Senegal : violences conjugales....

Publié le 21 juillet 2010 par Bababe

(En attendant le prochain billet, (cet article du site PiccMi.Com pourrait êttre une illustration du précédent billet (Temps des vacances temps des amours...)


 

 

 

 

 

 

 

"Mes parents n’ont jamais béni cette union curieusement. C’est sans doute cela qui m’a poursuivie jusque dans mon ménage. (...) c’est comme si il m’avait maraboutée» dit M.Diop de son mari avec qui elle a partagé les mêmes amphithéâtres à l’Université. 
 

"Violences Conjugales au sein de certains ménages Sénégalais: Des calvaires innommables sont vécus par de braves Femmes en silence

M . Diop s’est unie depuis près d’une trentaine d’années avec celui avec qui elle a partagé les mêmes amphithéâtres à l’Université. Aujourd’hui, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pourtant, malgré son âge avancé, elle a plus de cinquante ans maintenant, elle conserve les vestiges d’une beauté qui ne laisse personne indifférent.


De taille moyenne, forte de corpulence et de teint clair, cette dame qui travaille maintenant pour son propre compte en tant que gérante de fast-food à Pikine, avoue que son mariage ne la rend pas exactement heureuse. D’un ton mélancolique, elle reconstitue les puzzles de son passé sentimental et nous en livre quelques détails. « Je me suis mariée à l’âge de 27 ans. Je venais juste de terminer mes études. Celui qui est devenu mon mari a toujours été mon collègue étudiant de longue date. Quand il m’a demandé ma main, j’ai aussitôt accepté. Mes parents n’ont jamais béni cette union curieusement. C’est sans doute cela qui m’a poursuivie jusque dans mon ménage. »
La voix brisée, M. Diop s’essuie sa jolie figure baignée de larmes et poursuit tant bien que mal son poignant récit. « Nous avons eu quatre enfants avec mon mari : deux garçons et deux filles. A la maison, c’est moi qui prends toujours tout en charge. Il refuse de faire quoi que ce soit pour nous. Il entretient ses maitresses avec son salaire de fonctionnaire, et ma famille et moi en souffrons beaucoup. Mes parents m’avaient pourtant prévenue dès le départ que cet homme risquait de beaucoup me faire souffrir. A l’époque, j’étais aveuglée par l’amour que je lui portais… J’ai viré énormément de bons prétendants au mariage à cause de lui… Mais c’est comme si il m’avait maraboutée…
A maintes reprises, j’ai voulu demander le divorce. Je n’y comprends plus rien. Il n’a jamais levé la main sur moi, à part la fois où on s’était violemment disputé quelques semaines après notre mariage… Les violences qu’il me fait subir sont d’ordre moral. J’ai l’impression d’être devenue dépendante de lui. » M. Diop, un peu essoufflée s’arrête un moment de parler. Son regard est devenu vague. Il n’ya plus aucune expression de vie. Elle donne l’impression d’être morte de l’intérieur tellement ses gestes sont dénués de vivacité et de gaieté. Cette femme comme des milliers d’autres qui vivent la même situation qu’elle, tait son calvaire. C’est cela qui la ronge d’ailleurs et la fait mourir à petit feu. Elle poursuit son récit, d’une voix lointaine : « Il ne me respecte pas, il ne me considère pas. Lorsque je rends visite à mes parents à Louga, c’est comme s’il avait hâte que je parte loin de lui. Il ne mange plus ce que je cuisine, il se méfie de moi. Je demande le divorce et il refuse de me l’accorder. Son comportement est bourré de paradoxes. Certains membres de ma famille m’en veulent tellement d’accepter cette situation qu’ils m’ont mise de côté. Des fois, je me dis que mon mari doit être malade pour me faire subir un calvaire aussi pénible. »
M. Diop conclut en affirmant que le fait de parler de l’enfer qu’elle vit au quotidien lui fait un peu de bien. Mais que cela ne contribuerait pas à faire d’elle une femme heureuse dans son ménage.
