Marc Schaefer – le compositeur de « DARIUS »

Publié le 14 mai 2010 par Europeanculturalnews

Marc Schaefer (c) Henri Parent


Interview mit Marc Schaefer, dem Komponisten des Darius
Monsieur Schaefer, qui a eu l’idée de Darius, l’histoire musicale pour un narrateur et orchestre ?

C’est mon idée. Et je l’ai eue il y a bien longtemps. C’est une histoire qui parle de la puissance des éléments naturels. Ce genre d’histoires existent dans beaucoup de cultures et n’ont pas vraiment d’auteur. En 1994, j’ai écrit des notes et je les ai enregistrées. J’ai eu aussi un livre entre les mains dans lequel une petite souris affronte le soleil, mais je n’ai jamais réussi à identifier l’auteur.
J’ai collaboré avec Emmanuel Hirsch, qui a signé les rimes. Pour commencer, je lui ai remis les petites notes avec la musique. Ensuite, il a écrit le texte et moi, j’ai fait plus de musique et ainsi de suite. En 1998, le travail était terminé, et maintenant, 12 ans plus tard, a eu lieu sa première. Il faut tout simplement être patient dans la vie !

Comment avez-vous commencé à composer de la musique ?

Un jour, une amie m’a demandé d’écrire une musique pour les changements de décor d’un théâtre de marionnettes. Il s’agissait de petites pièces de 10 à 15 secondes. Elle a apprécié mon travail et elle trouvait qu’avec la musique c’était plus amusant. Je n’écris pas de musique comme dans la classe Boulez, je ne suis pas non plus ancré dans la scène musicale. Je travaille pour moi, tout seul. Il m’est arrivé d’écrire quelque chose de curieux : J’ai écrit une musique de film pour un film qui n’a jamais été tourné par la suite. Normalement, c’est l’inverse : On écrit la musique pour un film, quand celui-ci est déjà terminé. Ensuite, il faut que tout aille vite, l’argent pour le film est dépensé depuis longtemps et on a une pression énorme quant au délai. Ça, je le savais. Un jour, quelqu’un, voulant faire un film sur Ettore Bugatti qui, comme vous le savez, a fondé son usine à Molsheim, est venu me voir. Bugatti était en son temps déjà une légende vivante. L’idée m’a séduit et je pensais prendre les devants pour ne pas être trop sous pression à la fin. J’ai fini la musique, mais le film n’a jamais été tourné ! J’ai donc fait une musique de film sans film ! Je pense que c’est unique, d’autant plus que cette musique a fait l’objet de plusieurs représentations: à Nice, à Angers, à Mulhouse et ici, à Strasbourg.

Avez-vous étudié la composition ?

Malheureusement non ! J’aurais beaucoup aimé, mais cela ne s’est pas présenté. J’ai fait des études de violon à Metz et ma professeure voulait à tout prix que j’aille à Paris. J’aurais beaucoup aimé faire des études de composition et j’aurais aimé apprendre à jouer du saxophone aussi. Simplement pour savoir ce qui est important pour les instruments à vent et de pouvoir ensuite me servir de cette expérience pour mes compositions. Au début du semestre je me suis inscrit en classe de composition, mais je n’ai eu qu’une seule leçon. Nous étions environ 20 jeunes gens et le professeur nous a demandés de composer un canon à trois voix construit sur quatre mesures et on avait en tout en pour tout une demi-heure pour le faire. Après cela, le professeur est passé dans les rangs pour ramasser les copies. Il a jeté très rapidement un œil exercé sur les feuillets pour en choisir cinq qui lui paraissaient suffisamment intéressants pour les faire jouer – dont le mien. Mais après, il y a eu un énorme scandale avec ma professeure de violon qui était convaincue que je perdais mon temps avec le saxophone et la composition. Et dans la mesure où j’étais en quelque sorte dépendant d’elle, j’ai fait à l’époque des remplacements dans l’orchestre de Metz, je n’avais que 16 ans et avec l’argent que je gagnais je pouvais aider ma famille, je n’ai pas fait d’études et j’ai continué à jouer dans l’orchestre pour gagner ma vie. Bien entendu, j’ai suivi des cours de théorie de la musique comme tous les autres au conservatoire, mais quant à la composition proprement dite, j’ai tout appris en autodidacte. Ma mère qui a bien plus que 80 ans aujourd’hui a gardé dans son portemonnaie le papier de la banque disant que celle-ci accordait le crédit demandé pour l’achat d’un saxophone pour moi. Ce saxophone n’a jamais été acheté, et j’ai commencé à composer bien plus tard, à l’âge de 40 ans pour être exact.

