Plutôt que d’aller à Bali, «on aurait pu faire ça par mail»

Publié le 17 décembre 2007 par Willy
Plutôt que d’aller à Bali, «on aurait pu faire ça par mail»

Envoyé spécial à Bali CHRISTIAN LOSSON -  http://www.liberation.fr/


Clap de fin sur le show climatique de Bali où, aux forceps, 187 pays se sont mis d’accord pour lancer «un cadre» de négociations sur «Kyoto 2», le traité devant succéder au premier du nom, qui s’achève en 2012. Idée : trouver un (plus petit) dénominateur commun pour lutter contre le changement climatique.

Ce qui a été décidé

Pas de chiffres, pas de date. Des principes. Une coquille. Juste une invitation aux pays développés à envisager des réductions «quantifiées» des émissions de gaz à effet de serre (GES). Un appel aux pays du Sud à réfléchir à des «mesures de réduction». Oubliée la nécessité pour le Nord «de diviser par deux les émissions mondiales de GES d’ici à 2050». Zappée la mention du «pic», le fait que les émissions «doivent culminer d’ici dix à quinze ans». Trappé l’appel aux pays développés à réduire leurs émissions de GES de 25 % à 40 % d’ici à 2020. Une simple note renvoie au Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Mais Yvo de Boer, le boss de l’ONU chargé des négociations, réfute une telle lecture. «On a lancé un agenda ambitieux, transparent et souple», dit-il. Sorti enfin des limbes, un fonds d’adaptation - pour l’instant déplumé - à destination des pays les plus pauvres. Exhumé le test d’un mécanisme destiné à payer les pays qui lutteront contre la déforestation (avec un fonds, ou des mécanismes de marché ?). Avalisé, le principe d’un transfert de technologies vers le Sud ou l’idée de financer (comment ?) la captation et le stockage du carbone.

Ce qu’il faut en penser

Beaucoup de bruit pour rien ? La timidité du deal reste très en deçà de l’urgence décrite par ceux qui vivent la réalité du réchauffement. En retrait de la décence, de l’appel au réveil lancé par le Giec. Reste que trouver un consensus, même mou, à 187 pays, vu les conséquences financières, tient de l’exploit. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, parle de «projet déterminant pour l’ensemble de l’humanité». Historique ? Oui, selon Jean-Louis Borloo (1) ou Hilary Benn, son homologue britannique : «Pour la première fois, on embarque tout le monde, selon des responsabilités différenciées. C’était impossible il y a un an.» Avis opposé d’Angus Friday, de l’Alliance des petits Etats insulaires : «On aurait pu faire ça par mail, ça aurait été plus rapide et moins ridicule.» Les ONG sont presque sur la même ligne. Le pire «a été évité». Ce qui ne veut pas dire que le pire n’est pas à venir. «Les citoyens du monde voulaient plus, note Greenpeace. Des objectifs chiffrés.» De Boer a sa formule : «Le mur de Berlin du climat a sauté ; tout le monde est dans la barque.» Reste à savoir ce que l’on va reconstruire derrière. Et comment naviguer.

Ce qui va se passer

De la diplomatie des petits pas. Les négociations sur le remplissage de la coquille vide commenceront en mars. Avant une nouvelle réunion ministérielle à Poznan, en décembre 2008. Paris va devoir montrer les crocs, et pas en rester à la com. Aux manettes de l’Europe au second semestre 2008, c’est donc la France qui dirigera la délégation européenne en Pologne. «Sauf si la Maison Blanche fout encore le Bronx, ça peut très bien être décalé en janvier 2009, date de la prise de fonction de la nouvelle administration», note un négociateur portugais qui conduisait les Vingt-Sept. Républicaine ou démocrate, ça sera toujours moins pire que l’actuelle administration. Parce qu’en décembre 2009, à Copenhague, ce sera le cœur de la bataille. Bali, à côté, c’était de l’échauffement.

(1) Lire l’interview sur Libération.fr