No more road but trail. Some rivers have to be forded and the rain during former days threatens some fords, particularly the Kaske River that we cannot pass. What really about the worldwide famous dryness in Ethiopia, as the newspapers said? Our tour leader, J, explains us the history of such myth. It was in 1987 when colonel Mengistu changed the country in a Popular Republic pledging USSR allegiance. Agrarian reform and estate nationalisation ruined agricultural economy. Many ethnic tribes live in the south-west, in a very traditional way. Women are bought by men and they are allowed to buy a woman when puberty and initiation are passed. But the job of the male is to nourish his female (one or more) and the kids they may have with them. Beside the river, we have to stop and camp for the night, in the Amer territories, as the Mayne Reid heroes did in the children books.
Nous reprenons la route qui s’est transformée en piste, mais bien roulante. Les 4×4 traversent des oueds à demi secs, passables à gué dans 30 cm d’eau, ou sur un fond rocheux. J craint que nous ne puissions passer à un moment ou à un autre car il a beaucoup plu ces derniers jours sur l’Ethiopie. Qui croit encore que ce pays connaisse sérieusement sécheresse et famine ? Cette scie des organisations internationales se réfère, selon J, toujours à une période très précise de l’histoire récente, celle où la dictature de Mengistu a effectivement affamé les populations. Mais c’était plus par désorganisation des transports et actes de guerre qui ont engendré des déplacements forcés que par manque de production ou d’eau ! C’est la carence de l’Etat, pas la pauvreté du pays, qui est en cause. Je ne nomme pas J par son vrai nom. Comme dans beaucoup de pays, « parler vrai » - même aux seuls étrangers – n’est pas bien vu, surtout lorsque l’on tient à y faire des affaires. Pour garder toute sa force à ses propos, je l’appelle J simplement, qui n’a rien à voir avec son vrai nom.
Soutenu par l’URSS et les troupes cubaines, le colonel Mengistu a transformé l’Ethiopie de 1987 en République démocratique et populaire. Il a étouffé à l’éther et sous un oreiller le « 225ème descendant du roi Salomon et de la reine de Saba », Haïlé Sélassié, empereur sénile. Le nouveau régime s’est affirmé marxiste-léniniste et a lancé réforme agraire, nationalisation des terres, création de fermes d’Etat, envoi de 60 000 étudiants dans les campagnes, et “alphabétisation” des masses (en fait propagande politique). Puis, comme Mao l’avait fait avec ses gardes rouges, les « milices » aux ordres du pouvoir ont mené la « lutte des classes » contre les étudiants, forcément « contre-révolutionnaires » car instruits. Seule l’ignorance est « rouge » quand il s’agit de garder le pouvoir. Ces milices devenant dangereuses à leur tour, elles sont lancées en 1976 contre l’extérieur, ces maquisards Erythréens qui, en vrais professionnels, cette fois les taillent en pièce. C’est le prétexte à de nouvelles purges… Le Négus Rouge n’a pu survivre à l’effondrement de son mentor, l’Union soviétique. Il s’est exilé au Zimbabwe en mai 1991 avec ses partisans gradés. Les guérilleros du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) sont entrés dans Addis-Abeba. Une «Conférence nationale», représentant les principales forces du pays et les différents peuples a préparé une nouvelle constitution et a libéralisé l’économie, démantelant la collectivisation ravageuse de l’agriculture (à ce qu’on nous dit).
Le long de la route, tous les gosses de 5 à 15 ans saluent de grands signes accompagnés de cris de joie nos 4×4 qui passent en rugissant auprès d’eux et dans un nuage de poussière. Ils nous voient comme des personnages exotiques, des sortes d’extra-terrestres de la technique, avant-gardes de la modernité à laquelle ils aspirent (ils l’ont vue à la télé). Rien à voir avec un quelconque “rallye des sables” mais plutôt avec la curiosité ancestrale de tout sédentaire pour tout nomade qui passe - même si nos ‘chameaux’ sont fabriqués au Japon.
