C’était un jour d’hiver à Moscou, il y a un an ou deux. La neige tombait à nouveau, le vent soufflait. J’étais allé m’abriter dans un musée, le Musée des Beaux-Arts Pouchkine. Comme dans tous les musées russes, il faut d’abord passer au vestiaire, au sous-sol, où des grand-mères russes sont en charge de rangées de centaines de porte-manteaux. Comme à chaque fois, mon manteau posait problème puisqu’il n’était pas équipé de la boucle en tissu qui permet de l’accrocher, à la différence de tous les vêtements russes.
Au rez-de-chaussée du musée, de magnifiques collections de peinture flamande et de la renaissance italienne, et puis je suis monté à l’étage.
Je me suis rendu compte plus tard qu’il y avait un ordre dans les salles, je les ai prises à l’envers, mais cela ne changeait pas grand chose. Une formidable collection de peinture française, Renoir, Monet, Manet, Van Gogh, Gauguin, Cézanne, Matisse, Picasso, et j’en oublie beaucoup d’autres.
Mais dans la première salle sur la gauche, mon œil a tout de suite été attiré par une peinture de Chagall.
Un peintre, sa fiancée, et la tour Eiffel. Dans ce tableau, j’ai vu l’Amour. Il y était peint, resplendissant, éclatant, immense. Je suis resté de longues minutes devant ce tableau, envahi d’émotions, et probablement les yeux humides, et puis je suis revenu le voir une, deux, trois fois. Il n’était pourtant pas mis en valeur, tout seul dans un coin de la pièce, avec une petite étiquette tapée à la machine à écrire : “Le peintre et sa fiancée, 1980″.
Je n’ai ensuite pas trouvé trace de ce tableau dans le catalogue de ce musée, et les rares reproductions que j’ai pu en voir ne rendent rien, à côté de l’émotion qui m’a envahi lorsque j’ai vu ce tableau.
Lorsque je suis sorti du musée, la nuit était arrivée, et la neige continuait de tomber. Le soir au restaurant de l’hôtel, c’était encore une fois bœuf Stroganoff, et je continuais de penser à ce peintre, sa fiancée, et à leur amour.