68. Hoi An, paradis ou enfer des princesses?

Publié le 20 juillet 2010 par Melaniepiqpiq

"My tailor is rich"... cette phrase n'est pas si absurde que Ionesco, mauvaise langue, ne le laisse entendre. A Hoi An, elle prend tout son sens. Je suspecte d'ailleurs les auteurs de la méthode Assimil d'y avoir passé quelques jours avant de rédiger leur manuel. Ils auraient cependant dû être un peu plus explicites et préciser les causes de cette affirmation: "My tailor is rich because he ruined me".
Pour ceux auxquels il manque les références nécessaires (je pense aux plus jeunes) pour comprendre, voir cet article de Wikipedia bref mais instructif: http://fr.wikipedia.org/wiki/My_tailor_is_rich). L'exemple sur la localisation de Ryan leur parlera certainement davantage, n'est-ce pas Sister? Quant à ma tante (pas celle sul'pot mais de Pau), qu'est-ce qu'elle attend pour éclairer la lanterne de ces pauvres Anglais?
Revenons-en à nos tailleurs. Il y en a absolument partout dans cette ville!!! Ils représentent à peu le tiers des commerçants. Ce n'est pas la ville aux 500 tailleurs pour rien... La robes-addict que je suis ne sait plus où donner de la tête.
 

un magasin particulièrement joli, mais particulièrement cher aussi
On vous présente un catalogue, vous choisissez votre modèle (vous pouvez même en inventer un), et on vous le fait sur mesure en une journée, selon les tissus disponibles! C'est assez amusant de comparer les différences sources: certains ne se cassent pas la tête et vous donnent simplement un "Elle" ou "Vogue" (très présomptueux, à mon avis), d'autres ont leur propre book constitué de modèles très éclectiques, certains tirés de grands magasines, d'autre du catalogue La Redoute!
Les prix sont très variables... Je m'étais créé un mix entre une robe de Carrie (celle de Sex and the City bande de glands, pas celle de Stephen King) et une autre d'une pouffe anonyme, mais le prix m'a refroidie: 120 dollars. Justification: il faut beaucoup de tissu pour les volants (c'est vrai), et c'est de la soie (vrai aussi). Mais pour un truc fragile que je ne porterai pas souvent, ça fait quand même un peu cher (surtout quand on n'a pas travaillé depuis 4 mois), même si je peux certainement l'avoir pour quelques dizaines de dollars de moins en négociant un peu En plus, je n'étais pas convaincue par les couleurs de la soie à disposition.
Je me suis rabattue sur un modèle beaucoup plus simple (et beaucoup plus portable) en coton. 18 dollars, c'est presque louche... On verra bien le résultat. La tailleuse a pris les mesures et je dois venir essayer demain.
A mon grand dam, les robes, ce n'est pas comme la pédicure: on ne te fout pas la paix une fois que tu as commandé, car ce n'est pas écrit sur ton front que tu viens de refaire ta garde-robe.
Les rabatteurs viennent te traquer jusqu'au fond du café où tu es venue te planquer, te disant ô combien tu es beautiful et surtout ô combien tu as intérêt à venir visiter le magasin de maman qui va te faire des beautiful dresses for a good price. Même pas moyen d'écrire tranquille. Un jeune homme vaguement polyglotte est assis en face de moi depuis plus d'une heure et je sais qu'il ne va pas me lâcher tant que je n'aurai pas mis les pieds dans le magasin familial.
Je garde patience et le sourire, mais si vous saviez à quel point J'EN AI MARRE!!! (à l'instar d'Helmut qui contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser n'est même pas allemand).
(...)
Il a fini par m'avoir à l'usure, le patient malin (3 heures, qu'il m'a attendue, assistant à mon petit dej puis à mon déjeuner). Non seulement j'ai visité le magasin de maman,

mais je lui ai commandé 5 robes d'un coup, rien que ça... (pour 170$, sout moins de 150€)
 

Tu peux jubiler devant tes beaux tissus, il y a de quoi!
Avec en bonus une cravate en soie gratuite pour mon boyfriend imaginaire...
Verdict demain soir... j'ai peur.
 

Avec une telle affiche de recommandation d'un client comblé (qu'on voit chez un tailleur sur 2), je ne devrais pourtant ne rien avoir à craindre...
(...) le soir
J'en peux plus. Je ne peux pas dormir car je vois des robes défiler devant mes yeux.
(...) le lendemain
A l'aide. Je viens d'en commander deux autres.
Les commerçants ont vu en moi la pigeonne de l'année (bon, peut-être seulement de la semaine) et profitent allégrement de ma faiblesse. Je n'arrive pas à me contrôler, quand je vois des robes en devanture, mes yeux se mettent à briller, pire que devant une pâtisserie et je cède au "please have a look inside" comme au chant de la Loreley.
(...) Quelques heures après
Après les robes, les chaussures...
Existe-t-il une quelconque possibilité de se faire interdire de tailleur/chausseur?
(...) Un moment plus tard
Verdict: bon boulot, maman.
Fiston me fait la gueule parce que j'ai refusé gentiment la 6e robe qu'il proposait de me faire. Cheap price for you. Tu me paies mon surpoids de bagage?
(...)
Epilogue: après 5 jours à Hoi An, je suis habillée pour l'hiver, l'été et les 30 suivants...
 

Mes 7 robes et les écharpes pour manger avec (couleurs non contractuelles)
... à condition que je ne prenne pas plus d'un kilo ou 2. Coup de coeur particulier pour une petite tailleuse sans prétention, celle de la robe rose en coton à 18$.
 

Son magasin (Cay Me, 2/6 Le Loi Street)
Elle n'a pas le compas dans l'oeil, mais une patience d'ange qui compense largement (elle a repris la robe 4 fois jusqu'à ce que je sois entièrement satisfaite, sans un geste ni un mot d'impatience), et un sens aigu de la famille que j'ai trouvé très touchant. Elle m'a envoyée chez sa cousine pour les chaussures et chez sa soeur pour les écharpes que j'en en effet eues à très bon prix.
En voyant les 5 robes commandées chez le tailleur sus-cité, elle m'a dit que j'aurais payé la moitié du prix chez elle...
Je me console et relativise en pensant à ce que ça m'aurait coûté en Europe...