A tous les nostalgiques des années lycée, HMiT propose aujourd’hui de revivre en version assimil un cours d’Anglais en plein air un peu particulier, puisque dispensé par le combo electronica Mount Kimbie. Rencontré lors de son passage aux Siestes Electroniques, le groupe a bien voulu nous coacher pour une ultime séance de training avant l’oral de rattrapage du bac. Cet entretien à l’arrache et à l’ancienne, avec serrage de paluches et bières de proximité, reflète tout le sérieux avec lequel nous avons révisé nos exams : cadrage approximatif, lumière inexistante, accent à couper au couteau, grands interludes gonzo avec l’anthologique « z’avez pas des feuilles ? », questions en roue libre, bref toute la grande classe qui nous caractérise est présente... Mais, grands pédagogues, nos professeurs du jour se sont montrés très patients et volubiles avec nous, au moment même où leur groupe sort Crooks & Lovers, un premier album abouti qui mêle ornements dubstep, influences electronica et éléments folk. Là aussi, leur opus est une grande leçon qui prouve, qu’au-delà des barrières linguistiques, la musique est un langage universel.
Voici la vidéo de ce passionnant cours d'anglais :
Traduction de l'entretien :
HMiT : Salut les gars ! Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Dominic : Salut, je m’appelle Dominic.
Kai : Moi, c’est Kai.
Dom : Nous sommes les Mount Kimbie. Introduction ? Difficile... Nous sommes un groupe de musique électronique. Nous venons de jouer ici à Toulouse.
HMiT : De quelle ville exactement venez-vous ?
Dom : Je vis à Brighton.
Kai : Et je vis à Londres. Nous nous sommes rencontrés à Londres. Les deux villes sont à peu près à une demi-heure en train l’une de l’autre.
HMiT : Est-ce que vous diriez que votre environnement a une influence sur votre musique ?
Kai : Oui, c’est sûr mais c’est dur à expliquer : les pubs dans lesquels on va, la musique qu’on écoute, celle que les amis font, les immeubles, la lumière, tout, en fait, a de l’influence. Ce n’est pas vraiment possible de séparer la musique et le lieu où elle est produite, Londres en l’occurrence. Ce n’est pas lié au simple fait de vivre à Londres, mais ce qui joue, c’est que, ce que tu entends, tu l'entends parce que tu vis à Londres, ce que tu fais, tu le fais parce que tu vis à Londres, etc. Tout cela fait partie d’un ensemble. Mon but est de faire de la musique qui reflète ce que je suis à l’endroit où je suis, Londres, donc, mais aussi des endroits dans lesquels j’ai vécu ou des endroits dans lesquels j’ai envie d’aller.
Dom : L’environnement tient une large part dans la direction que prend le son.
HMiT : Et d’un point de vue social ?
Dom : Je suppose que les gens avec lesquels tu passes du temps ont une influence sur ce que tu fais – dans une certaine mesure.
Kai : Quand tu vis à Londres, tu connais d’autres personnes qui font de la musique. Il est parfois difficile de se souvenir de ce qu’on voulait faire au départ parce qu’on est au milieu de beaucoup d’autres musiciens qui font des choses intéressantes et qu'on ne peut pas rester à l’écart de ce qui se dessine comme un « mouvement » en tant que tel.
Dom : Tous ces gens te montrent la chanson qu’ils viennent de faire et tu l’aimes. Tu te demandes comment ils ont fait. Mais il faut rester cool et alors tu essaies de faire des choses plus simples, avec ta personnalité propre.
HMiT : Vous êtes signés sur Hotflush, un des labels dubstep les plus importants mais, dans votre musique, on sent d’autres influences, comme le folk déviant ou d’autres choses encore qui n'appartiennent pas non plus à proprement parler aux musiques électroniques. Est-ce que le dubstep est un moyen de promouvoir votre musique ?
Dom : Ce n’est pas une décision consciente d’être signé par un label dubstep. Nous avons envoyé nos chansons à divers labels et Hotflush nous a contactés en nous disant : « On aime vraiment votre travail ».
