à exploiter un minimum les métadonnées avant toute mise en ligne, mais en parallèle à une réflexion sur le fonctionnement des recherches, nous devons nous interroger sur les paramètres qui nous permettent de comprendre ces images. La dématérialisation des fonds iconographiques apporte la profusion et c’est une bonne chose, mais elle engendre la banalisation perverse des images. Quelle information objective ou subjective peut promouvoir une image?
Il y a une quinzaine d’années, lors d’un débat sur la documentation de la collection photographique de la Maison Européenne de la Photographie, le responsable des collections m’interdisait l’indexation des images du photographe Peter Wegman; le portrait de son chien ne devait pas être analysé comme la représentation d’un chien. De mon côté, s’agissant de la constitution d’une base de données des œuvres de l’établissement, je ne pouvais pas accepter ne pas indexer l’œuvre sans le mot clef « chien ». Nous avions là un affrontement significatif entre la monstration d’une œuvre dans un contexte de création et la diffusion d’une représentation objective.
Tout ceci pour nous aider à réfléchir sur la mise en forme de leurs œuvres publiées en ligne. Devons-nous nous satisfaire d’une simple mise à disposition de visuels enrichis des informations utiles à leur reconnaissance par les moteurs de recherche? La documentation objective est-elle suffisante pour différencier son travail de celui de la concurrence?
Problématique ancienne évoquée il y a vingt ans avec l’équipe de l’agence Rapho qui s’interrogeait déjà sur les nouveaux modes de vente à imaginer, puis avec Magnum dont les photographes ne voulaient surtout pas être confondus avec de simples illustrateurs rémunérés au sein de photothèques d’illustration! Un mot clef s’est alors imposé, nous avons évoqué la scénarisation des images. Scénarisation que nous commencions à mettre en œuvre avec la complicité des photographes, lors des soirées au théâtre antique durant les semaines d’ouverture des RIP* d’Arles.
Le photographe doit mettre en valeur son parcours de créateur, à la fois pour légitimer son œuvre et faire sortir ces images du lot aux yeux des acheteurs potentiels, chercheurs et iconographes en quête d’illustrations. Une simple image d’illustration souffre souvent d’anonymat, elle disparaît dans le nombre. Une image retrouve un statut d’œuvre lorsque l’on découvre son auteur, lorsque celui-ci souffre à l’oreille du spectateur l’aventure qui l’a conduit à réaliser cette image.
Concrètement, les auteurs doivent s’obliger à présenter des œuvres dans un contexte créatif objectif ou réinventé, raconter une histoire afin de légitimer une œuvre et susciter un intérêt de la part des potentiels acheteurs. D’où l’utilité de concevoir des interfaces de consultation où bien entendu la recherche thématique est nécessaire, mais où l’entrée supplémentaire construite par l’auteur sous forme de scénarios de découverte apportera à l’ensemble une originalité incontestable.
Enfin, les auteurs doivent aussi, rappelons-le, enregistrer des informations d’identification au sein des fichiers, cela s’appelle des métadonnées et nous reviendrons souvent sur la nécessaire documentation des images avant leur mise à disposition sur le réseau. En dépit des esprits chagrins qui rappellent que ces informations peuvent être effacées; ce qui est exact, comme on peut contrefaire une signature ou falsifier un chèque.
Daniel Hennemand,
* RIP : Rencontres Internationales de la Photographie
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