Nous nous arrêtons plusieurs fois afin de lier connaissance. Les ethnies sont différentes, nous passons des Oromos aux Amer, après les Borana et les Erboré, puis viennent les Konso qui cultivent en terrasses. Les femmes mariées ont en cette région les cheveux tressés, enduits de terre rouge par une copine. Elles doivent porter ce signe distinctif durant trois semaines. Mais, pour leur vie entière, elles porteront un collier de fer soudé au cou. Comme une chienne, elles appartiennent à leur mâle, telles sont les moeurs des “bons sauvages”… Seule la première épouse porte le collier ; les suivantes, s’il y en a, n’en portent pas. Le mariage, pour un homme, est très simple : dans ces sociétés paysannes, il est économique. Il suffit qu’il ait de quoi acheter une femme et l’entretenir avec sa marmaille. Le garçon pubère, dès qu’il a été initié par le saut sur les buffles abondamment illustré par Nicolas Hulot durant son émission sur l’Ethiopie, va chercher une femme. Les jeux sexuels qu’il a pratiqués librement depuis tout petit avec ses copains et ses copines ne comptent pas. Dès qu’il peut engendrer, il doit cependant assurer l’économie de son désir. Il se rend obligatoirement dans un autre village, c’est la coutume. Pour éviter la consanguinité, il ne peut se marier dans le sien. Que l’ethnie soit différente n’importe pas, si elle n’est pas en guerre avec la sienne. Une fois marié dans ce nouveau village, il y restera pour y travailler.
Une autre femme rencontrée porte une plume sur la tête, parée comme si elle se rendait à quelque cérémonie, timide, très belle. Sa coiffure l’oblige à de lents mouvements de tête qui ajoutent à sa grâce. Mariée ou pas ? Difficile de le savoir, si jamais elle est ’seconde épouse’.
La dernière rivière avant le camp de Turmi est passable à gué… mais à pied. Non que l’eau soit trop haute, mais le fond de sable enliserait inévitablement les véhicules. J, en vieux routard de l’Afrique, le voit de suite. Il s’agit de la rivière Kaské.
Ne pouvant aller jusqu’au camp prévu sous les arbres, nous installons nos tentes avant le gué, dans un endroit de la forêt peu dense qu’il est nécessaire de négocier avec les habitants du village proche. Nous ne sommes guère qu’à 500 m du gué, en territoire Amer. En soulevant les pierres pour niveler le sol, il faut faire simplement attention aux scorpions. J’en déloge un de sa cachette et il n’a qu’une hâte : fuir la lumière, les vibrations de mon pas sur le sol. Si vous ne vous asseyez pas dessus, aucune raison qu’il vous pique, il a plus peur que vous ! Les insectes et les serpents sont le danger des pays tropicaux. Nul campeur n’ouvre son duvet avant le moment même de se coucher et il place ses chaussures à l’intérieur de sa tente, n’oubliant pas de les secouer dehors au matin avant de les mettre.
Un jeune garçon mince et grand, au pagne bouffant autour de ses cuisses maigres, vient nous saluer fort cérémonieusement en nous serrant la main. Il peut avoir 13 ou 14 ans et, appuyé sur son haut bâton de berger, le pied gauche replié le long de son mollet droit, le visage pensif, les yeux brillants, il est l’un des personnages de l’Afrique éternelle qui trotte dans l’imagination depuis nos lectures d’enfant.
Nous vivons le campement du weld décrit dans les livres de Mayne Reid, qui ravissaient mon âge tendre épris d’aventures. L’apéritif est sous l’éthel, dont la ramure ajourée laisse entrevoir le ciel qui s’assombrit, les quelques nuages, puis les étoiles. Chant des insectes, des batraciens du fleuve proche et des oiseaux innombrables.
J nous fait goûter le vin rouge éthiopien de marque Gouder, produit à Awassa. Je ne sais s’il s’agit de la vinification ou de la désinfection des bouteilles, mais flotte sur le nectar un vague goût d’eau de Javel.