Un sarment ne peut pas porter du fruit s’il n’est pas relié à la vigne. Le Christ nous a rappelé cette vérité au cours de la Dernière Cène, disant qu’il était la vigne, et eux les sarments, et qu’ils devaient toujours rester unis à la vigne. Sa rencontre avec Marthe et Marie dans l’Evangile de ce jour nous rappelle cette même leçon, une leçon que Marthe avait vraiment besoin d’apprendre. Ce que Marthe avait besoin d’apprendre n’est pas qu’il faut travailler pour le Christ. Cela, elle le faisait, et très généreusement. Ce qu’elle ne savait pas, ou qu’elle avait oublié, c’est que ce qu’elle faisait pour le Christ devait découler de ce qu’elle est pour lui : une amie vraie et dévouée.
Il est facile de surcharger notre agenda avec tant et tant d’activités et d’engagements - je parle d’activités qui sont bonnes, et d’engagements pour la bonne cause – mais de perdre de vue le vrai but de notre vie : connaître, aimer et suivre le Christ un peu plus chaque jour. Ce n’est qu’ainsi que notre vie prendra tout son sens. Ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure d’aider les autres à trouver le sens de leur vie. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons trouver la joie que nous désirons.
Jésus ne nous dit donc pas que nous ne devons rien faire, que nous ne devons pas rendre service, travailler dur et honorer nos engagements. Non, Jésus ne réprimande pas Marthe pour son travail. Il la réprimande parce qu’elle s’inquiète et s’agite dans son travail. Elle s’est tellement laissé prendre pour faire ce travail, qu’elle a perdu de vue la raison pour laquelle elle le fait. Elle est comme un sarment qui essaie désespérément de porter du fruit par lui-même.
Le résultat était prévisible : la frustration, l’énervement, l’impatience, la colère. A moins d’être "connecté" au Christ et à sa grâce, à moins de nous nourrir en permanence de sa Parole, à moins de faire tout ce que nous faisons par amitié pour lui (la seule chose nécessaire), aucune de nos actions, même nos BA (nos "bonnes" actions) ne peuvent avoir une valeur durable. Et seule cette valeur durable pour nous donner la paix du cœur.
C’est la leçon qu’enseignait aussi saint Philippe Néri. Sa sainteté et sa bonne humeur avait fait de lui le prêtre le plus recherché de la ville de Rome au milieu du 16e siècle. Il était le conseiller des papes et des cardinaux, des rois et des ducs, et aussi des mendiants et des boulangers. Aimé et respecté de tous, il a réformé une ville corrompue presqu’à lui tout seul.
Un jour, un jeune homme vient le voir. Il venait de réussir son examen au barreau. Après des années d’études, ce jeune homme avait enfin obtenu son diplôme, et était sur le point de commencer une carrière prometteuse. Il faisait aussi la cour à une belle jeune fille très convoitée. Il était débordant d’enthousiasme en décrivant ses projets optimistes : d’abord il voulait postuler pour un poste de greffier, et ensuite épouser cette jeune fille. Philippe Néri lui pose la question : "Et après ?" Alors le jeune homme poursuit, expliquant qu’il avait l’intention de gravir une à une les marches du succès professionnel et fonder une famille. Saint Philippe lui demande : "Et après ?" Le jeune homme fronce alors les sourcils et réfléchit un instant. Puis il commence à bredouiller en parlant de la perspective de devenir un juge célèbre et d’avoir des petits-enfants, mais ce n’était plus avec le même enthousiasme. Philippe sourit, le regarde droit dans les yeux, et dit : "Et après ?" Arrivé à ce point, le jeune homme regarde le saint avec confusion. Il était paniqué. Il n’avait jamais pensé aussi loin en avance. Il s’est éloigné lentement pour réfléchir. Le lendemain, il a rejoint L’Oratoire de saint Philippe et il est devenu un saint prêtre.
Nous ne sommes pas tous appelés à devenir prêtres ou à nous engager dans la vie consacrée, mais nous sommes tous appelés à mettre Jésus à la première place. Tôt ou tard, seule « la meilleure part » demeurera, et si ce n’est pas cette part que nous avons choisie, nous resterons à la porte, dans le froid.
Nous sommes tous unis à la vigne, ou, du moins, c’est ce que nous désirons. C’est pour cela que nous sommes ici. Mais il est possible que nous soyons des sarments desséchés, avec seulement un tout petit peu de sève. Si nous voulons que notre vie porte plus de fruit, nous avons besoin de beaucoup de sève, nous devons être davantage unis à la vigne. Voilà l’unique chose nécessaire.
La première chose que nous avons à faire en ce sens, c’est de faire le bilan de notre état spirituel. Il y a un thermomètre révélateur pour ce temps de vacances. Nous avons tous besoin de vacances. Nous avons besoin de "changer de têtes", de changer de rythme. Nous avons besoin de nous détendre, de profiter de la compagnie de bons amis et de notre famille, de profiter des beautés enchanteresses de la nature. C’est dans ce contexte que nous pouvons apprendre beaucoup sur nous-mêmes. Une des choses que nous pouvons voir clairement, c’est quelle est l’importance que nous accordons à l’amitié du Christ pour nous. Quand nous avons des vacances, on a plus de temps libre. Est-ce que nous consacrons une partie de ce temps pour être avec le Christ ? Nous avons à prendre des décisions concernant la destination de nos vacances et le genre d’activités. La possibilité de participer à la messe du dimanche fait-elle partie de nos préoccupations ? On a plus de temps pour lire ou peut-être regarder des films, des spectacles et des documentaires : la beauté de notre vocation chrétienne fait-elle partie de ses activités ?
Aujourd’hui, l’Eglise nous rappelle que ce qui est le plus nécessaire pour notre bien-être, c’est d’avoir une relation d’amitié intime et dynamique avec le Christ. Au cours de cette Messe, le Seigneur renouvelle son engagement envers nous. Faisons le point de l’état de nos cœurs, et si nous constatons avoir commis la même erreur que Marthe, promettons-lui d’apporter les corrections qui s’imposent au cours de cette nouvelle semaine. Jésus ne manquera pas de nous aider.