Je me retrouve au « Soleil brille pour tout le monde » devant une belle part de gratin au fruits de mer. Il y a une nouvelle serveuse, charmante. Je remplis des cartes postales aux amis, à la famille, « …Bisous cinéphiliques et à très bientôt… ».
L’adaptation de Chrétien de Troyes par Eric Rohmer m’avait été conseillé par un ami habitué du Festival. J’arrive dans la salle, je le vois, il est au fond, il y retourne, il doit beaucoup l’aimer. Moi je me mets au milieu du 3ème rang. Au cinéma, je préfère être dans les premiers rangs. Perceval le Gallois débute. Le décor est en carton pâte, les pelouses en moquette et les chevaux en vrai chevaux. Luchini, jeune, m’amuse avec son air de grand naïf apprenant la vie de chevalier. Quant à Arielle Dombasle elle est méconnaissable. Même si je cligne des yeux parfois, je trouve l’œuvre amusante, ludique, un objet filmique non identifié venu de nulle part. Fallait oser ! Pourquoi pas ?
Un poison violent de Katell Quillévéré est traité de façon plus classique. Lio, que l’on croyait définitivement perdue en jury pour la Nouvelle Star, nous étonne en mère croyante et divorcée. Dans ce film, elle souhaite que sa fille fasse sa communion de confirmation et ne s’est jamais autant investie dans un rôle. Avec la jeune et magnifique Clara Augarde, c’est vraiment la révélation de ce film. Quant à Michel Galabru nous sentons qu’il a été fortement touché par ce rôle du grand-père alité. La religion est omniprésente dans cette œuvre, Télérama aimera et l’affiche est très belle.
Si je vous ai indiqué précédemment mes « cantines » du midi, c’est que je ne mangeais jamais en ville le soir, préférant attendre la fin des projections pour rentrer chez moi. Ce soir, il n’y aura pas de fin. La Nuit Blanche commencera dans moins d’une heure et il faut manger car je ne tiendrai jamais la nuit entière. Je me dirige en dehors du port, pour rentrer davantage dans les rues perpendiculaires et je m’assois en toute confiance dans un bar brasserie-restaurant : Le Lutèce. Je commande à boire et une simple assiette de pâte à la bolognaise. Ça met un temps fou à arriver alors que l’heure tourne. Et puis on m’apporte une petite assiette de spaghettis tiédasses avec une sauce à la viande haché un peu trop cuite. Et d’un coup je me dis qu’il fallait bien que je tombe sur un attrape-touriste avant la fin du Festival. Manquerait plus que je sois malade. Comment il s’appelle déjà le restaurant à éviter à La Rochelle ? Le Lutèce !!! Allez, on l’oublie, on y reviendra pas.
Ça fait rien moi je vais voir Octobre, film péruvien de Diego et Daniel Vega. L’histoire d’un prêteur sur gage qui se retrouve seul à devoir s’occuper de sa petite fille qu’il a eu avec une prostituée, laquelle abandonna cet enfant devant chez lui. Heureusement Sofia, une voisine célibataire qui a des vues sur lui, viendra l’aider dans sa nouvelle tâche de père. J’aime ce genre de film car si le rythme est lent, il est souvent à la limite entre l’humour et le drame. Il ne faudrait pas grand-chose pour que ce soit l’un ou l’autre mais quand ça passe de l’un à l’autre c’est encore plus fort. Si cette œuvre me fait penser au film Whisky, (à découvrir séance tenante), cette histoire ressemble aussi un peu à 3 hommes et un couffin, seulement lui il est seul.
Je fais un dernier tour à la Coursive, on retire les affiches, on range la salle indienne avec thé et expo d’affiches, les Francofolies s’installent et ça me fait un terrible pincement au cœur, je suis trop sensible comme gars.
La Reconstitution est mon 2ème film de Lucian Pintilié. Et je le regrette car au départ je voulais en voir plus. Ce film de 1968 met en scène deux jeunes adultes qui se sont battus après avoir bu. Arrêtés par la police on leur demande de participer à un film éducatif sur les méfaits de l’alcool en reconstituant cette altercation. En échange, ils seront libres. On sent un message fort de Lucian Pintilié sur la politique et les conditions de vie en Roumanie à l’époque. Entre violence et humour il arrive à faire passer de belles idées. Le film date de 1968, il reste encore tout à fait visible aujourd’hui même si nous avons l’impression de voir quelque chose de rare, un document en quelque sorte.
Mon dernier film sera un film allemand, suisse, kazakhe, russe et polonais. Rien que ça ! Il s’agit de Tulpan. J’avais eu quelques échos tout à fait positifs sur ce film et je ne fus pas déçu. Dans les Steppes Kazakhes, Asa revient de son service militaire pour retrouver sa famille mais aussi pour chercher à se marier. La seule fille à des kilomètres à la ronde se nomme Tulpan mais ses parents refusent qu’elle épouse un garçon aux oreilles décollées. C’est franchement drôle et émouvant parfois. Il y a tout particulièrement la naissance en direct d’une brebis qui restera un grand moment de cinéma. Voilà c’est fini, c’était la dernière séance. Je me lève et je me bouscule, je regarde un peu les gens autour de moi. Il va être minuit et j’aimerais rester encore un peu. Je traîne devant le cinéma à entendre les derniers spectateurs. Le dernier visage que je vois est celui d’une femme un peu ronde et séduisante. Elle était devant moi dans la salle. J’ai envie de l’inviter à boire un verre, histoire de prolonger encore un peu ce moment. J’hésite et je ne le ferai pas. Je la regarde s’éloigner au loin. Elle ne m’a même pas regardé. Il faut s’y résoudre, c’est vraiment la fin…