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Alerte à la pollution dans le Doubs

Publié le 17 juillet 2010 par Thedailyplanet

De nombreux poissons morts ­présentant des taches blanches ont été découverts ces dernières semaines par des pêcheurs du Doubs. Cette mort mystérieuse affecterait “des centaines de poissons”, estime François Boinay, animateur de la plate-forme Doubs au Centre nature Les Cerlatez, aux Franches-Montagnes [dans le canton suisse du Jura] L'Office jurassien de l'environnement a confié des analyses au Nafus, laboratoire spécialisé dans le diagnostic des maladies des poissons, à Berne. “Les poissons sont victimes d'un champignon, le Saprolegnia parasitica, qui infecte les poissons affaiblis ou blessés”, explique Christophe Noël, responsable jurassien de la pêche. “Ce qui est étonnant ici, c'est l'ampleur de la prolifération.” L'inquiétude des pêcheurs du Doubs est aggravée par un phénomène similaire, quoique de plus grande ampleur, dans la Loue, autre rivière mythique qui, comme le Doubs, constitue un haut lieu de la pêche fluviale. “Là-bas, c'est la catastrophe”, commente Patrice Malavaux, garde-pêche de la société franco-suisse qui gère une partie du Doubs. “80 % des poissons de la Loue ont été atteints.” La préfecture du Doubs prend l'affaire au sérieux. Elle a interdit la pêche, l'abreuvement du bétail, mais la baignade et les activités nautiques restent autorisées. “La rivière est dans un état pitoyable, tonne Patrice Malavaux, son lit est étouffé par les algues. Les sédiments sont largement pollués. On ne voit qu'à un mètre de profondeur, alors qu'il y a des fosses de cinq à six mètres.” François Boinay raconte ce qu'ont trouvé des plongeurs au fond de la rivière : “C'est bouillant, comme dans un compost. Il n'y a plus d'oxygène. On a atteint la saturation maximale.” L'hécatombe actuelle n'est qu'un indice de plus de la dégradation du Doubs, dénoncée depuis des années par ceux qui la vivent. La rivière est bien malade. Mais malade de quoi ? Les causes sont multiples. C'est, pêle-mêle, la faute des exploitations agricoles qui assolent les terres, utilisent des engrais et des pesticides ; des bûcherons et de leurs produits chimiques de traitement du bois ; des particuliers et de leurs désherbants ; des industries alentour, présentes et passées. C'est également la faute des stations d'épuration ou, plus grave encore, de leur absence, comme dans le village de Goumois. Jacques Vidal, chef de la station de La Chaux-de-Fonds et lui-même pêcheur, explique que les stations d'épuration éliminent 80 à 90 % des polluants, ce qui est un bon taux. Mais il y a les 10 à 20 % restants, notamment des micropolluants, qui retournent dans les rivières, “par exemple, des antibiotiques, des résidus de médicaments contenus dans les urines, des hormones contraceptives”, précise-t-il. Concernant les exploitations ­agricoles, Patrice Malavaux s'insurge contre l'épandage de lisiers et l'industrie porcine, en France. Selon le garde-pêche, celle-ci privilégierait les caillebottis au détriment des litières de paille qui absorbent mieux les excréments. Les Français seraient-­ils donc moins regardants que les Suisses ? Avis unanime : “Les uns ne sont pas meilleurs que les autres.” Autres sources de déséquilibre : les obstacles artificiels dans la rivière, comme les seuils, les microcentrales et les barrages hydroélectriques. Le Doubs franco-suisse en compte trois. Lorsque leurs turbines fonctionnent, les centrales font passer le débit de la rivière de 4 à 5 mètres cubes par seconde à 50 mètres cubes. Le niveau de l'eau monte et descend de 60 à 80 centimètres et la température peut passer de plus de 20 °C à 7 °C et vice versa. Les amoureux de la rivière, réunis au sein de la plate-forme Doubs, font un constat alarmiste, “qui dérange”, note François Boinay, récemment interpellé par les Renseignements généraux français, “ce qui est bien la preuve que la vérité n'est pas toujours bonne à dire”. L'inaction des autorités est largement critiquée. Laurent Schaffter, ministre de l'Environnement du canton du Jura, a répondu à la polémique en préparant un plan sectoriel pour le Doubs, avec un programme de mesures à réaliser en coordination avec la France et le canton voisin de Neuchâtel. Mais cela risque de ne pas suffire. François Boinay prône l'éducation du grand public pour que les particuliers polluent moins. Patrice Malavaux suggère quant à lui de regarder vers l'Allemagne et l'Autriche et leurs lits de rivières propres. “Là-bas, les méthodes agricoles sont différentes, les comportements humains aussi”, observe-t-il.

Serge Jubin, Le Temps


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