Eclipse - Fire & Ice

Par Ashtraygirl

 ! Spoilers éventuels !

Nous y revoilà. Le tourbillon Twilight s'installe une fois de plus dans les salles obscures, drainant des foules de fans en chaleur délire qui se donnent pour mission de faire exploser le box office autour d'une bluette adolescente fantastico-dramatique. Inutile de vous refaire un topo sur les origines de la saga (vous pouvez retrouver ici mes critiques de Twilight et New Moon) dont, j'en suis certaine, vous n'avez pu qu'entendre parler. Un bref rappel cependant: comme beaucoup de fans, et contrairement à bien des sceptiques, j'ai lu les livres de Stephenie Meyer, et les ai apprécié, globalement. Ma critique se base donc en grande partie sur l'adaptation de ceux-ci, sur les attentes que j'en ai, et je peine de fait à envisager les films à travers le simple regard cinéphilique. De plus, je suis plutôt du côté des sympathisants de la saga, pour parler sobrement (ce qui ne m'empêche pas d'être critique vis-à-vis d'elle, cependant). Vous voilà donc prévenus.

Alors, où en sommes nous des tribulations amoureuses de Bella, Edward, Jacob et consors? On a d'abord eu droit au coup de foudre entre la belle et le vampire dans le premier opus, puis à la séparation des tourtereaux dans le second, avec l'apparition d'un deuxième prétendant pour la demoiselle en détresse, qui s'avère être un loup-garou. Dans Eclipse (ou Hésitation, si vous préférez), Bella et Edward se sont rabibochés et filent de nouveau le parfait amour, au détriment de Jacob, parti ressasser sa défaite dans sa tribu. Mais une menace extérieure va contraindre vampires et quileutes à une cohabitation rapprochée afin de protéger Bella, portant le triangle amoureux amorcé au préalable à son paroxysme. Va y a voir du sport...

Twilight peut s'envisager un peu comme la métaphore à rallonge d'une histoire d'amour un rien complexe, qui explore, livre après livre, un aspect particulier de celle-ci. Twilight était celui des prémices amoureux et de la découverte de l'autre, quand New Moon éprouvait les sentiments par divers obstacles. Eclipse, lui, se veut le tome de la maturité et des choix qui y conduisent/en découlent. Trois intrigues s'y trouvent entremêlées. Celle, mise en avant à outrance, du triangle amoureux et des conflits intérieurs qui en résultent. Celle, plus intimiste, qui se focalise sur Bella au travers des décisions qu'elle doit prendre concernant son avenir plus ou moins proche. Et, enfin, celle qui aurait pu inciter quelques réfractaires à tenter leur chance avec ce film-ci: la campagne de mort lancée par une poignée de vampires nouvellement créés et laissés en roue libre, se dirigeant droit sur le trio, résolus à les broyer. Alléchant.

 

Pour l'heure, Eclipse est le volume qui a le plus de punch, le plus de rythme, le plus d'humour. En vérité, il détonne singulièrement par rapport à son prédécesseur, dont la nostalgie plombante contraste énormément avec l'énergie distillée dans celui-ci. Sans être mon préféré (loin de là), Eclipse était pourtant le livre que je jugeais le plus "visuel", et qui recelait un nombre important de séquences prometteuses. Pourtant, aucunes de celles que j'attendais avec impatience de voir portées à l'écran n'a su me satisfaire et, tout au contraire, les passages que j'avais jugé les plus ennuyeux ou expéditifs sur papier fonctionnent bien mieux sur pellicule.

Côté (très) bonnes surprises, le passage de David Slade derrière la caméra bien trop sage de Twilight a eu un impact positif. Le bonhomme est un habitué des créatures aux dents longues, et n'est pas réputé pour faire dans la dentelle. C'est donc une noirceur toute nouvelle qui s'installe à Forks, avec l'avènement de cette armée de "nouveaux-nés", vampires fraîchement convertis dont le Q.I. ne répond qu'à ce seul impératif: boire. Si Stephenie Meyer était restée plus qu'évasive sur ceux-ci dans ses écrits, David Slade leur accorde une place de choix dans son long-métrage, et soigne leurs entrées. Les séquences où ils apparaissent, chaperonnés par l'excellent Xavier Samuel, figurent parmi les meilleures d'Eclipse. En concurrence, les scènes retraçant le passé de Jasper (Jackson Rathbone, convaincant) et Rosalie (Nikki Reed, charismatique) sont particulièrement soignées visuellement, et apportent une dose supplémentaire de frisson sans rapport aucun avec les atermoiements sentimentaux des personnages principaux. Côté action, on est plutôt bons, donc, avec un double combat final palpitant mais bien trop court, qui rythme agréablement cet opus par ailleurs très bavard. Autre bon point, l'humour injecté à dose homéopathique, qui lorgne du côté de l'auto-dérision, comme si la saga avait pris son parti des remarques dont elle est la cible. Enfin, la mise en valeur des seconds rôles, bien que toujours trop succincte à mon goût, est plus soignée cette fois-ci, avec notamment une composition toujours impeccable de Billy Burke et de la trop rare Sarah Clarke.

Côté positif, c'est à peu près tout. Et là, je pousse un gros soupir de déception...

 

Si David Slade était tout désigné pour développer la relative noirceur qui se profile en arrière-plan de l'intrigue principale, on a la désagréable sensation, comme pour tout film sous licence confié à un réalisateur à l'univers bien défini, que celui-ci est resté crispé sur la pédale de frein quand il brûlait de mettre un bon coup d'accélérateur. En clair: les propositions sont là, mais le film reprend immédiatement ce qu'il promet, laissant une impression de frustration cuisante pour préserver l'aspect niaiseux qui colle tant à la saga qu'à la mention "tous publics". Et ce n'est pas ce qui se passe du côté des amants maudits qui se charge de changer la donne.

Là où le livre s'avérait bien plus sulfureux en développant avec un peu plus d'audace son érotisme sage, le film souffle plutôt le froid que le chaud avec ses baisers convenus et ses caresses timides. Même les affrontements voulus chargés de testostérone (qu'on ne retrouve finalement que sur le torse sculptural d'un Taylor Lautner plutôt convaincant) pour remporter le coeur de la demoiselle tournent courts et font l'effet d'un pétard mouillé, quand on attendait des joutes verbales fiévreuses et des accès de jalousie mal contrôlés, parfaitement évoquées dans l'oeuvre originale. Las! Les deux conquérants rivalisent de sang froid pour taire leurs emportements virils, la palme revenant à cet imbécile de vampire - incarné par un Robert Pattinson en petite forme jusqu'à l'affrontement final - qui se la joue compréhensif à outrance quand n'importe qui d'autre sortirait de ses gonds. Frustrant, je vous disais. Et tandis que ces messieurs rongent leur frein au même titre que le réal', il nous faut supporter Bella, insupportable pucelle aussi capricieuse qu'égoïste qui aime par-dessus tout se poser en victime à tout bout de champ. Et le fait qu'elle soit incarnée par une Kristen Stewart à l'expression monofaciale n'y arrange rien. Si son air désabusé faisait merveille dans le précédent volet, ici, il lasse rapidement, à l'instar des dialogues calibrés à l'excès et répétés à l'envi qu'échangent les protagonistes. Demander à sa chérie d'amour de l'épouser une fois passe, deux fois tasse, trois fois lasse. Il en va de même pour les suppliques de Bella qui n'a de cesse de devenir une vampire elle aussi, ou celles de Jacob qui s'insurgent en permanence à propos des suceurs de sang, justement. Le syndrome du disque rayé fonctionne à plein, ici, au gré de scènes contemplatives, volubiles, assommantes. 

La problématique de la maturité, des choix à faire à l'orée d'une vie d'adulte, du passage de l'innocence à l'ère des responsabilités, qui trouve son paroxysme lors d'un discours de remise des diplômes inspiré et convaincant, est trop largement bâclée pour susciter un réel intérêt et s'ancrer utilement dans le récit.

Autre source d'agacement: l'apparition de personnages qui, s'ils ont une importance dans le livre, se révèlent absolument inutiles au regard du film, si ce n'est pour alimenter la galerie et contenter plus que brièvement les fans les plus pointilleux. Le pire dans la manoeuvre est sans doute que beaucoup d'entre eux s'en satisferont.

A noter le remplacement au pied levé de Rachelle LeFevre par Bryce Dallas Howard, qui s'en tire ici avec les honneurs. Si elle n'a pas le charme vénéneux de sa collègue, elle est parvenu à effectuer un raccord tout à fait crédible, en parfaite continuité.

 

En bref, beaucoup d'occasions manquées dans ce film, un scénario potentiellement prenant mais trop bavard préférant s'égarer dans la redite, et une recette qui fait de moins en moins rêver à mesure qu'elle atteint ses limites, ne donnant plus à voir que les défauts essentiels du récit, à l'image du maquillage de plus en plus marqué des vampires, dont on peine dorénavant à concevoir qu'ils ne se font pas griller par la population locale. Même la B.O. accuse un coup de mou.

Traîner un peu trop du côté des communautés de fans et autres sites officiels pour palier à l'attente d'un film qui sait se faire désirer recouvre un inconvénient majeur: celui d'exacerber les espérances que l'on en a au gré de news prometteuses. Les miennes ont, globalement, toutes été déçues. Et mon manque d'indulgence à l'égard de ce volet ne s'explique pas tant par mon désappointement personnel que par le gâchis éhonté d'un potentiel énorme bien présent, mais volontairement bridé par une production soucieuse de ne pas errafler la morale prude qui sous-tend la saga.

Eclipse avait tout pour être le meilleur de la saga, à l'écran. A mes yeux, il est cependant le pire. Dommage.


*Indice de satisfaction:

*2h04 - américain - by David Slade - 2010

*Cast: Kristen Stewart, Robert Pattinson, Taylor Lautner, Billy Burke, Ashley Greene, Peter Facinelli, Elizabeth Reaser, Jackson Rathbone, Nikki Reed, Bryce Dallas Howard, Kellan Lutz, Xavier Samuel...

*Genre: Bite me... if you can

*Les + : Le film réussit là où le livre ramait: au niveau de l'action et de la relative noirceur. Quelques belles trouvailles visuelles, quelques très beaux plans, et une mise en avant louable des seconds rôles.

*Les - : On commence à se lasser des atermoiements juvéniles répétés sans relâche, éprouvant une recette qui sature et a perdu de sa saveur, au profit d'une morale bien trop puritaine. A quand l'explosion?

*Liens: Fiche Film Allocine

*Crédits photo: © SND