Woerth a déclaré avoir élevé une muraille de Chine entre ses activités et celles de sa femme. Je ne doute pas de sa sincérité mais il s’illusionne. Comme je l’exposai dans mon billet Travail et famille, vie professionnelle et vie familiale sont étroitement imbriquées, la vie privée des hommes politiques ayant une fâcheuse tendance à infiltrer leur action politique. D’ailleurs, l’être humain est un et les deux faces de son existence que nous venons d’évoquer sont indissociables. L’activité d’une personne ayant des soucis de santé ou des ennuis de famille s’en ressent inévitablement tout comme les tracas au travail retentissent à la maison. Dans les cas graves où ces problèmes entraînent une dépression, les troubles au travail provoquent une perte d’intérêt également pour les loisirs tout comme des difficutés conjugales peuvent faire perdre la motivation professionnelle.
Samedi soir, nous avons appris que M. Patrice de Maistre avait fait état d’une intervention de M.Woerth au moment de l’embauche de son épouse par la société Clymène. Remarquons au passage que cette information a été longue à filtrer et qu’à ma connaissance aucun verbatim de sa déposition n’a été publié. Quelle différence avec l’interrogatoire de Claire T., où nous avons pu avoir l’impression d’y assister presque en temps réel ! On nous a ainsi servi la fable d’une rétractation. Dans son entretien à Médiapart, Claire T. n’a jamais prétendu avoir assisté à une remise d’enveloppe mais a simplement déclaré que celle-ci avait dû prendre place. Et elle a réaffirmé lors de son interrogatoire ne pas avoir été témoin du circuit emprunté par l’argent liquide qu’elle avait retiré, retrait bel et bien confirmé par différents documents comptables.
J’imagine déjà la ligne de défense d’Eric Woerth : son épouse s’est adressée à M. de Maistre pour obtenir des conseils sur son évolution de carrière. D’où deux premières questions : d’où lui vint cette idée singulière de le choisir comme conseil ? L’avait-elle rencontré précédemment au cours de ses emplois précédents ou ne serait-ce pas plutôt son mari qui lui aurait suggéré ce nom ? D’autre part, comme elle mène sa carrière indépendamment de son ministre d’époux, elle s’est tout naturellement présentée sous son nom de jeune fille, n’est-il pas vrai ?
L’innocence de ce couple d’élite éclate lorsqu’on remarque qu’elle n’a pas sollicité un emploi mais simplement des conseils. Par expérience personnelle, je puis vous assurer que, le plus souvent, les chasseurs de tête ne s’adressent pas à vous en vous demandant si vous seriez intéressé par telle ou telle situation. Ils préfèrent demander votre aide et vous prier de leur indiquer si vous n’auriez pas dans vos relations une personne susceptible de …. Ce sont les exigences de discrétion de la profession de recruteur qui conduisent à ce langage codé. Si le rendez-vous avec M. de Maistre a bien été demandé sous couvert de conseil, celui-ci a très vite compris ce qui lui était demandé. Et subjugué par le CV de Mme X, il lui a rapidement offert dans sa société un poste rémunéré à la hauteur de ses capacités, assurément grandes.