Kai : Cela a été important parce que c’est ce à quoi nous nous sommes intéressés à nos débuts. Cela a été une expérience enrichissante, il y a quatre ans environ, en 2006. A cette époque, l'effervescence qu'il y a eu à Londres autour du dubstep, c'était vraiment incroyable : le label DMZ [NDR : le label de Mala aka Digital Mystikz], les soirées Forward>> [NDR : ou FWD>>, soirées phares, londoniennes, de la scène dubstep]... C'était vraiment excitant ! Il y avait des choses très intéressantes. Puis ça a commencé à tourner un peu en rond et à devenir assez ennuyeux ; donc tous ces gens ont commencé à quitter le dubstep. C’est aussi ce qu’on a fait. Cela a été bon pour tout le monde, en permettant d'évoluer.
HMiT : Que pensez-vous de la scène londonienne qui émerge autour du Uk funky ? Vous en sentez-vous proches ?
Kai : On connaît cette scène.
Dom : Je n’en suis pas un grand fan.
Kai : Moi, j’aime vraiment la funky house.
Dom : Mmm…. Cela dit, il y a des bons trucs, c’est vrai, et il est tout simplement intéressant de faire partie d’une scène qui se développe constamment.
Kai : Je pense que c’est en train de devenir plus intéressant que le dubstep.
Dom : Oui, c’est clair !
Kai : Je pense que l’unique raison pour laquelle nous avons un contrat avec une maison de disques, c’est que nous voulions essayer de faire partie d’une scène, dubstep ou autre. Mais en même temps, c’est aussi important d’avoir une démarche personnelle et d’utiliser des éléments musicaux extérieurs au dubstep ou à la funky house.
HMiT : Est-ce que vous avez le sentiment que les gens réagissent de la même façon à ces musiques ici en France ou sur le continent qu’en Grande-Bretagne ?
Dom : J’ai rencontré beaucoup de gens ce soir discutant de la manière dont les goûts musicaux se développent selon les pays en matière de musiques électroniques. C’est vraiment très différent selon les pays en Europe. Par exemple, en France, il y a une scène electro très importante, avec un son dirty. Je pense que la raison qui explique que les Français sont à fond dans l’electro-house, c’est qu’il n’y a pas de clubs avec d’aussi grands espaces que ceux que l’on peut trouver à Berlin par exemple et que la musique est en général diffusée à travers des systèmes de sonorisation qui ne sont pas configurés pour mettre en avant les infrabasses comme c’est le cas avec les gros sound-systems anglais. Selon moi, les traditions musicales nationales vis-à-vis de la dance music influent donc directement sur la façon dont sont perçues les nouvelles sonorités.
Kai : En général, ici, le public est plus patient. Si tu joues en Europe, les gens vont se poser pour écouter les trucs calmes et vont être curieux de savoir comment cela va se développer musicalement.
Dom : Les gens sont plus dedans, plus concentrés...
Kai : et plus ouverts aussi ! Ici, tu peux moduler plus ton set en ménageant des moments de calme pour créer une tension, alors qu’en Grande-Bretagne, tu perds l’attention des gens...
Dom : et ils ne s’intéressent plus à ce que tu fais. En Angleterre, si tu joues ambiant ou atmosphérique, le public décroche mais, en Europe, le public reste concentré sur ce qui se passe musicalement.
HMiT : Il nous reste dix secondes pour conclure : avez-vous aimé jouer ici au festival Les Siestes Electroniques ?
Dom : Oui, ça m’a vraiment plu. C’était fantastique !
Kai : Oui, j’ai passé un très bon moment.
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Pour prolonger cette interview, nous vous invitons à découvrir en écoute et en téléchargement libre la neuvième plage de l'album, avec sa fantastique et lente montée frénétique, ses boucles de guitare robotiques et ses sons acoustiques crépitants...
Mount Kimbie - Field
[merci à Ragged Words / morceau initialement posté sur XLR8R]
Enfin, grâce au magazine FACT, l'album est disponible en streaming pour quelques jours. Avec ce LP, on est bien au-delà du dubstep, même le plus futuriste. C'est une œuvre qui transcende toutes les barrières de genre et qui touche par sa rareté, sa fragilité.
Mount Kimbie: Crooks and Lovers by factmag
Album en pré-commande sur Boomkat ; sortie prévue le 19 juillet sur Hotflush Recordings.