D’aprčs Boeing, la flotte mondiale va doubler en 20 ans.
Année aprčs année, on se pose la męme question : les prévisionnistes de Boeing, tout comme leurs collčgues de Toulouse, encouragent-ils une fuite en avant industrielle et commerciale ? Sur leur lancée, croient-ils vraiment que les statistiques de trafic vont monter jusqu’au ciel ? On est en droit de le penser en prenant connaissance du nouveau CMO de l’avionneur américain. Lisez Current Market Outlook, vade-mecum de tout industriel concerné par la production d’avions commerciaux.
L’essentiel : au cours des deux prochaines décennies, la flotte mondiale de jets passera de 19.000 ŕ plus de 36.000 avions. Compte tenu du retrait d’appareils anciens (13.500 environ), de telles perspectives confortent, si besoin est, les bonnes perspectives qui s’offrent au duopole. Lequel, soit dit en passant, n’en sera certainement plus un ŕ l’horizon 2030. Russes et Chinois sont dans la salle d’attente, Bombardier et Embraer ont trčs envie de jouer dans la cour des grands.
D’aprčs les experts de Boeing, le trafic aérien progressera en moyenne de 5,3% par an pour les passagers, de 5,9% pour les marchandises. Pour autant que l’on prenne cette prévision pour argent comptant, et quelles que soient les embűches conjoncturelles ŕ venir, l’avenir des avionneurs semble solidement assuré. D’autant, souligne Randy Tinseth, directeur du marketing, que la crise qui se termine prouve éloquemment la capacité des compagnies aériennes ŕ rebondir. Il aurait dű ajouter qu’elles sont pour la plupart financičrement exsangues. Certaines d’entre elles, penchées sur leur découvert bancaire, se demandent d’ailleurs comment payer les avions de nouvelle génération indispensables ŕ leur croissance.
Ladite croissance laisse ręveur. Un peu moins, pourtant, depuis que Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, a révélé que le trafic aérien mondial franchira le cap des 16 milliards de passagers annuels ŕ l’horizon 2050. On ne demande qu’ŕ le croire, tout en imaginant les problčmes inextricables qui en résulteront. Choisissons plutôt le conditionnel : qui en résulteraient.
Répondant anticipativement ŕ ce commentaire et écartant une fois pour toutes l’incrédulité qui pourrait apparaître ici ou lŕ, Boeing vante les mérites de ses prévisions en se référant aux éditions antérieures du CMO. Elles ont souvent pęché par excčs de conservatisme, disent Randy Tinseth et ses collčgues, au point de sous-estimer de 10 ŕ 15% la progression de la demande sur le réseau long-courrier. En revanche, l’anticipation de la capacité des avions de chaque catégorie ont été Ťremarquablement exacteť.
Avec cette vision ŕ long terme trčs optimiste ŕ l’esprit, on constate, ŕ la lecture du nouveau CMO, que Boeing et Airbus ne divergent sérieusement que sur un seul point, ŕ savoir les perspectives qui s’offrent aux trčs gros porteurs. Seattle leur attribue tout au plus 3% de la flotte mondiale ŕ échéance 20 ans, c’est-ŕ-dire moins d’un millier d’appareils, 747-8 et A380. C’est bien peu mais l’heure n’est visiblement pas venue de relancer cette querelle des anciens et des modernes, lignes directes plus nombreuses contre flux de trafic accrus entre mégapoles. Il suffira d’attendre pour découvrir oů est l’erreur. Entre-temps, les capacités devraient continuer de croître ŕ petits pas . Ainsi, les biréacteurs régionaux cčderont peu ŕ peu la place ŕ des appareils plus grands, de męme que 787 et A350 succčderont ŕ la génération de capacité moindre des 767 et A330. Et ainsi de suite.
La distribution géographique de la demande est instructive mais sans surprises. La région Asie-Pacifique vient largement en tęte, Europe et Amérique du Nord suivant ŕ distance respectable. C’est une maničre de confirmer que le rapport des forces commerciales en présence évolue.
Reste ŕ savoir ce qui se produirait si le prix du pétrole connaissait une nouvelle envolée durable ou encore en cas de contraintes environnementales rendues plus sévčres qu’elles ne le sont actuellement. C’est hors propos : le CMO se veut porteur de bonnes nouvelles.
Pierre Sparaco - AeroMorning