Des farmers sans Mylène
ou quand la pop se fait pervertir par les guitares.
Axel l’équilibriste. Au départ, un simple constat. Il suffit de mater la pochette pour s’en convaincre. Mais il ne s’agit pas seulement d’une fantaisie, d’une idée visuelle. Un mur flottant dans le ciel sur lequel Axel jouerait les saltimbanques à ombrelle et à chapeau. Une sorte de Mary Poppins au masculin. Pas si faux à l’écoute de ce premier opus. Venons-en au fait. Axel hésite entre pop et rock. Il marche sur le fil, va-t-il tomber dans la fausse aux punks ou sur la toile tendue par Oscar Wilde, Aubrey Beardsley, John Lennon et Brian Jones ? Extrapolons. Le mur symboliserait le mur de Berlin, donc une certaine idée de la musique allemande, donc le krautrock et tous ses avatars dingos. Le ciel, le fin chapeau et l’élégant parapluie représenteraient les attributs d’une pop made in Britain, tributaire d’un savoir-faire qui doit beaucoup aux grands orfèvres sixties. Ce premier album sobrement éponyme serait donc une allégorie de l’harmonie, le yin et le yang en musique. La tracklist s’en trouve organisée en ces termes, entre paisibles ballades précieuses et rock tendu comme la ficelle du string de la jeune vierge dont l'esprit juvénile se demande encore de quel côté pencher : sucrerie délicieusement mièvre ou stupre rugueux ? Et il est bien question de rugosité avec Dance Hall, Electrika ou The American Jaw. L’électricité s’y tord dans une sorte de danse magique, de rituel païen, surtout dans le dernier morceau cité. Des violons gainsbourgeois y côtoient des riffs graisseux, tombés dans l’urgence. Cette savante construction rappelle le Public Image Limited des débuts. Pour dire vrai, Axel et ses fermiers ont à ce point assimilé leurs influences que les choses paraissent évidentes, sans être prégnantes. Côté ballades, on navigue dans les eaux internationales dont les différents courants nourrissent l’inspiration du bonhomme. On se trouve parfois immergé dans les profondeurs bleutées d’un psychédélisme téléguidé par un certain sous marin jaune (Bottle Of Rain), à d’autres moments, on succombe au charme cristallin d’une pop song aux accents de cabaret (Kids). Billy’s Troubles est littéralement plus troublante. Cette chanson manie les contradictions, passe d’un territoire à l’autre, ne se pose jamais vraiment pour nous emporter dans une sorte de dérive, de fuite en avant. Par ses aspects moriconniens on se persuade même de pouvoir croiser le chemin de je ne sais quel jongleur de flingues mais un synthé bousille cette bucolique image en étalant des nappes bienvenues. Climatiques. Là où le groupe excelle, où le songwriting nous séduit furieusement, c’est dans cet art consommé mais si périlleux du refrain. Electrika et Lamp Post Lighter en demeurent l’illustration parfaite. Une chanson n’est bonne que si le refrain claque comme le drapeau sur l’Everest. Pour arranger le tout, quand ces mecs-là investissent la scène pour réinterpréter leurs titres, je tiens à bien insister sur le verbe réinterpréter, ils choisissent de les pousser dans leurs ultimes retranchements, le rock, dont les riffs savants ouvrent littéralement des tranchées. Il faut avoir entendu l’orage électrique qui menace d’exploser dans l’incarnation live de Dance Hall, surtout quand le solo fait basculer la chanson dans un abîme tournoyant. Un vortex. Même sentiment d’intense perdition qu’à l’écoute de This Is Not A Love Song, les basses funky en moins. Même sorte de voix, de cri primal si insidieux qu’il vous transperce de part en part. Le muezzin devenu rock par l’alchimie de quatre garçons dans les vents changeants de la mouvance indé. En ces temps de cynisme scénique où certains courent le cacheton en jouant une heure, une heure deux, il faut saluer l’héroïsme de nos paysans du son. Pour avoir eu le privilège d’assister à une séance live en studio, j’y ai acquis une rassurante conviction. Exaltante fut la prestation dont je fus témoin en ce jour de reportage où le rock critic se transforme alors en petite souris. Enfoncé dans un coin de studio, devenant quasi une ombre, je regardais alors jouer le groupe avec les oreilles écarquillées. Le moment fut magique. Seul bémol (on parle de musique) à mon indéfectible enthousiasme, il manque à ces chansons prometteuses des textes plus fouillés. Mais ne boudons pas notre plaisir, cette première livraison provoque un indescriptible plaisir (enfin en dehors du champ de la chronique). Pour le reste, ne me demandez pas pourquoi je n’ai pas abordé cette chronique sous l’angle agricole comme l’aurait fait le moindre journaleux bobo pubard moyen. Je ne suis pas cette graine d’homme-là.
http://www.myspace.com/axelandthefarmers
Axel and the farmers - Dream#7 from Ziknation on Vimeo.
21-07-2010 |
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