Dans le cadre d'une lecture commune avec mon amie ANNE-SOPHIE, je viens de terminer ce roman qui m'a bouleversée.
Il laisse dans mon cœur un sentiment terrifiant de désespérance.
Écrit par Yasmina Khadra en 2004, ce court texte, incisif et virulent,nous parle du quotidien de Kaboul au travers de la vie de deux hommes, de deux couples plus précisément, dans cette ville anéantie par le terrorisme taliban.
Atiq Shaukat, courageux moudjahid reconverti en geôlier, vague, divague, extravague entre la prison et sa demeure où se meure son épouse Mussarat.
Mohsen Ramat, est marié à Zunaira. Tous deux sont des intellectuels. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l'université. "Lui, fils de bourgeois ; elle, fille de notable. Il étudiait les sciences politiques pour prétendre à une carrière dans la diplomatie ; elle ambitionnait de décrocher un titre de magistrat". C'était l'époque bénie avant que le pire n'arrive aux portes de la ville.
Deux hommes, deux femmes, quatre humains en proie au vertige aliénant dans lequel le fanatisme religieux a emporté frénétiquement leur ville dévastée.
Alors qu'Atiq s'endurcit pour tenter de sauver ce qui lui reste de conscience, Mohsen, lui, perd pied, peu à peu, sous le regard atterré de son épouse aimée.
Le roman débute d'ailleurs sur une scène d'une violence inouïe : la lapidation d'une prostituée à laquelle participe une foule hystérique. Mohsen, le sage, le modéré, se surprend à prendre part au massacre avec la même frénésie. C'est l'amorce d'une lente descente aux enfers pour cet homme. Il confie sa détresse à Zunaira : les premières fissures dans leur couple apparaissent jusqu'à son effondrement fatal en fin du roman.
Quant à Atiq, sa fonction de geôlier le conduit à s'interroger douloureusement sur la mutation profonde de sa ville dont il est le témoin impuissant. "Dans un pays où les cimetières rivalisent avec les terrains vagues en matière d'extension, où les cortèges funèbres prolongent les convois militaires, la guerre lui a appris à ne pas trop s'attacher aux êtres qu'une simple saute d'humeur pourrait lui ravir". Et de rajouter : "Quand on passe ses nuits à veiller des condamnés à mort et ses jours à les livrer au bourreau, on n'attend plus grand chose du temps vacant".
Yasmina Khadra transmet sans concession son regard sur cette mutation terrifiante d'une société en pleine convulsion ; il réussit à décrire l'indescriptible, sans le banaliser, mais aussi sans le théâtraliser. Il ne force pas sa plume et pourtant il m'a entraînée dans les rues de Kaboul, peuplées de fantomatiques tchadris, et - oui - il m'a autorisée à soulever le voile.
L'avis d'Anne-Sophie, ici
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