OPS fois trois – la fièvre musicale pendant tout un week-end

Publié le 27 avril 2010 par Europeanculturalnews

le super-soliste de l`OPS Vladlen Chernomor (c) OPS

Pendant ce week-end, l’OPS, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg était en service continu. Plutôt, ou alors plus précisément, certaines formations issues du grand orchestre. De jeudi à samedi environ un tiers des musiciennes et musiciens ont joué sous la baguette du chef d’orchestre Martin Fischer-Dieskau à trois endroits différents: en Alsace, à Benefeld, à Saales et à Scherwiller. Samedi, une partie des musiciens a joué une première d’opéra au centre de manifestations d’Illkirch « Il matrimonio segreto » de Domenico Cimarosa, une production de l’Opéra National du Rhin. Dimanche a eu lieu un concert de musique de chambre avec un duo, un trio et un quintette – tous des « recrues » de l’OPS. Là, c’était la jeune garde qui avait l’occasion de montrer leur savoir faire et de faire entendre la qualité de leur jeu.

« Pour un soliste, c’est un défi énorme de jouer un concert avec son propre orchestre » c’est ainsi que le chef d’orchestre Martin Fischer-Dieskau a brièvement défini le rôle qu’assurait pendent trois soirées consécutives Vladlen Chernomor sous sa direction d’orchestre. Il a joué le solo du concerto n° 5 de Wolfgang Amadeus Mozart. Ainsi il s’est présenté pour la première fois à un public nombreux et en même temps devant ses collègues musiciens en tant que soliste. Chernomor a relevé ce défi avec succès, définissant sa « voix » comme « meneuse » de l’orchestre. Dans les deux premiers mouvements, en particulier dans le solo de l’allegro, il a fait preuve d’une maîtrise totale quant aux difficultés techniques de l’œuvre. Le dernier mouvement dans lequel il était spécialement convaincant semblait être fait à « sa » mesure. Il faisait danser et sauter la musique pour la faire éclater de colère pendant la marche turque. La preuve, que le premier violon de l’OPS a un tempérament volcanique qu’il sait exprimer à travers les cordes de son instrument. Le supplément, un « presto » de Bach était encore une fois une démonstration de sa technique brillante. Dommage, que l’acoustique dans la salle à Benfeld, ne soit pas optimale ! La finesse de son jeu était bien perceptible d’un point de vue tempo, mais les modulations de volume étaient à peine audibles. Peut-être Chernomor aura-t-il une autre fois l’occasion de jouer en tant que soliste dans la salle Erasme où l’acoustique serait excellente !

Il faut remercier Martin Fischer- Dieskau d’avoir assuré la direction d’orchestre des trois concerts. Darrell Ang, initialement prévu comme chef d’orchestre, ne pouvait voyager à cause du nuage de cendres au dessus de l’Europe. Au programme, en plus de Mozart, la symphonie n° 88 de Joseph Haydn et la 5e symphonie de Franz Schubert. Tous ceux à qui la musique de « Cosi fan tutte » est familière, pourront faire une belle parallèle avec la symphonie de Haydn, écrite deux ans avant l’opéra de Mozart. Plusieurs passages sont empreints du même esprit du bel canto ! Une fois de plus, les musiciennes et musiciens on fait des prouesses en tant que solistes. Le langage des signes de Fischer-Dieskau qui a dirigé par cœur, a été réduite à sa plus simple expression. Le chef d’orchestre se servait essentiellement de sa mimique pour communiquer avec l’orchestre. Mais le rythme du premier mouvement de Schubert lui a visiblement traversé le corps – des orteils jusqu’au bout des doigts ! D’un point de vue tempo, il a respecté les indications de Schubert à la lettre, en particulier dans les mouvements rapides, pour maintenir l’œuvre sous une belle tension, lui évitant ainsi de glisser dans des profondeurs émotionnelles gluantes et doucereuses. Dans l’allegro vivace du quatrième mouvement, une véritable tempête de violoncelles et de basses, Fischer-Dieskau a permis de belles variations de volume – malgré la vitesse très élevée.

le jeune ensemble de la musique de chambre de l`OPS (c) mp


Le concert de musique de chambre du dimanche était sous le signe de la musique du 20e siècle : Les œuvres choisies de Bohuslav Martinù, Erwin Schulhoff et Serge Prokofiev étaient aussi harmonieuses que passionnantes.

Evelina Antcheva (violon) et Agnès (Fehler) Maison (alto) ont débuté le concert avec les « Trois Madrigaux pour violon et alto » de Martinù. En trois mouvements, le compositeur a réussi à circonscrire l’ensemble des moyens d’expression des deux instruments. Dans le premier mouvement, Antchef, originaire de Sofia, toute excitée, a fui l’alto, qui lui est resté sereinement en arrière-plan. Le changement d’ambiance dans le deuxième mouvement scintillant, où les deux instruments se complètent harmonieusement à la fin, et le dernier mouvement dans lequel les instruments se serrent brièvement la main à plusieurs reprises – au sens figuré –, comme dans une ronde où l’on passe dans un pas de danse rapide de l’un à l’autre, ont donné aux deux musiciennes largement l’occasion de s’exprimer individuellement. Antcheva transmet son tempérament, sans « mettre de sourdine » à son violon, tandis que Maison est le plus convaincante dans les passages lyriques. C’est précisément cette qualité qui la prédestine pour l’alto.

Thomas Kaufman (contrebasse), Sandrine Poncet (flûte) et encore Agnès Maison ont prouvé avec le concertino pour flûte, alto et contrebasse, qu’Erwin Schulhoff est un compositeur injustement délaissé. Ce morceau riche en images, qui oblige la flûtiste à jongler à plusieurs reprises entre la flûte traversière et le piccolo, comporte tellement de passages emplis d’émotions différentes, qu’à aucun moment on ne s’ennuie, ne serait-ce qu’un peu !
L’expérience de Poncet dans le domaine de la musique de chambre s’est imposée avec évidence, car pour la première flûtiste de l’OPS, le changement continuel entre la voix qui menait et celle qui ne faisait qu’accompagner qui demande une grande sensibilité, ne posa aucun problème.

Kaufmann, Antcheva, Maisin ainsi que le hautboïste Sébastien Giot et la clarinettiste Stéphanie Corre ont terminé la soirée avec le « Quintette opus 39 « de Serge Prokofiev. Cette œuvre consiste en six petites pièces pour danseurs qui sont de par leur rythme très différenciés et leur technicité très exigeantes. Qu’à cela ne tienne ! Le quintette a proposé une interprétation plus que convaincante : D’une part, et pas uniquement, à cause du jeu des instruments à vent en parfait accord, d’autre part par le bonheur de faire de la musique ressenti et transmis par les musiciens. Giot, qui a eu déjà deux fois l’occasion de jouer en tant que soliste au cours de la saison a opposé son hautbois aux autres instruments sur un pied d’égalité.

Les voix dominantes qui changent dans cette pièce si souvent, exigent de la part des musiciens une concentration sans faille. Il faudrait avoir plus souvent l’occasion d’entendre le détachement de l’OPS sous cette forme, où la clarinette de Stéphanie Corre répond avec une voix si claire et parfaite au hautbois de Giot qu’il est impossible d’imaginer une harmonie plus parfaite entre les deux instruments. Les musiciennes et musiciens étaient irréprochables : Aussi bien d’un point de vue technique que d’un point de vue émotionnel – les deux plus importants ingrédients pour faire de la belle musique de chambre.

Texte traduit de l’allemand d’Andrea Isker