En travaillant sur Darius, avez-vous pensé à certains de vos collègues de l’OPS en particulier ?

Non, pas du tout. A ce niveau-là, il n’y a pas eu de rapport entre moi et l’orchestre. Quand j’étais en train d’écrire la musique, je ne savais pas que l’OPS allait jouer cette œuvre un jour!

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez entendu pour la première fois votre pièce jouée par l’orchestre ?

D’un coté, ce n’est pas facile de ne pas être joué du tout. Et d’un autre coté, quand ça arrive finalement, on a un peu peur. On a peur que la pièce puisse être trop facile. Mais je suis très heureux, car le public et les musiciennes et musiciens ont été enthousiastes. Bien entendu, quelques voix critiques se sont levées aussi, mais je sais comment gérer cette situation. Et j’ai apporté un certain nombre de petites corrections. J’ai remarqué par exemple qu’un certain son au moment où le soleil entre en scène, était trop faible. Il a fallu que je trouve une autre solution.

Vous faites partie d’un orchestre et vous dirigez vous-même. Avez-vous fait cela souvent ?

Oui. Une bonne vingtaine de fois, je crois. J’ai déjà fait des remplacements au pied levé et j’ai souvent assuré la direction d’orchestre avec l’OPS à l’extérieur, notamment dans de petits villages en Alsace. Je n’ai pas de problème avec mon propre orchestre. Car la seule chose qui compte pour diriger un orchestre, c’est la compétence. Si vous voulez, je suis en quelque sorte le chef d’orchestre secret de l’OPS. Ça a commencé il y a longtemps. Il y a eu de gros problèmes pendant les répétitions avec un chef d’orchestre. Le premier violon, à l’époque une femme, a fait savoir à la direction que la représentation ne pouvait avoir lieu et qu’il fallait chercher un remplaçant au plus vite. Et là, l’un des collègues a suggéré de faire appel à moi. La direction m’a convoqué et m’a posé la question, si je me sentais capable de diriger la représentation prévue dans 48 heures – et j’ai accepté ! Pour être honnête, il faut avouer que pendant les 48 heures précédant la représentation je n’ai fait qu’une chose : J’ai étudié la partition ! Mais tout s’est bien passé.

L’orchestre a-t-il son mot à dire concernant le chef d’orchestre ?

Ici, nous avons une tradition. Quand nous devons collaborer avec un nouveau chef d’orchestre, l’orchestre organise un vote et communique le résultat à la direction. Il est donc impossible que nous travaillions avec un mauvais chef d’orchestre. Un chef d’orchestre peut bluffer au travail – le public ne s’en rend pas forcément compte. C’est chose impossible en ce qui concerne les musiciens. Tous les musiciens qui jouent dans l’OPS sont passés par une sélection très rigoureuse. Pour un poste il y a 30 à 40 candidats, un seul est choisi, les autres sont remerciés. Rien que pour cette raison nous ne pouvons admettre de travailler avec un mauvais chef d’orchestre. Mais heureusement, la direction tient compte de notre avis.

Avez-vous déjà dirigé les concerts de la Saint Sylvestre de l’OPS ?

Oui, et non seulement dirigé. J’ai déjà fait le choix du programme et j’ai fait un certain nombre d’arrangements. En 1992, sous Guschlbauer, j’ai proposé pour la première fois le programme pour le concert. En l’occurrence il s’agissait de Lehár et de l’opérette. L’année d’après, c’est moi qui ai dirigé l’orchestre pour la première fois pour le concert de la Saint Sylvestre. Ensuite, j’ai entre autres conçu et dirigé un programme autour du sujet « Deauville pendant les années trente ». Un autre programme était exclusivement américain et s’appelait « Central Park ». En 2007, à l’occasion du centième anniversaire de Zarah Leander, nous lui avons dédié la soirée. C’était un concert extraordinaire avec la participation de la cantatrice suédoise Karin Pagmar. Elle a une voix incroyable et dès les premières secondes on pouvait percevoir une certaine tension dans le public. Mais c’était un grand succès. Quelques concerts plus tard, un vieux monsieur est venu me voir pour me remercier en disant : « Vous savez, c’était incroyable d’entendre à nouveau la musique de mon enfance ! » Cela m’a beaucoup touché. De jouer cette musique équivalait en quelque sorte de toucher à un fer chauffé à blanc. Je crois que cela a un rapport avec le fait que Zarah Leander a fait de la musique populaire. En revanche, quand nous jouons le « Capriccio » de Richard Strauss, il n’y pas d’objections. Même si la première de cet opéra a eu lieu en 1942 à Munich et que la position de Strauss à l’époque du nazisme est contestée.

