Malavita encore - Tonino Benacquista

Par Soie

Malavita encore de Tonino Benacquista

Editions Gallimard, 2008, 344 pages

Résumé :

On retrouve ici les quatre héros de Malavita, l'inénarrable famille Blake. Repenti de la mafia new-yorkaise, Blake, rebaptisé Wayne, a obtenu la protection du FBI, et s'est installé en France avec les siens sous la surveillance tatillonne d'un ange gardien légèrement dépressif. L'ancien gangster a trouvé dans l'inépuisable réservoir d'anecdotes de sa première vie la matière de quelques thrillers à succès. Tout se passerait pour le mieux si la cellule familiale n'était pas emportée dans la tourmente des remises en causes existentielles ... Les enfanst traversent une adolescence compliquée, l'épouse fidèle a décidé de s'émanciper, et l'auteur de best-sellers, soudain seul face à lui-même, est en proie aux affres de la création littéraire. Des problèmes ordinaires, somme toute, pour une famille qui ne l'est pas ... Ils seront résolus de la façon la plus diabolique et la plus hilarante qui soit.

Auteur de romans, de bandes dessinées, de scénarios (notamment pour les films de Jacques Audiard), Tonino Benacquista a publié Malavita en 2004.

J'ai lu Malavita encore dans le cadre du prix Indiana, et, à vrai dire, je ne l'aurais sans doute pas fait de ma propre initiative. J'étais un peu inquiète, craignant de tomber sur une version "réchauffée" du tome I.

Comme pour confirmer mes craintes, les premières pages ont un rythme assez calme. On retrouve les personnages avec une nouvelle identité, les enfants ont grandi et chaque personnage semble désormais avoir trouvé une voie qui lui est propre. Pendant quelques pages, j'avoue que j'ai craint le pire, encore pire que la version 2 à l'identique de la version 1, les Blake - qui sont devenus les Wayne - en version "plan-plan".

Mais pas du tout Une fois les présentations de rigueur faites (nouvelle identité, nouveau lieu de résidence, petit rappel du passé et situation présente établis), j'ai retrouvé la saveur du style de l'auteur, mais avec quelque chose en plus. Au lieu du délire perpetuel du tome 1, l'auteur a su en reprendre les ingrédients tout en faisant évoluer ses personnages. Souvent, dans ce deuxième volet, j'ai été partagée entre le rire et l'émotion, car Tonino Benacquista sait utiliser des situations cocasses pour aborder des sujets plus sérieux. A diverses reprises j'ai eu l'impression que son discours était à double sens, une partie délirante destinée à amuser le lecteur, mais laissant filtrer entre les lignes des critiques concernant la société qui catalogue vite les gens, et les rapports des individus les uns aux autres.

J'ai particulièrement eu cette impression lorsque Fred décide de lire "un vrai livre".

Le choix et l'attente de l'ouvrage furent de vrais bons moments. Pour se mettre à jour d'une vie de lecteur qu'il n'avait jamais eue, il avait voulu viser haut. La priorité était d'aller vers un de ces bouquins qu'on ouvre comme on entre dans une église, un roman assez puissant pour séparer le monde en deux : ceux qui l'avaient lu, et les autres.

Pendant qu'une petite voix lui soufflait qu'il n'était pas responsable de son peu de goût pour la lecture, une autre lui rappelait que ses propres enfants, dès le plus jeune âge, avaient ouvert des livres sans la moindre illustration, sans que personne ne les y contraigne, et ils y avaient pris plaisir ! Et ce plaisir-là, des milliards de gens y avaient droit, où qu'ils se trouvent sur la planète et à n'importe quel moment de la journée. ça ne faisait pas d'eux des intellectuels, ni même des passionnés, mais de simples lecteurs occasionnels qui se plongeaient dans un récit et jouissaient de ce voyage intérieur. Immobiles des heures durant, ils passaient les frontières de leur propre imagination, ils acceptaient de se laisser mener là où l'auteur l'avait décidé, et ils en redemandaient. Alors pourquoi pas moi, bordel ?

- Fred ... ? Tu es où ?

Est ce qu'on allait lui fiche la paix ? Maggie ouvrait toutes les chambre de l'étage pour le débusquer. elle aussi allait se fendre d'une petite rélexion qu'il n'avait pas méritée, tout ça pour avoir ouvert un livre, lui, le monstre, l'inculte. On ne lui laissait même pas le bénéfice du doute, on ne lui donnait même la pas possiblité de s'embarquer.

Mais ce livre se savoure tout particulièrement pour la verve de son auteur, qui manie l'humour en virtuose, jonglant tout à la fois avec les mots et les situations pour nous livrer des peintures cocasses des personnages ou des évènements.

Il ignorait les lois de la syntaxe comme celles du code pénal et ne se souciait pas de tournure ou de forme. Quand son fils avait essayé de lui en toucher deux mots, Fred n'avait rien compris à cette notion de "style". Pour appuyer sa démonstration, Warren avait choisi des références plus parlantes aux oreilles de son père.

- Admettons que tu sois toujours un capo et que tu aies besoin de faire descendre un type, qui tu vas choisir de Paulie Francese ou Anthony Parish pour exécuter le contrat ?

- Ils sont de deux écoles complètement différentes. Anthony est un rationaliste, ses scénarios sont très épurés, presque "naturels". Il va toujours chercher à coincer le type là où il s'y attend le moins pour en finir le plus vite possible. Chez Paulie, en revanche, le mode opératoire est parfois plus important que la mission elle-même. Il varie souvent les armes et ne reproduit jamais deux fois le même assassinat. Il est capable d'innover, de réinventer le genre.

- Eh bien tu vois, c'est ça, le "style".

Et si l'humour est bien présent tout au long du roman, certains passages ne sont pas dénués de poésie et savent bien mettre en avant la passion du lecteur qui est happé par un roman.

Fred se laissa happer par le tangage de sa lecture et retrouva l'équipage comme s'il en faisait partie. Plus d'une fois, il se sentit soulevé de terre par des lames de fond qui affolaient les hommes sur le pont. Affalé dans ce grenier nocturne, il prit son quart comme les autres. [...] Son vocabulaire s'enrichissait d'un mot nouveau par page et Fred passait de la grand'hune au gaillard d'arrière sans confondre les mâts ni les voiles - il les aurait hissées lui-même si le capitaine Achab le lui avait demandé.

Les seuls passages où je me suis un peu ennuyée concernent Belle et son amoureux, j'ai trouvé ce dernier un peu exaspérant et le personnage de Belle assez fade finalement.

En revanche il y a un joli rôle à contre-emploi pour l'agent du FBI chargé de leur protection.

Il n'est pas indispensable d'avoir lu le tome I pour aborder le tome 2, les deux histoires peuvent se lire séparément, mais cela donne à mon sens un petit plus.

La fin du deuxième volet reste ouverte, pour, pourquoi pas, un troisième opus ?

Pour ma part j'ai préféré ce deuxième tome.

J'ai lu ce livre dans le cadre du

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Rang de lecture : 2/10