Le départ de sa mère, imperméables à ces extinctions, sonne le glas à ces plaisirs d’enfance. Une lettre de la police secrète, ces chasseurs de souvenirs qui traquent les réfractaires. « Une maladie soudaine l’a emportée alors qu’elle participait à nos recherches, et nous vous en prions de bien vouloir accepter nos sincères condoléances dans ce deuil qui vous frappe…
La population de l’île était parfaitement habituée à ces disparitions. Du jour au lendemain sans aucun signe avant-coureur une maison se retrouvait vide. « On passait en jetant un coup d’œil furtif aux fenêtres. Peu à peu, tout se volatilise, les oiseaux, les fleurs, et même les saisons. On avait beau attendre, le printemps ne vint pas. Nous fûmes ensevelis sous la neige avec les cendres des calendriers, car eux aussi avaient disparu». Les premières nécessités, nourritures, bois de chauffage deviennent denrées rarissimes. Non seulement tout s’efface, mais également leurs souvenirs, qui laissent un vide vertigineux : les romans, les livres, les manuscrits ne sont plus que des boîtes vides. Le contenu est creux. On peut concentrer son regard, tendre l’oreille, renifler leur odeur, cela n’exprime rien du tout. Le mot roman commence à devenir difficile à prononcer. La disparition est en train de s’installer. Ces absences passent rapidement inaperçues.
Et si les mots disparaissent que va-t-il se passer ?
Difficile en quelques lignes de résumer l’ambiance prédominante de ce roman, La route de McCarthy revient en mémoire. Cette angoisse, cette tristesse, ce vertige qui s’empare du lecteur, cette analogie aux régimes totalitaires, cette métaphore d’une maladie neurodégénérative. Ma première rencontre avec cette auteure japonaise très prolifique, une vingtaine de romans traduits depuis une quinzaine d’années. Un nom définitivement à retenir.