On ne peut pas, non on ne peut pas raconter ces choses là. Il faudrait que les mots puissent raconter le regard d'un enfant vers la marionnette et le plaisir ressenti. Il faudrait que nos mots disent le regard attendri d'un parent regardant l'enfant puis, se reprenant riant de lui même, revenant au spectacle et riant à nouveau de la parole des objets. Il faudrait que les phrases décrivent ce temps partagé et les différents niveaux de compréhension, de sensibilité. Il faudrait toujours recommencer. Chaque jour, il faudrait dire que la météo nous a préservé, que les rires ont fusés, que le public s'est retrouvé autour de nos oeuvres. Chaque fois, il faudrait dire en parallèle le rire de l'adulte surpris de se laisser séduire par la proposition artistique.
Vous le comprenez, la question qui me taraude est là ; comment raconter avec des mots, comment raconter ce que nous vivons pendant notre tournée, les rencontres que nous vivons, les échanges, ce que nous faisons. Il y a quelques années, nous nous sommes saisis de l'outil "blog" et nous en éprouvons chaque jour les limites ; de la langue, du temps qui nous manque, des vides entre les pleins. Et puis aussi, parfois nous nous disons, que cette chose que nous vivons, que ces temps que nous partageons avec le public, ce n'est pas à nous de les raconter. Nous devrions simplement vous transférer les points de vue de correspondants de presse qui viendrait relater l'évènement, en tirer l'analyse, échanger avec le public et nous même et.... Mais nous ne le pouvons pas. Les rédactions locales ne se déplacent plus que rarement, elles confondent information et communication et pour ce qui concerne les rédactions nationales, elles sont elles trop occupées à couvrir l'unique festival de spectacle vivant...
L'art n'intéresseerait plus les rédactions ? Faut-il qu'il soit télégénique ?
Pourtant, nous avons démarré une tournée qui en un mois et 18 dates passera par 14 communes rurales. Avant cette tournée, nous étions en résidence dans trois villes, villages du plus près. Pendant nos résidences, nous avons établis des partenariats avec 6 établissements scolaires et douze classes du territoire. Pour informer les correspondants de presse, nous avons envoyé plus de 200 dossiers de presse version papier et le même nombre version dématérialisée.
Mais faire sens, donner à comprendre un geste artistique, sortir l'art du temple scénique, participer à construire un mieux vivre ensemble semble ne plus
intéresser les redactions. Nous vivons une époque formidable pendant laquelle nous pouvons être informés en temps (presque) réel d'une information tellement réactive et multiple que les
rédactions des médias (dits traditionnels ) ont eu besoin de recentrer leur point de vue et leurs contenus sur des évènements médiatiques qu'elles couvrent à l'envie, à en vomir.... et pour ce
qui concerne le local (même si, comme pour nous, il ne trouve cohérence qu'en considérant le territoire régional), elles ne le regardent que sporadiquement et sans en tirer
"l'essence"...
Alors pour essayer de rattraper cette difficile mise en abime, on va essayer de reprendre le fil de notre journal de bord. De raconter quand même. Avec les limites de nos mots, d'une langue et du temps qui nous manque, on va essayer de tenir journal, de construire mémoire... Oui, pendant les quelques semaines qui restent on va essayer de reprendre le fil du blog. Une trace, rien qu'une trace . depuis le lancement de nos actions, il y quelques mois, nous le voyons, notre présence sur un territoire a un impact immédiat et avec les mots nous essaierons, d'en délimiter certains des contours ; mais pour l'heure silence, je n'ai plus le temps mais essaie de revenir demain...
Une dernière chose, toute petite chose, si nous avons du mal à relater ce que nous vivons, si ce que nous partageons ne se raconte pas, il se vit. Sous de grands hêtres ou saules pleureurs, sous des cieux jusqu'à présent cléments, les moments passés avec le public sont chaleureux et humains.
Vous n'avez pas tout raté, il vous reste encore quelques semaines pour venir partager avec nous propositions artistiques et espaces de verdure... Il ne reste que 3 semaines avant que nous rangions notre saison d'été... Alors ... vite la cette semaine c'est à Oblinghem et Hinges que ça se passe...
Fabrice Levy-Hadida pour La Cie Les Mille et une Vies Théâtre de Marionnettes Itinérant
Photographies Les Mille et une Vies à Maisnil (8juil.) et Diéval (16 juil.)...