Voici la traduction presque intégrale du memorandum de la CIA publié par le site Wikileaks évoqué dans l'article précédent.
" Afghanistan : Encourager le soutien de l'Europe de l'ouest dans la mission mené par l'OTAN - Pourquoi ne compter que sur l'indifférence générale n'est pas suffisant.
La chute du gouvernement hollandais à propos de l'engagement de ses troupes en Afghanistan démontre la fragilité du soutien européen dans la mission de l'ISAF dirigée par l'OTAN. Certains états membres, notamment la France et l'Allemagne ont compté sur le peu d'intérêt du public concernant l'Afghanistan pour augmenter leur contribution à la mission, mais l'indifférence pourrait se transformer en hostilité manifeste si les combats du printemps et de l'été aboutissent à une hausse des pertes militaires ou civiles afghanes et si un débat dans le style hollandais s'étend à d'autres états engageant des troupes dans le conflit. La Red Cell a invité un expert de la CIA en stratégie de communication et des analystes suivant l'opinion publique au Bureau de renseignement et de recherches du Département d'état (NDT : Equivalent au ministère des affaires étrangères), (INR) afin de considérer les approches de l'information qui pourrait le mieux lier la mission en Afghanistan avec les priorités des français, des allemands, et des autres populations d'Europe de l'ouest.
L'indifférence du public permet aux dirigeants d'ignorer les électeurs.
Le faible intérêt pour la mission en Aghanistan a autorisé les dirigeants français et allemands à ne pas se préoccuper de l'opposition populaire et à constamment augmenter leur contribution en homme dans l'ISAF. Berlin et Paris fournissent actuellement les 3ème et 4ème plus gros contingents de l'ISAF en dépit de l'opposition d'augmenter le déploiement de l'ISAF de 80% des allemands et des français interrogés, selon un sondage de l'INR à l'automne 2009.
- Seule une fraction (0,1 - 1,3%) des français et des allemands questionnés reconnaissent l'Afghanistan comme le problème le plus urgent auquel doit faire face leur nation en réponse à une question ouverte, toujours selon ce même sondage. Ces publics ont classé la stabilisation de l'Afghanistan parmi les priorités les moins importantes pour les leaders américains et européens, d'après des sondages menés par German Marshall Fund (GMF) au cours des deux dernières années.
- Selon le sondage INR de l'automne 2009, le point de vue selon lequel l'Afghanistan conduit à un gaspillage de ressources et " pas notre problème " était cité comme la raison principale de s'opposer à l'ISAF pour les allemands et comme la deuxième principale raison par les français questionnés. Mais le sentiment du " pas notre problème " suggère également que pour le moment, l'envoi de troupes en Afghanistan ne fais pas encore parti des préoccupations des électeurs.
... mais des pertes pourraient précipiter les réactions.
Si certaines prévisions d'un été afghan sanglant s'avèrent exactes, l'opposition passive des français et des allemands pourrait se transformer en hostilité active et puissante politiquement. Le ton des prévédents débats suggère qu'un pique des pertes françaises ou allemandes ou parmi la population civile aghane pourrait devenir un tournant dans le renversement de l'opposition passive en appels actifs à un retrait immédiat.
Les engagements de la France et de l'Allemagne devant l'OTAN sont une sécurité face à un départ précipité, mais des dirigeants craignant une réaction négative avant des élections régionales printanières pourraient être refroidi à l'idée de payer le prix politique de l'augmentation du nombre de leurs troupes ou pour avoir étendu leur déploiement. Si la politique national a contraint la Hollande au départ, les politiciens d'ailleurs pourraient se référer à un précédent pour " écouter les électeurs ". Les dirigeants français et allemands ont durant ces deux dernières années pris des mesures pour anticiper une hausse de l'opposition mais leur vulnérabilité pourrait être plus grande maintenant.
- Pour renforcer son soutien, le président Sarkozy a appeler l'assemblée nationale - dont l'autorisation n'est pas requise pour l'ISAF - à soutenir la mission française après la mort au combat de 10 soldats en août 2008. Le gouvernement remporta le vote facilement, désamorçant une crise potentielle et offrant à Sarkozy la possibilité de déployer approximativement 3000 hommes supplémentaires sans contestation. Toutefois, Sarkozy peut maintenant être plus vulnérable à une hause des pertes car son parti fait face à des élections régionales capitales en mars et le soutien déjà faible à propos de l'ISAF a chuté d'un tiers depuis mars 2009 d'après le sondage INR de l'automne 2009.
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Des messages répétés pourraient devancer ou au moins contenir les réactions.
La population d'Europe de l'ouest peut peut-être être mieux préparée à tolérer un printemps et un été de plus grandes pertes militaires et civiles. S'ils perçoivent les connexions claires entre les résultats en Afghanistan et leurs propres priorités. Un programme de stratégie de communication cohérente et répétée qui pointerait les intérêts des publics spécifiques d'Europe de l'ouest parmi les contributeurs aux troupes de l'OTAN pourrait fournir un tampon si l'indifférence d'aujourd'hui se transformait demain en opposition contre l'ISAF, donnant ainsi aux politiciens une plus grande marge de manoeuvre pour soutenir le déploiement en Afghanistan.
Les français s'intéressent surtout aux civils et aux réfugiés. Se focaliser sur un message affirmant que l'ISAF bénéficie aux civils afghans et citer des exemples concrets de progrès pourrait limiter et peut-être même renverser l'opposition face à la mission. La répétition de tels messages pourrait mettre le doigt sur l'intérêt sérieux des français pour les civils et les réfugiés. Ceux qui ont révélés, dans les sondages INR de l'automne 2009, soutenir l'ISAF ont la plupart du temps déclaré percevoir la mission comme une aide aux civils afghans, tandis que les opposants ont le plus souvent déplorés que la mission cause du tort aux civils. Contredire la perception selon laquelle " l'ISAF fait plus de mal que de bien " est clairement importante, en particulier pour la minorité musulmane de France.
- Mettre en lumière le large soutien des afghans à l'ISAF pourrait souligner l'impact positif de la mission sur les civils. Environ deux tiers des afghans soutiennent la présence des forces de l'ISAF en Afghanistan, selon un sondage fiable de décembre 2009 mené par ABC, la BBC et ADR. D'après le sondage INR de l'automne 2009, les français et les allemands interrogés qui croyaient que le peuple afghan était opposé à l'ISAF - respectivement 48 et 52% - étaient plus à même que d'autres de s'opposer à la mission.
- Inversement, des messages dramatisant les conséquences défavorables possibles sur les civils afgans suite à une défaite de l'ISAF pourrait susciter la culpabilité des français (Et d'autres européens) de les avoir abandonnés. La perspective d'un retour en arrière par les Talibans sur les progrès de l'éducation des filles si difficilement gagné pourrait provoquer l'indignation française, devenir un point de ralliement du large public laïc français et donner aux électeurs une raison de soutenir une cause nécessaire et juste malgré des pertes humaines.
- La controverse médiatique déclenché par la décision de Paris d'expulser 12 réfugiés afghans à la fin 2009 indique que des histoires sur la condition des réfugiés afghans peuvent résonner dans le public français. Le gouvernement français a déjà fait du combat contre les réseaux de trafic afghans une priorité et soutiendrait certainement une campagne d'information sur l'accroissement de la crise des réfugiés afghans en cas de défaite de l'OTAN.
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Des appels du président Obama et de femmes afghanes pourraient faire gagner de l'attention.
La confiance des français et des allemands envers la capacité du président Obama de gérer les affaires étrangères en général et le cas de l'Afghanistan en particulier suggère qu'ils seraient réceptifs à une déclaration directe de l'importance de la mission de l'ISAF - et sensible à l'expression directe de déception envers des alliés qui n'aideraient pas.
- Selon le sondage GMF mené en juin 2009, environ 90% des français et des allemands interrogés étaient confiants dans la capacité du président sur les questions de politique étrangère. Le même sondage a révélé que 82% des français et 74% des allemands interrogés étaient confiants dans la capacité du président à stabilisé l'Afghanistan (...).
- Le même sondage a également démontré que lorsque l'on rappelait aux personnes interrogées que le président Obama lui-même avait demandé l'augmentation des déploiements en Afghanistan, leur soutien augmentait considérablement, de 4 à 15% chez les français, et de 7 à 13% chez les allemands. Le pourcentage total est peut-être faible mais cela suggère une sensibilité significative au fait de décevoir un président largement perçu comme en phase avec les intérêts européens.
Les femmes afghanes pourraient servir de messagères idéales dans l'humanisation du rôle de l'ISAF à combattre les talibans grâce à leur capacité à pouvoir parler personnellement et de façon crédible de leur expérience sous le régime taliban, leurs aspirations pour le futur et leurs peurs d'une victoire talibane. Des projets de proximité qui créent des opportunités médiatiques pour les femmes afghanes de partager leurs histoires avec des françaises, des allemandes et d'autres femmes européennes pourraient aider à surmonter le scepticisme envahissant parmi les femmes d'Europe de l'ouest envers la mission de l'ISAF.
- Selon le sondage INR de l'automne 2009, les française sont 8% de moins à même de soutenir la mission que les hommes et les allemandes 22% de moins à même de soutenir la guerre que les hommes.
- Des évènements médiatiques mettant en avant des témoignages de femmes afghanes serait probablement plus efficaces s'ils étaient diffusés dans des programmes ayant une audience largement - et de façon disproportionné - féminine. "