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Elle est riche, elle est vieille et on nous en rebat les oreilles. Depuis plusieurs semaines, Liliane Bettencourt monopolise bien malgré elle, la Une des journaux de tous bords. Elle et ceux qui sont liés à un hypothétique abus de sa générosité, ou de son manque de discernement. En effet, la principale actionnaire de L’Oréal aurait “fait don” de quelques 993 millions d’euros au photographe François-Marie Banier, ami de longue date de la veuve en or.
La fille unique de celle-ci, Françoise Bettencourt-Meyers, porte plainte fin 2008 pour abus de confiance, ce que nie à toute force l’artiste. Quelques temps se passent, et à force de fouiller dans les marques de générosité de la milliardaire, une autre affaire, politique celle-là, remonte à la surface grâce ou à cause du journal web Mediapart. Liliane Bettencourt aurait financé bien au delà des limites autorisées par la loi, des partis politiques et personnalités. La campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ferait partie de la liste de ces largesses, notamment par l’intermédiaire d’Eric Woerth, actuel ministre du travail, en charge de la délicate réforme des retraites.
Et c’est là que je me demande si tout ce foin est bien nécessaire. Les médias grattent et étalent en permanence des affaires scandaleuses, cherchant à sortir sans cesse du sensationnel, du scoop. Tandis que dans le même temps, le vrai débat politique, le débat de fond qui seul pourrait réconcilier les français avec la politique, doit se contenter de la portion congrue, cantonné aux heures de faible écoute ou aux médias moins fréquentés (journaux spécialisés, chaînes de télé thématiques...). Régulièrement, les ténors du Parti Socialiste poussent de hauts cris devant ce qu’ils jugent comme un manque de dignité du gouvernement, un manque de légitimité aussi. Mais pour ce qui est de proposer des solutions alternatives construites et pensées en profondeurs, ils restent remarquablement silencieux.
Pourtant, n’est-ce pas là le rôle de toute opposition qui se respecte ? Tout ce théâtre de Guignols donne à penser que la politique est juste l’art de tirer dans les pattes de celui d’en face pour essayer de lui prendre sa place, mieux payée. Il est vrai que l’immense majorité des actifs de notre pays échangeraient volontiers leur salaire contre celui d’un ministre. Moi-même, je me contenterais bien de la moitié !
Si les politiques sont responsables du manque de profondeur de leurs propos, nul doute que les médias, par le choix de la place qu’ils font à tel ou tel sujet, peuvent influencer l’effort de renouvellement de la parole politique. L’affaire Bettencourt, la plupart des gens s’en moquent, et pour une raison très simple. Toutes ces histoires de gros sous ne risquent pas de changer le quotidien du péquin moyen, contrairement aux réformes des retraites et de la sécurité sociale. Bon, une dame très riche et peut-être un peu ramollie du bulbe aurait donné un peu de sa colossale fortune à des politiques. Et alors ? Primo, Lilianne n’a pas l’air de se retrouver démunie pour autant (je dois dire que cela me soulage d'un gros souci).
Et deuzio, l’honnêteté n’est pas la première qualité supposée des personnes au pouvoir. Si l’on interrogeait l’opinion publique, il y a fort à parier que les politiques apparaitraient plutôt comme arrivistes, mégalomanes, voire pour certains, tout à fait corrompus. Donc Mesdames et Messieurs les journalistes, dans le cas où vous bénéficieriez encore d’une certaine liberté de parole et d’action, ce que je crois, poussez nos ministres, nos présidents de régions, nos députés à en dire plus sur la manière dont ils comptent agir pour ramener une vraie dynamique dans notre pays, plutôt que d’interroger chacun et chacune sur le sentiment que l’affaire Bettencourt-Woerth lui inspire. A force d’avoir l’air con à tirer leur langue de bois, ils pourraient bien finir par se pencher pour de bon sur la question.