Je le regardais, je l'écoutais, vaguement. Il discourait, la mèche blondasse voletait. Il parlait de Grenoble, peut-être d'Aulnay-sous-Bois, de Montfermeil, ou de Villiers-le-Bel, je ne sais plus. Et puis il a levé le doigt, comme la maîtresse de CM1. Alors comme l'élève de CM1 j'ai suspendu ma distraction. Et j'ai entendu – il m'a semblé entendre, mais je n'en suis plus sûr : «Nous allons rétablir l'ordre public et l'autorité de l'Etat. Les voyous et les délinquants n'ont pas d'avenir...» Et pendant qu'il me semblait entendre cela, je n'ai plus vu son doigt levé mais son œil. Alors j'ai compris, d'un coup, qu'il était impuissant. Son œil éteint m'a dit qu'il était impuissant, définitivement. Qu'il n'entendait plus lui-même ce qu'il disait, comme un malade d'Alzheimer répète inlassablement ce qu'il oublie instantanément et reste absent à lui-même, à l'action, à la vie. Impuissant.
Alors j'ai su comment Sarkozy, son maître, et les autres Alzheimer de la bande perdront les élections de 2012 ; comme Jospin et son angélisme en 2002 : sur la question de la sécurité. Quelle ironie ! Lui, le rouleur de mécanique qui s'était payé ma France craintive et énamourée un soir de fièvre de 2007, qui l'avait culbutée sans ambages en lui glissant à l'oreille, en même temps que sa main entre les cuisses, «Je serai ton protecteur», la petite frappe et ses sbires perdront les faveurs de la belle pour la plus péremptoire des raisons : ils sont impuissants !