La construction du Tour

Publié le 21 juillet 2010 par Jeanpaulbrouchon

La semaine dernière un débat fort riche en suggestions s’est installé sur le blog de Yahoo!. J’avais promis de répondre collectivement au cours de l’étape de repos du Tour. Voici donc mes réponses.

 

L’organisateur du Tour est un entrepreneur de spectacle. Il doit concevoir un Tour qui, comme un roman policier, ne délivre son verdict qu’au plus près de l’arrivée afin de ménager le suspense.

Une fois le lieu de départ connu ainsi que celui d’arrivée, l’organisateur doit obéir à certaines règles édictées par l’Union Cycliste Internationale.

Pas plus de trois semaines de course

Une distance totale voisine des 3500 kilomètres

Deux jours de repos ...

Pas d’étape de plus de 250 km

Une seule longue étape ( 228 km cette année pour Montargis-Gueugnon )

Pas plus de cinq étapes de plus de 200 km ( cette année 4 étapes ont dépassé les 200 km )

Ensuite, l’organisateur « remplit les cases » en tenant compte de l’attrait des villes qui ont fait acte de candidature et le critère sportif qui reste primordial.

Depuis deux ans et l’an prochain encore, le départ est donné au bord de la mer ( Monaco, Rotterdam et l’an prochain la Vendée au passage du Gois ). La mer est génératrice d’événements avec le vent et la possibilité de bordures. Elle donne un attrait considérable pour les premiers jours de course.

Ensuite, il faut placer les étapes contre la montre. Outre le prologue ou une première étape d’un quinzaine de kilomètres, il faut choisir comme cette année entre un long clm en fin de parcours ( la veille de l’arrivée ) et deux autres clm ( l’un au cours de la première semaine et l’autre en fin d’épreuve ). Mais cette solution a un inconvénient. Le clm est une discipline du cyclisme. Si l’on met dans le parcours deux contre la montre, ils seront de distance moindre qu’un seul. Cette année par exemple, il n’y a qu’un seul clm mais il est long de 52 km et permet donc une exploitation totale des qualités du coureur.

Autre problème : le clm par équipes. Il ne peut se situer ailleurs que dans les premiers jours de course au moment ou les équipes sont encore au complet. La difficulté est de trouver un parcours adéquat avec des routes larges et rectilignes sans virages trop prononcés. Cette épreuve est hautement spectaculaire et correspond à la définition du cyclisme ( un sport individuel qui se pratique en équipes ). Son seul inconvénient est de bloquer le classement général par les coureurs de la première équipe et de contrarier ensuite les offensives.

Il faut penser aussi aux étapes de plaine. Le Tour est pour le coureur le plus complet mais le sprint est aussi une discipline du cyclisme. Il doit donc y avoir des étapes de plaine à priori réservées aux rapides routiers-sprinters. Pas seulement pour la lutte du classement annexe que constitue le maillot vert mais parce qu’un sprint massif est la résultante d’un travail d’équipe terminé par la victoire du plus rapide. Les « trains » mis en place par les équipes de sprinters sont un véritable régal pour l’amateur de cyclisme.

Enfin, il y a la montagne. En France, il y a deux grands massifs les Alpes et les Pyrénées. Les Alpes se distinguent par la longueur des vallées, les Pyrénées par la succession de cols avec peu de vallées entre les ascensions. En règle générale, une année on met l’accent sur un massif (cette année ce sont les Pyrénées pour le Centenaire du passage du Tour dans ce massif) et l’année suivante l’autre massif aura la prépondérance.

Avec la montagne, plusieurs solutions sont offertes avec les arrivées en altitude ou des étapes comportant plusieurs cols mais cette solution est de moins en moins pratiquée car lorsqu’il y a quatre ou cinq cols au cours de la même journée, les premiers sont bien souvent franchis en groupe pour ne pas dire escamotés.

Il y a bien sûr les massifs intermédiaires : Jura, Vosges, Massif Central et Cévennes. S’ils sont utilisés c’est pour une approche progressive de la montagne pour les coureurs et non pas pour provoquer une grande sélection.

Le Tour de France est riche d’une fabuleuse histoire. Il se doit chaque année de célébrer l’un de ses officiants ou un événement marquant de son histoire. Cette année, c’est le 100° anniversaire du Tour dans les Pyrénées.

Enfin, le Tour bien que dirigé par une société privée appartient au patrimoine national. Il se doit en conséquence de visiter au moins une année sur deux ou trois toutes les provinces françaises. Actuellement, tous les départements français ont reçu la visite du Tour sauf la Corse ( je ne compte pas les départements des DOM TOM qui représentent un cas à part ). Mais il y actuellement des études de faisabilité pour un Grand Départ en Corse vraisemblablement en 2013 pour la centième édition du Tour.

Et surtout, il ne faut pas oublier la télévision. Le Tour est vu par 190 pays au monde. C’est la vitrine de la France. D’où le choix de parcours très pittoresques. Le Tour est une non seulement une épreuve sportive mais encore une leçon de géographie.

Voila donc en gros les impératifs qui sont ceux de l’organisateur. Le Tour 2011 est déjà dans les cartons. Le parcours ne sera dévoilé que fin octobre mais rien ne vous empêche de vous livrer à un petit jeu très amusant et compliqué compte tenu des impératifs de la course. Faîtes vous-même votre propre parcours en sachant que l’an prochain le Tour partira de Vendée.

1° jour : prologue

2° jour course en ligne du Gois au sommet du Mont des Alouettes à côté des Herbiers

3° jour : contre la montre par équipes aux Essarts sur une distance de 23 km

4° jour : direction la Normandie et ensuite la Bretagne ou l’inverse.

Bon amusement. Rien ne vaut de se mettre dans la peau d’un organisateur pour mieux apprécier les difficultés à construire un Tour de France.