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Village de Turmi

Publié le 09 mai 2007 par Argoul

As we cannot move by car, we move by foot. We pass the river to explore the next village of Turmi. Many cows and kids are chewing branches they can get in savannah. It looks like the landscape of our ancestor Lucy. Turmi is a village where stands the local government authority. A market under some trees offers vegetables, fruits, honey and wooden stools to put your head on (if you are male). A little boy of 3, without any dress on, catch my hand and do not want to let it. His sister tells me his name : Malako. He looks like the Kiruku boy of the Disney cartoon. 

Nous nous réveillons avec le jour et les bruits des animaux qui montent. La clarté et la fraîcheur du petit matin sont trop précieuses pour rester dans les duvets. Le petit-déjeuner est “colonial” avec fauteuils de toile et table. Quelques femmes du village voisin viennent installer par terre, sur une bâche, un étal de fortune avec des babioles à vendre : bracelets, colliers, petits pots. Quelques adolescents curieux les ont accompagnées. Ils ont le corps gracile, en pagne ou bermuda, parfois le torse nu. Les plus vieux sont habillés à l’occidentale, d’un jean et d’un tee-shirt qui n’arrangent pas leurs jambes longues et leur poitrine mince. Certains ont le visage bouffi par l’alcool ou la drogue. Les mieux préservés ont 15 ans au plus, comme le garçon d’hier, revenu ce matin emmitouflé dans le pagne qu’il portait bouffant à la ceinture. Les Amer de la région connaissent bien J qui vient souvent.

Nous ne pouvons toujours pas traverser la rivière en véhicule, deux 4×4 étrangers qui ont tenté de le faire sont coincés au milieu du lit, à demi versés. Mais nous n’allons pas passer la journée à ne rien faire. Nous partons donc randonner un peu, passant à pied le gué inaccessible aux roues. Certains endroits, nous le sentons sous les pieds, sont mouvants. Une lentille de sable vous aspire la cheville. Pas étonnant que les roues s’y engluent.

Une fois le gué traversé, nous entrons dans la savane arborée, le pays de notre lointaine ancêtre Lucy. Y poussent des cactées, des lauriers et des acacias. De très petites bêtes vermillon courent par terre. Des vachettes, des chevrettes, paissent ce qu’elles trouvent en troupeau. Elles sont petites et maigres, d’où ces diminutifs qui viennent spontanément à l’esprit. L’Ethiopie compterait près de 70 millions de têtes de bétail, plus que d’habitants. La terre est rouge et humide des pluies récentes.

Des cases telles que dans le dessin animé « Kiroukou l’enfant nu, l’enfant noir » se dressent dans quelque endroit nettoyé. Elles sont entourées de barrières de bois et grouillantes de petits tout aussi nus que dans l’animation.

Les habitants demandent du fric et toujours du fric pour la moindre photo. La pause théâtrale à but commercial n’est pas dans mon style de vues. Sans appareil, les petits garçons s’apprivoisent très vite, plus que les filles, et viennent vous attraper la main comme ils le font pour tout adulte. C’est touchant, l’humanité à l’état de nature, hors conventions et arrière-pensées sociales. Mais ne rousseauisont pas : les villages Amer régulent leurs naissances sur décision collective en fonction de la nourriture disponible. Le bébé rejeté est tué ou donné à adopter à un village voisin.

Une très vieille femme, ahurie de nous trouver au milieu de son village, vient de sortir de sa case pour prendre l’air. Ses arrière petits-enfants semblent lui expliquer ce que nous faisons là mais son regard montre qu’elle ne réalise pas vraiment. Elle est maigre, la peau parcheminée ivoire, remplie de plis, les seins pendant comme des bourses vides. Elle a le teint plus clair que les enfants car elle doit peu sortir. Un petit vient spontanément lui offrir son épaule pour s’y appuyer et la guide sur le chemin. Elle ne doit plus y voir très clair. Quelques hommes reviennent au village en portant sur l’épaule des haches dont le fer est simplement emmanché en force dans le bois.

Nous traversons un peu plus loin un oued à sec où le radier de béton, bâti sur du sable, a été emporté il y a quelques mois par une crue. Le bar local nous permet une pause café. Nous voyons s’y préparer « l’injera » qui est le nom de la grande crêpe nationale préparée à la farine de teff. Nous en avons mangé avec de la purée de pois chiche.

Turmi est un gros village dont la principale fonction est administrative. Il recèle la maison du gouvernement, les écoles, le dispensaire, les missions religieuses, la poste. Nous déambulons dans ses rues de terre poussiéreuse. Un petit tout nu qui n’a pas trois ans ne porte sur lui qu’une chaîne supportant une grande croix de métal sur laquelle est inscrit « I love Jesus ». Sa sœur plus grande me dit qu’il s’appelle Malako. Inévitablement, il m’attrape la main et ne la lâche plus ; je ne fais pas peur aux enfants. Sa sœur trouve cela mignon, flatteur pour le petit.

Une rue transversale s’ouvre sur une vague place, sur laquelle quelques arbres préservés font de l’ombre. Là se tient le marché. Chacun peut venir s’y installer par terre et proposer, sur un linge étalé, ses productions, légumes, artisanat ou miel. Ce dernier est récolté dans les acacias où pendent des ruches artificielles grosses comme de petits tonneaux. Le miel, avec pas mal de cire et quelques cadavres d’abeilles, est coulé en calebasses de plusieurs kilos parfois, qui sont vendues avec un bouchon de bois. Vous pouvez acheter aussi de l’écorce de café, bien moins chère que le grain et tout aussi parfumée si elle est fraîchement torréfiée. La décoction du pauvre n’est pas si mauvaise, c’est ce que l’on nous a servi au bar tout à l’heure.

Des artisans sculptent et assemblent des bolkotos, ces petits sièges que chaque homme porte à la main et qui lui servent de tout : à poser ses fesses s’il s’asseoit ou son cou s’il veut dormir à la sieste sans déranger sa coiffure. Il pose sa nuque de côté sur le mini tabouret et garde ainsi son visage isolé du sol où grouillent toujours des insectes. Certains hommes portent aussi un bâton qui ressemble à un phallus. Bâton de commandement ou casse-tête, c’est un signe de statut, nous dit-on.

Un groupe de jeunes s’amuse d’un hérisson attrapé en bord de route et qui tente de se carapater à chaque fois qu’on le pose, déclenchant les rires de l’assistance. Les jeux cruels des paysans ne diffèrent pas vraiment des nôtres.


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