Étudier en visant l’indépendance financière ou épouser un homme riche et divertissant ?
C’est la question que se pose Jenny, seize ans, dans Une éducation, film de Lone Scherfig. Et c’est une bonne question, réussit à nous montrer le film. Car on est en 1961, la question est d’autant plus épineuse que les femmes éduquées, même celles qui sortent d’Oxford ou de Cambridge, n’ont pas des perspectives qui font rêver (professeur, directrice de lycée, sont les exemples que Jenny a concrètement sous les yeux, et ces deux femmes n’incarnent pas vraiment son idéal de vie).
Alors quand elle voit David débouler dans sa vie comme un ouragan (Peter Sarsgaard -sorte d’Ewan Mc Gregor replet, sans les fossettes mais assez séduisant et parfait dans le rôle du roublard) et que celui-ci lui en met plein les yeux et les oreilles en l’emmenant dans le Londres de la nuit, des clubs, des restaurants, pis, Paris, les hôtels de luxe (etc..), Jenny succombe. Et pourtant, elle a la tête bien sur les épaules, et une tête bien faite. Elle est très bonne élève, et très maligne, elle est curieuse de tout, savante, armée d’un puissant bon sens. À elle seule, elle est plus cultivée que les trois amis qu’elle rencontre. Cela donne parmi les scènes les plus drôles du film, la confrontation entre la maturité cultivée de l’adolescente de seize ans et l’ignorance crasse d’Helen, la poupée à cervelle de moineau, amie de David.
L’histoire est basée sur le récit autobiographique de la journaliste britannique Lynn Barber. Est-ce pour cela que la bonne question est finalement éludée ? Car Jenny (formidable Carey Mulligan qui pouffe comme personne) découvre que son futur mari (elle choisit donc d’abandonner ses études) est un menteur marié, aux activités plutôt louches, et finalement lâche. Donc, le choix redevient facile : elle retourne à ses études.
Mais ce qui aurait été vraiment intéressant, ç’aurait été de voir finalement ce qui se serait passé si David avait été un homme riche et fiable. Quelle aurait été la morale alors ? Abandonnez vos études jeunes filles, choisissez la belle vie si vous en avez la chance, laissez tomber vos études qui, à cause de votre condition de femme, ne vous mèneront qu’à une vie étriquée et ennuyeuse ? Car finalement, et c’est le père qui l’exprime le plus clairement dans le film, cela revient à une histoire d’argent : les moyens d’assurer un avenir financier à une jeune fille se valent-ils ?
C’est un bon film, bien joué, et enlevé (le scénario et les dialogues sont de Nick Hornby !). Mais, dommage. Il ne va pas au bout de la question initiale en simplifiant trop l’équation de base et retombe sur une morale consensuelle et bien pratique.