Cet article est paru initialement le 15 juillet sur le site Village de la Justice — La communauté des métiers du droit.
Depuis 1958, seules deux lois (n° 99–505 et 2004–809) et cinq de leurs articles ont été examinés par le Conseil Constitutionnel.
Récemment, plusieurs articles de la presse se sont fait l’écho de probables inconstitutionnalités de dispositions du droit de la circulation routière.
La confiscation du véhicule
Le Conseil constitutionnel devrait connaître prochainement d’une question de droit que l’association 40 Millions d’automobilistes soulevait déjà en son temps au moment de l’étude de la loi LOPPSI II prévoyant la confiscation automatique des véhicules des contrevenants.
En effet, en l’état actuel du droit, un contrevenant peut se voir confisquer par le juge la propriété de son véhicule qui, par la suite, sera vendu aux Domaines au seul profit de l’Etat.
Pourtant, l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
Cette condition n’étant pas remplie, la procédure légale de confiscation du véhicule ne paraît pas constitutionnelle.
Le tribunal de police d’Epinal a décidé le 14 juin 2010 de saisir la Cour de cassation (procédure F 10–90.090) de cette question : l’article 131–21 du Code pénal porte-t-il atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2, 8 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ?
La Cour examinera prochainement cette question avant de saisir ou non le Conseil.
L’inconstitutionnalité des peines automatiques en droit routier ?
S’appuyant sur une récente décision du Conseil Constitutionnel en date du 11 juin 2010 (Décision N° 2010–6/7 QPC du 11 juin 2010) un avocat a jugé opportun de faire d’ores et déjà l’apologie d’une « décision inédite du Conseil constitutionnel permettant d’éviter de perdre son permis de conduire » (…) Désormais, les automobilistes pourront invoquer cette jurisprudence permettant d’éviter une annulation automatique de leur permis ».
Dans sa décision relative à la constitutionnalité d’une disposition du Code électoral, le Conseil constitutionnel a en effet jugé qu’une peine accessoire, à la fois automatique et insusceptible d’être individualisée, méconnaît le principe d’individualisation des peines.
Elle est donc (naturellement) contraire à la Constitution.
Ramenée hâtivement aux sanctions du Code de la route, la mort annoncée de la peine d’annulation automatique du permis pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique en état de récidive légale, paraît acquise.
Elle l’est beaucoup moins lorsque l’on étudie la jurisprudence du Conseil constitutionnel et notamment celle relative aux peines planchers automatiques.
En effet, dans sa décision n° 2007–554 DC du 9 août 2007, relative à la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs , le Conseil a validé ces peines automatiques considérant que le principe d’individualisation des peines, qui découle de l’article 8 de la Déclaration de 1789, ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ; qu’il n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction.
Pour le moment et dans l’attente de la décision du Conseil, la Cour de cassation a décidé de transmettre la question QPC à l’Institution (arrêt n° 12147 du 8 juillet 2010 (10–90.077) :
Attendu que la question posée tend à faire constater que l’article L 234–13 du Code de la Route est contraire à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et au principe de l’individualisation des peines découlant de cet article ;
Attendu que la disposition contestée est applicable à la procédure ;
Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu qu’au regard du principe selon lequel doit être établi le caractère strictement et évidemment nécessaire de toute peine, la question posée présente un caractère sérieux en ce qu’elle concerne une peine complémentaire obligatoire d’annulation du permis de conduire que le juge est tenu d’ordonner ;
D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
Et la légalité du permis à points ?
D’autres avocats voient déjà aussi la fin du permis à points et communiquent leurs intentions en la matière.
Pour cause, la sanction de la perte de points est une peine pénale accessoire automatique.
Pourquoi alors ne pas la soumettre en effet au Conseil constitutionnel.
Peut être parce que le dispositif du permis à points a déjà été validé par le Conseil constitutionnel ?
Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que la procédure de retrait de points « ne porte pas atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution » et « qu’eu égard à son objet et sous réserve des garanties dont est assortie sa mise en œuvre, elle ne porte pas d’avantage atteinte à la liberté d’aller et de venir » (Décision n° 99–411 DC du 16 juin 1999).
Et qu’ainsi une QPC sur ce point ne passera pas les barrages juridictionnels préalables ?
Toutefois, il ne s’est pas expressément positionné en ce que la sanction automatique d’invalidation du permis de conduire qui résulte de la perte de la totalité des points serait ou non contraire au principe de nécessité et d’individualisation des sanctions.
Ceci étant dit, la Cour d’appel de Besançon a rejeté ce 1er juillet 2010 de transmettre une QPC relative à la constitutionnalité du permis à points alors que l’avocat du contrevenant arguait que son client avait obtenu un titre « permanent » d’autorisation de conduire et que, par principe, la loi ne peut être rétroactive.
Dans son arrêt, la Cour relève que le Conseil constitutionnel, a déjà tranché « sans ambiguïté » sur ce point, considérant « conforme » l’instauration du permis à point et de ses conséquences.
Rémy Josseaume, docteur en droit pénal et membre de la commission Juridique de « 40 Millions d’Automobilistes »