D’hier et (presque) d’aujourd’hui

Publié le 17 mai 2010 par Europeanculturalnews

Sinfonietta de Jiri Kylian (c) jl-tanghe

La soirée de danse Kylián/Inger à l’Opéra national du Rhin

Trois créations, respectivement quatre : les chorégraphies de Jiří Kylián «Sinfonietta » et « Overgrown Path », ainsi que l’œuvre de Johan Inger «Walking Mad » ont été dansées par le ballet de l’Opéra National du Rhin à Strasbourg – des œuvres comme estampillées par l’année de leur création.

Le chorégraphe Kylián a créé plus de 70 chorégraphies pour le «Nederlands Dans Theater ». Sous sa direction artistique, jusqu’en 1999, le théâtre a atteint une réputation mondiale. Les deux œuvres de Kylián montrées au cours de la soirée sont basées sur la musique de son compatriote tchèque Leoš Janáček. La «Sinfonietta» était accompagnée par une bande enregistrée. La musique d’ «Overgrown Path» en revanche a été interprétée dans sa version originale en direct par Maxime Georges au piano. Les années de création sont pour la « Sinfonietta » l’année 1978, respectivement 1980 pour « Overgrown Path ». Cela remonte donc, au regard du paysage culturel actuel qui change à toute allure, à une éternité – et cela se voit : L’histoire musicale quelque peu pathétique et teintée de folklore que raconte Janáček trouve dans l’interprétation de danse de Kylián son équivalent. Les longs passages dédiés aux sauts et aux portées étaient une célébration du passé. Peu d’indications contemporaines annonçaient le début d’une nouvelle aire. Grâce à Sinfonietta, Kylián a percé et réussi son ascension au ciel des chorégraphes célèbres.
« Overgrown Path » par contre était orienté vers l’avenir. Chaque part a été distribué différemment. Les personnages composés par trois personnes étaient caractérisés par une esthétique particulière, et malgré des changements permanents, ils ont montré une souplesse tout en finesse, célébrant la danse dans sa plus belle expression. Le passage pendant lequel le couple d’amoureux se tient mutuellement, ainsi que chacun soi-même, tendrement par la tête, est très émouvant et montre à quel point la sensibilité de Kylián rejoignait celle du compositeur. Il est aussi la preuve, que le chorégraphe a été parfaitement capable de transposer chacune des couleurs des sonorités de l’œuvre. La fin pesante, l’adieu et le départ sont dansés encore longtemps après que la dernière note a été jouée, longtemps après le départ du pianiste.

Walking mad de Johan Inger (c) jl-tanghe


La deuxième partie de la soirée, «Walking Mad» de Johan Inger, créé en 2001, composée du «Boléro» de Ravel et de «Pour Aline» d’Arvo Pärt, était d’un contraste criant. Inger avait été appelé au «Nederlands Dans Theater» par Kylián. Par la suite, le chorégraphe a intensément travaillé avec le Cullberg Ballet. Bien qu’âgée de presque dix ans, la chorégraphie d’Inger est toujours aussi plaisante de par son humour, sa fraîcheur et aussi saisissante par les surprises que réserve le décor. Un long mur en bois, animé, comme dans les vieux films comiques ou dans certaines comédies, par une série de portes qui s’ouvrent et qui se referment, est aux cotés des danseuses et danseurs l’interprète principale. Quand l’un des danseurs saute sur le mur et celui-ci tombe pour se transformer aussitôt en piste de danse, le public retient son souffle.
Le Boléro d’Inger est la coulisse d’un combat entre les sexes, où l’on se bat ouvertement, brutalement même. Aux passages, pendant lesquels un couple se presse mutuellement contre le mur en partie effondré et se jette violemment par terre ou se laisse tout simplement tomber, la chorégraphie se transforme presque en mise en scène d’une prestation de cascadeurs. Les hommes nains aux casquettes rouges, dont les mouvements parlent de la joie ainsi que du coté insouciant de la vie et qui courent comme des fous furieux derrière une femme sont en opposition totale avec la scène décrite précédemment. Mais les contraires s’attirent – au moins, dans l’œuvre d’Inger, sur la scène, cela fonctionne à merveille. Que l’on a le droit de rire en regardant de la danse contemporaine arrive rarement, mais quand ça arrive, cela fait un bien fou et rien que pour cela, Inger mériterait une médaille. Pour finir, «Pour Aline» montre la tentative tragique d’un homme de conquérir une femme qui elle ne peut oublier un amour appartenant au passé.
L’attraction et son contraire sont là aussi les principaux éléments, même si la poésie des mouvements a davantage l’occasion de s’exprimer.
La fin malheureuse se lie avec celle, vue chez Kylián et peut être considéré comme une sorte de connexion à un mobile perpétuel d’une soirée de danse.

Les morceaux de Kylián/Inger font référence à l’histoire plus ou moins proche de la danse contemporaine et, combinés ainsi, ils aiguisent le regard sur son évolution jusqu’à nos jours. De par l’étendu du spectre des morceaux, les exigences auxquelles devait faire face le corps de ballet, étaient importantes. Quelques danseurs participaient aussi bien à «Sinfonietta» qu’à «Walking Mad» ce qui a nécessité une adaptation ultrarapide à deux schémas de mouvements fondamentalement différents. Il va donc pratiquement soi que c’était au détriment de l’une où l’autre précision au niveau du synchronisme, surtout dans l’œuvre «Sinfonietta», orientée au ballet classique. L’interprétation magistrale de «Boléro» et «Pour Aline» par toutes les danseuses et danseurs a mérité les applaudissements enthousiastes du public.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker