Coup de chapeau à Edie Falco (1) : dans les Soprano.
Voici quelques secondes (mais comment choisir le meilleur moment dans les six saisons incroyables ?), une très courte scène où beaucoup est déjà dit : le couple de Tony (chef des mafieux italiens dans le New Jersey) et de Carmela (qui feint de l’ignorer un maximum, y tirant quelques avantages) est explosif. Beaucoup, des tonnes même, de mensonges entre eux. Et pourtant, de l’amour aussi (même si ce n’est pas immédiatement repérable dans cet extrait-ci). On voit bien ce dont souffre et bénéficie Carmela (jouée par l’immense Edie Falco) : elle est traitée par son mari tantôt comme une princesse (à qui l’on offre manteau et bijoux précieux), tantôt comme une femme au foyer défaillante (qui n’a pas acheté le bon jus d’orange) ou parfaite (qui prépare les meilleures macaronis entre tous). Dans les deux cas, son existence est complètement subordonnée à son époux (remarquable James Gandolfini), grand gamin devenu beauf-à-responsabilités, qui est tiraillé entre ses “devoirs” de chef mafioso (gérer des situations, se faire respecter, récolter de l’argent, bref tuer des gens) et sa conscience malmenée, l’amenant à des considérations philosophiques (pour lesquelles il est plutôt mal préparé !).
Avec sa coiffure et ses ongles toujours impeccables, Carmela-Edie Falco nous montre ce que c’est que de tenir un rôle : celui d’épouse et mère qui fait bonne figure, dans une famille patriarcale. Ses rêves et fantasmes sans cesse refoulés, tenus en laisse, derrière un sourire de convenance, mais quelque chose dans ses yeux laisse paraître la faille, la fêlure. Jusqu’à certaines explosions, comme ici. Elle est merveilleuse dans ce rôle, qui ne l’est pas moins.