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Un papillon, à l'article de la mort, tremble de ses deux ailes, sur la pierre du chemin.
L'enfant s'accroupit, le regarde.
Une grosse larme roule de ses yeux angoissés:
“Dis, tu crois qu'on pourrait lui donner encore un peu de vie?”
*
C’est alors cœur serré que deux yeux embués regardent la scène.
Les arbres, autour, frémissent.
Un doux vent vient secouer les herbes hautes.
Les rochers veillent sur la source d’eau fraîche.
Ce qui reste d’une ferme dresse son fantôme au bord du sentier.
*
Il fut un temps de vie dont ne restent que traces.
Tout est dit dans l’agonie lisible aux yeux noirs qui se voilent entre deux ailes jaunes, et dans une perle de rosée, aux yeux bleus d’un jeune cœur attendri.
*
Les pensées s’envolent vers d’autres lieux.
Ce sont, là-bas humains qui agonisent sur les pierres lavées de toute semence de vie.
Et s’en sont d’autres qui, d’une main avide, leur ont fourni les graines mortifères.
*
Lui, l’enfant, ne sait rien de cette tragédie qui se cache dans la lente et naturelle agonie d’un insecte.
Naturelle ? Peut-être pas tant que ça…
Plus loin, un agriculteur en tenue d’astronaute, juché sur un tracteur, dans un grand scintillement de brume meurtrière, traite ses pommiers.
Celui qui croquera de ce fruit n’aura aucune tenue de protection.
Poison, lentement distillé aux veines d’inconscients labeurs…
*
C’est la révolte qui gronde dans une larme d’enfant.
Point de peur à avoir : il est temps de nous retourner contre les esprits criminels.
Brûler avant qu’il ne soit trop tard le germe de nos esclavages, et bâtir l’espace de sérénité pour le papillon et l’enfant.
Manosque, 31 mai 2010
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