Scénariste de Harry, un ami qui vous veut du bien, Lemming, Feux Rouges ou L’avion, Gilles Marchand est visiblement un passionné des univers troubles et des personnages un peu tordus. Il réunit tout cela dans cet Autre Monde qui sait d’emblée jouer sur son atmosphère travaillée et déconcertante, rendant d’un bout à l’autre son propos aussi ensorcelant que sinistre. Les acteurs y sont pour beaucoup en pantins d’un cyber ballet inquiétant : Louise Bourgoin, nouvelle égérie du ciné français, toujours crédible (quoique tournant un peu en rond dans le choix de ses rôles, immanquablement enveloppés d’érotisme ambigu), Melvil Poupaud angoissant, et un Grégoire LePrince Ringuet, plus sauvage qu’à l’accoutumée. Des protagonistes au sein d’un cache-cache grandeur nature où fantasmes primaires (sexuels, meurtriers, bestiaux) livrent un combat acharné aux mornes réalités (quotidien, peurs et premiers émois amoureux). Dans cette alternative offerte aux corps et aux esprits, les choses y sont plus faciles, respectant l’offre et la demande d’une société sans repères abonnée aux connexions (humaines notamment) instantanées, et où le plaisir de séduire et de courtiser est mort derrière des écrans froids et des touches de claviers. Gilles Marchand possède quelques atouts dans sa manche- malgré une finalité simpliste et une réflexion relativement peu poussée à l’écran- en premier lieu, l’alternance réussie entre virtuel et réel, qui s’imbriquent parfaitement au fil du récit, naturellement, en étreinte troublante ; en second lieu, un désespoir latent brutal, tant au niveau de l’imagerie (morbide, noire, glacée) que de certaines séquences poignantes où les idéaux sont sacrifiés pour l’espoir d’une vie meilleure. Ailleurs. Sur une plage noire, peut-être.
A noter : une découverte musicale ( !), le groupe M83, hypnotique, aérien, beau.A écouter : ICI.