JARDIN
Nuages à la dérive, continents
somnambules, pays sans substance
ni poids, géographies dessinées
par le soleil, effacées par le vent.
Quatre murs de terre. Bougainvilliers :
dans leurs flammes pacifiques mes yeux
se baignent. Passe l'air entre des murmures
de feuillages et d'herbes à genoux.
L'héliotrope aux pas violets
croise enveloppé de son parfum. Il y a un prophète :
le frêne — et un méditant : le pin.
Le jardin est petit, le ciel immense.
Verdeur qui survit dans mes débris :
dans mes yeux tu te vois et touches,
tu te connais en moi et en moi tu penses,
en moi tu dures et en moi disparais.
JARDIN
Nubes a la deriva,
continentes
sonámbulos, países sin substancia
ni peso, geografías dibujadas
por el sol y borradas por el viento.
Cuatro muros de adobe. Buganvillas:
en sus llamas pacíficas mis ojos
se bañan. Pasa el viento entre alabanzas
de follajes y yerbas de rodillas.
El heliotropo con morados pasos
cruza envuelto en su aroma. Hay un profeta:
el fresno -y un meditabundo: el pino.
El jardín es pequeño, el cielo inmenso.
Verdor sobreviviente en mis escombros:
en mis ojos te miras y te tocas,
te conoces en mí y en mí te piensas,
en mí duras y en mí te desvaneces
Octavio Paz, Première Instance, 1935-1945, traduction de Frédéric Magne,
La Délirante 1986, p. 13.
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