Mais vous êtes le chef d’orchestre en titre d’un autre orchestre !

Oui, je suis le chef d’orchestre de l’ « Orchestre d’harmonie d’électricité de Strasbourg ». Cet orchestre d’instruments à vent est à ma connaissance le seul orchestre « survivant » parmi tous les orchestres d’entreprises qui ont existé un peu partout en France.
A l’époque, toutes les grandes entreprises avaient leur propre orchestre. Cette tradition n’existe plus aujourd’hui. Il y a encore un orchestre du métro parisien et un chœur à Air France, mais c’est tout. Notre orchestre a 80 membres et il est heureusement très vivant. Notre dernier concert etait dans la grande salle Erasme qui dispose de 2000 places. Nous avons été obligés de refuser plus de 400 personnes par manque de place ! Au mois de juin nous serons à Karlsruhe et fin juin nous allons enregistrer un CD. Si j’ai le temps, j’écris aussi pour l’orchestre et je fais des arrangements. Les programmes sont conçus en concertation avec un comité. Le concert du 24 avril s’intitulait « Amériques » et nous avons joué des morceaux américains très connus. Mais dans la mesure où aucun d’eux n’est écrit pour des instruments à vent, il a fallu que je refasse tous les arrangements. C’était un travail monstre !

J’ai vu que vous tenez la baguette dans votre main gauche. Est-ce inhabituel pour les musiciens?

Non, je ne pense pas. Ils y sont habitués, chez moi et personne n’a jamais rien dit – à une exception près : une fois, nous avons joué dans une ville où nous sommes retournés quelques années plus tard. Un homme s’est dirigé vers moi pour me dire : « La première fois, j’ai remarqué quelque chose de bizarre, mais je ne savais pas ce que c’était. Mais aujourd’hui j’ai trouvé : Vous tenez la baguette de la main gauche ! » C’était la seule et unique fois. Au fond, je suis gaucher. Mais à l’école on nous a obligés d’écrire de la main droite. Curieusement, j’ai réussi à développer une belle écriture. Mes deux fils sont gauchers aussi, et bien qu’on ait le droit d’écrire de la main gauche aujourd’hui, l’écriture de mon fils aîné n’est pas vraiment belle !

Vous allez prendre bientôt votre retraite !

Oui, si tout va bien, dans 3 1/2 ans. Et à partir de là je pourrai faire ce que j’aime : Peindre et composer.

Vous peignez ?

Oui, j’aime beaucoup ça. Mais je peins pratiquement exclusivement au couteau. J’aime appliquer la peinture en gros paquets que j’étale ensuite au couteau. De cette façon je peins essentiellement des paysages. Du temps où j’étais encore étudiant, j’ai pris le train trois à quatre fois par semaine. Un jour, l’un de mes amis avait un bloc de dessin sur lui. Je lui ai demandé de me montrer ce qu’il avait fait. C’était un paysage. J’ai pris un crayon à papier et avec quelques traits, j’ai mis les ombres. J’ai adoré ça et quand je suis rentré, il était clair pour moi qu’il fallait que je me procure des couleurs. D’abord, c’étaient des couleurs pour aquarelles, mais je suis passé assez rapidement à l’huile. Et comme à l’époque, je continue à peindre des paysages. Je déteste la ville. Dans une ville, je me sens comme pris en otage. A tous les coins de rue on vous colle une amende et il faut payer pour tout, tout de suite ! Ce n’est pas une vie pour moi. Je ne suis pas du tout farouche et j’aime le public ! Mais je mets la liberté au dessus de tout !

Je vous souhaite beaucoup de bonnes choses et beaucoup de temps pour composer et je vous remercie pour cet entretien !

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker