Où toucher le consommateur ? Sur son téléphone mobile, sur son profil Facebook, ou … au coin de la rue ? Les e-commerçants élaborent des stratégies de plus en plus complexes pour atteindre cette cible mouvante.
Acheter son canapé depuis son téléphone portable… Pourquoi pas ? Les Français apprécient de plus en plus l’Internet mobile. En 2010, ils sont près du quart à se connecter sur Internet via leur téléphone mobile, au moins une fois par semaine, relèvent les Echos du 9 juin, citant les chiffres de l’Observatoire de l’Internet mobile. Les e-commerçants l’ont bien compris, qui développent des sites spécifiquement conçus pour cet usage ou bien des applications pour l’Iphone. C’est le cas, par exemple de la SNCF, de Ebay, la société de vente d’objets aux enchères, de la Fnac, déclinaison de la librairie en ligne, ou de Pixmania, site marchand de produits électroniques grand public. Car les e-commerçants multiplient les canaux d’accès à leur offre. Et, paradoxalement, cette tendance aboutit aussi à ouvrir des boutiques dans le monde physique. C’est ce qu’a révélé une table ronde consacrée aux « nouvelles tendances du e-commerce dans un contexte multicanal », dans le cadre du salon Online, le 9 juin dernier à Paris.
Les intervenants sont unanimes : disposer d’un site Internet bien référencé ne suffit plus. Le e-commerçant doit être accessible de partout. Et, en premier lieu, depuis les réseaux sociaux, qui sont entrain de modifier profondément la manière dont les internautes circulent – et consomment – sur la Toile. La société pourquoitucours.fr, par exemple, propose aux entreprises de les accompagner sur les réseaux sociaux. « Aux Etats Unis, Facebook est le premier site consulté devant Google. On passe à une nouvelle étape du Web. (…).Les consommateurs sont à la recherche d’une expérience sociale, comme sur Fnac Live, où les profils d’autres consommateurs commentent les produits. Les internautes font d’abord confiance à leurs semblables, plus qu’aux bloggeurs ou aux sites de marque » explique Jérémy Dumont, planneur stratégique pour la société, qui conclut que « les marques doivent s’intéresser aux gens en offrant des services de mobilité, même si cela ne génère pas d’achats ». Pour Pingki Houang, directeur exécutif du groupe Pixmania, le développement des réseaux sociaux a également un impact sur la gestion de la réputation des entreprises et des produits. « Avant les consommateurs envoyaient leurs réclamations à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), aujourd’hui, ils en parlent à leurs amis sur Facebook. Cela va plus vite » explique-t-il. Pour l’entrepreneur, qui publie depuis longtemps les avis de consommateurs sur les produits vendus dans sa boutique en ligne, cette tendance représente un « rapprochement avec le consommateur».
Se rapprocher du consommateur, c’est également s’adapter à une autre évolution de ses usages, à savoir, la mobilité. Les implications potentielles sont fortes, même si elles ne sont pas encore forcément rentrées dans le quotidien du consommateur. Celui-ci peut consulter Internet depuis son téléphone mobile pour s’assurer que l’offre du magasin dans lequel il se trouve est la meilleure, ou vérifier les caractéristiques du produit. Grace aux outils de géolocalisation, il peut repérer la boutique la plus proche où trouver les produits repérés dans le catalogue papier qu’il consulte depuis chez lui. Autre possibilité, plus futuriste : consulter sur son mobile une cartographie du magasin physique où il se trouve pour s’y repérer plus facilement. Mais le téléphone mobile va-t-il pour autant devenir le terminal depuis lequel on achète ? « l’Iphone a changé la donne » estime Pingki Houang, pour qui ce canal est particulièrement bien adapté aux ventes promotionnelles temporaires. Via son application ( disponible très prochainement ) pour Iphone, ce commerçant va rendre accessible la quasi-totalité de ses produits, en épurant leur présentation afin de la rendre plus lisible sur un petit écran. Et malgré la complexité de l’offre, il estime que ce canal séduira les 7 millions de clients déjà fidèles à Pixmania. Mais pour Stéphane Claret, directeur général de Pageondemand.com, c’est la nouvelle tablette multimédia d’Apple, l’Ipad, qui « change la donne ». L’outil cumule la mobilité et une interface bien plus agréable que celle d’un téléphone mobile. Il serait potentiellement apte à convaincre le consommateur d’acheter immédiatement son voyage en ligne, après avoir rêvé devant des images grand format ou une vidéo des dunes mauritaniennes.
Ces prospectives ne signent pas pour autant la fin de la boutique physique. Au contraire. Plusieurs marchands qui ont débuté sur Internet ont fini par atterrir dans des lieux physiques, à l’image de la banque en ligne, ING direct, qui a ouvert des agences dans les villes. Pixmania aussi, né sur Internet, a ouvert sept « points retraits » dans l’Hexagone. « Dans notre secteur, la vente à distance représente 15% du marché en France. Cela limite le scope » explique Pingki Houang. Et cette part est encore plus limitée au Portugal, dont les habitants sont peu connectés à l’Internet, ou en Italie, où l’usage de la carte bancaire peine à supplanter les achats en liquide. De plus, « les magasins physiques rassurent le consommateur » estime Pingki Houang. Ils permettent aux vendeurs de pratiquer le « up selling », c’est à dire de convaincre le client venu acheter un produit de repartir avec le plus d’accessoires possibles. Et là, si des outils automatiques font des propositions en ce sens sur le site internet de la marque, « c’est d’autant plus fort dans les magasins physiques » avoue Pingki Houang, qui n’envisage pas pour autant de se priver de l’Internet. De fait, « le multicanal, c’est la somme des messages qui sont arrivés par différents canaux » analyse Stéphane Claret. Et, quel que soit le canal sur lequel le consommateur finit par effectuer sa transaction, les marchands auront bien du mal à se priver des autres.
Anne DAUBREE
© Les Echos Judiciaires Girondins – Journal N° 5698 du 13/07/2010. Tout droit réservé.