Jeudi 20 mai 2010 - Donc ce matin, le travail avec les femmes est annulé, mais cet après-midi nous commençons l’atelier à la Maison d’Arrêt des hommes. Entrée pas aussi simple que chez les femmes, nous ne pouvons pas pénétrer avec le véhicule et la remorque dans la cour, on a même du mal à s’arrêter devant l’entrée car des groupes de policiers armés et vêtus de gilets pare-balles partent pour, pensons nous, le procès Colonna. Il faut donc décharger tous les costumes, le matériel de jeu, passer tout cela sous le portique et le tapis roulant de l’entrée normale, puis avec des chariots, nous véhiculons tout cela dans les couloirs, les très longs couloirs des trois sections. Le gardien chef est de mauvais poil, il ne veut pas que nous allions directement dans la chapelle, notre lieu de travail, pour installer le matériel, car il n’a pas de gardien pour nous ouvrir, nous devons aller dans la section 1 récupérer les détenus. Romain, qui heureusement est avec nous, va les chercher un à un. Nous poirotons, au milieu des cris des surveillants du brouhaha général, l’ambiance est tendue, électrique, rien à voir avec le quartier des femmes beaucoup plus calme. Ils arrivent, ils sont enfermés dans des salles d’attente, très serrés. Ils ont l’air renfrognés, ne disent pas bonjour, ne nous regardent même pas. Enfin, au bout d’une demi-heure, nous partons ensemble vers la Chapelle. Le surveillant qui les accompagne les oblige à marcher en file le long du mur. Ils passent un portique, la canne anglaise d’un des détenus sonne…Enfin dans la chapelle, au fin fond de la 3e section. Et on commence, discours de Romain, de Djamela, puis nous nous présentons. Et David arrive en Padox, aussitôt c’est la détente, ces mines renfrognées s’ouvrent, ils sourient, s’étonnent, s’intéressent. Le personnage leur plaît indiscutablement. David, finement, va s’asseoir auprès de Cédric, une forte tête qui se met à part, et l’entraîne gentiment à regagner le groupe dans les gradins. Ils se présentent, l’ambiance est détendue, on plaisante, je leur raconte l’ensemble du projet, l’histoire de Padox Migrateur, qui semble les toucher. Enfin après une pose cigarette (attention, pas de chichons, sinon l’atelier risque de s’arrêter), ils commencent à s’habiller.Et les premiers exercices sont concluants, improvisations individuelles, exercices dirigés au talkie-walkie, ils enlèvent le costume, c’est gagné. À part un, qui nous dit que ce n’est pas son truc, les autres marquent réellement de l’enthousiasme, le fait de jouer sous le masque leur plaît et les décontracte. Et Aimé nous confie que Padox lui fait tout oublier, qu’il se sent un autre. Très vite nous avons appris les prénoms, l’un d’entre eux, Mostepha, me dit que cela forme une famille. Pendant tout le travail, le surveillant est resté assis en haut des gradins, près du téléphone, et n’a pas jeté le moindre regard sur l’atelier. Il faut rentrer, on se regroupe dans le couloir de sortie, mais nous sommes bloqués par une immense clameur de chahut, encore de l’attente, enfin on rentre, avec un arrêt devant la première section sud, on se serre chaleureusement la main, Cédric le plus agité, trouve que le couple que nous formons avec Jeanne est « mignon ». On se dit à mardi. Demain on revoit les femmes, pour présenter le court spectacle répété en 3 séances. C’est incroyable d'observer la transformation de leurs visages. Dans l’espace pénitentiaire, ils sont gris, fermés sans communication. Dès que l’atelier commence, on les découvre, ils s’ouvrent. Cie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin 12, rue Vauvenargues 75018 PARIS Tél 01 42 81 09 28 GSM 06 11 87 62 77 Siret : 353 180 813 00035APE 923 A Licence cat 3 n 15816image Jeanne Heuclin et le Padox photo Cie Houdart-Heuclin