A quelques mètres d’elle, se tient D. Diagne. Celle-ci donne le sein à son benjamin âgé de trois mois à peine. Elle s’investit dans le commerce de tissus, toujours à Pikine. Elle n’a pas de problèmes dans son ménage. C’est plutôt sa sœur cadette restée à la maison qui en a. « Aida doit être folle pour accepter de vivre avec un mari comme le sien. Elle n’a que trente deux-ans mais là je me rends compte qu’elle est entrain de se gaspiller. » Le bébé de D. Diagne termine sa tétée et s’endort aussitôt dans les bras de sa mère. Celle-ci, qui ne mâche décidément pas ses mots, poursuit avec entrain la discussion à bâtons rompus qu’elle a déjà entamée. « Son mari la bat au quotidien, et cela ne semble en aucun cas la déranger.
Elle, la plus jolie fille du quartier a choisi cet ex délinquant juvénile pour le pire. Elle n’a pas voulu convoler en justes noces avec un de ses parents émigrés en Italie. Elle lui a préféré ce gus qui ne lui est d’aucune utilité. C’est à peine s’il s’occupe d’elle quand elle est en état de grossesse ! Son « mari » ne travaille même pas, c’est Aida qui le prend en charge. Ce mariage doit être dissolu au plus vite. Pourquoi s’obstine-t-elle à rester avec ce type qui n’est pas bien sous tous rapports ? » On sent que D. Diagne est dépitée. Autrement comment expliquer que sa poitrine se soulève au point de vouloir éclater à chaque fois qu’elle
évoque les malheurs de sa sœur ? Combien de femmes vivent ce genre de situation mais le taisent par pudeur ? Combien de malheureuses victimes compte ce pays en termes de statistiques s’agissant de parler des violences conjugales ?
L. Pouye, cireur de chaussures au marché Zinc de Pikine tente d’y apporter des éléments de réponses. « J’ai des tas de sœurs, de cousines et d’amies qui vivent ce type de violences physiques et morales au sein de leurs foyers. Curieusement, celles-ci ne se plaignent jamais pour des intérêts bassement pécuniers, familiaux ou sociaux. Les familles sont des fois complices du calvaire qu’endurent ces dames. L’œil de la société est tellement lourd que vouloir y échapper relève du suicide. Ces filles qui sont à peine pubères qu’on marie de force sont des malheureuses femmes à qui, on enlève désormais, toute joie de vivre. Et pourtant la société tait ces cas de figure. Ces femmes qui se font battre du matin au soir finissent par devenir des zombies. Elles n’ont même plus la force de hurler et de dénoncer leur douleur et autre mal-être. J’ai beau être un homme, je comprends les femmes qui souffrent en silence dans leurs foyers. Si on part du principe que ce sont elles qui nous ont enfantées dans la douleur, jamais il ne nous viendra en tête, la mauvaise idée de les maltraiter. J’aimerai que les femmes arrêtent de se voiler la face et qu’elles arrêtent avec des discours du genre « c’est lui que j’aime et personne d’autre ! ». C’est ce genre de bêtises qui risquent de les pousser dans la tombe si elles n’y prennent garde. Qu’elles se trouvent donc des hommes qui les aiment et ont pitié d’elles au lieu de se pavaner avec des monstres qui n’ont rien à faire d’elles. Je ne peux être que révolté lorsque j’entends certaines de mes sœurs me décrire ouvertement les calvaires innommables qu’elles subissent dans leurs soi—disant couples ! »
Les propos de L. Pouye sont assez évocateurs en la matière. Mais sa sensibilité est-elle seulement partagée par ses pairs masculins, ceux-là mêmes qui au lieu de rendre heureuses leurs conjointes sont occupées à les violenter de la pire des manières ? Telle est la question. Qui mérite amplement qu’on s’y attarde en toute franchise. "
 

NK.N - PiccMi.Com