Allez, il est temps de faire un petit point « règlementation » (très compréhensible et pas ennuyeux, c’est promis) sur une question qui me revient régulièrement : un produit cosmétique a-t-il « le droit » d’agir sous l’épiderme (derme, hypoderme) ou non ? Et en réalité… est-il vraiment capable de le faire ?
J’aborde le sujet aujourd’hui suite au mail d’un lecteur belge (et oui, (dé)maquillages a une renommée internationale ;)) qui se pose des questions sur la petite phrase règlementaire que vous avez tous déjà lu « hydratation* => * des couches supérieures de l’épiderme » et se demande si un cosmétique peut légalement et physiquement de passer la barrière dermo-épidermique. Et au lieu de lui répondre personnellement, autant vous faire profiter à tous de mes explications éclairées :). Vous serez peut-être surpris de la réponse, d’ailleurs…
Alors, tout d’abord un petit point cosmétologie.
Voici une coupe de peau piquée sur le site du CNRS(que je vous invite d’ailleurs à visiter si vous souhaitez vous pencher un peu plus sur la science de la peau et des cosmétiques car ce n’est pas le sujet de ce billet et je ne serai donc pas exhaustive sur ce point)
La partie superficielle, en contact avec l’air, c’est l’épiderme.
Son rôle : barrière de l’organisme (contre les méchantes bactéries, les UV et les substances toxiques, contre la déshydratation, etc...)
Les principales actions des cosmétiques sur l’épiderme : hydratation, nettoyage, exfoliation, stimulation du bronzage, éclaircissement, protection UV (…).
Sous l’épiderme, le derme.
C’est le tissu de soutien de la peau. C’est ici que sont synthétisées les molécules responsables de son élasticité, comme le collagène ou l’élastine. Quand on prend de l’âge, l’organisation du derme part en vrille et provoque rides et perte de fermeté.
La principale action des cosmétiques sur le derme : anti-âge.
Encore en-dessous, l’hypoderme.
Le rôle de cet ingrat : faire des réserves de graisse, mais aussi servir de « matelas » protecteur et d’isolant thermique.
La principale action des cosmétiques sur le derme : amincissement.
Vous suivez, jusqu’ici ? Petit point réglementaire alors.
Voici la définition officielle d’un cosmétique (Règlement européen CE n° 1223/2009) : « On entend par produit cosmétique toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles. »
Relisez bien : nulle part il n’est écrit qu’un cosmétique ne peut agir dans le derme et l’épiderme. Il est très exactement écrit : « destiné à être mis en contact ». Donc un cosmétique peut parfaitement être appliqué sur la partie superficielle de la peau (= épiderme) ET agir en dessous, c'est-à-dire sur le derme ou l’épiderme (essayez de l’appliquer directement sur le derme ou l’hypoderme ;)).
> Donc OUI, bien sûr que OUI, un cosmétique a le droit d’agir sous l’épiderme, et heureusement car sinon, zéro efficacité sur les rides, la perte de fermeté ou le surplus de gras !
Ce qui m’amène à préciser que pour passer la barrière épiderme/derme, il faut tout de même des formulations adaptées car certaines substances sont incapables de la traverser toute seule. Et que si les cosmétiques ont une réelle action, il ne faut pas non plus en attendre des miracles, fin de la parenthèse.
Quid de la mention « hydratation des couches supérieures de l’épiderme » ?
Première réflexion : il me semble que ça ne sert à rien (ou pas grand-chose?) d’hydrater le derme par voie topique* : il contient plus d’eau que l’épiderme, de l’eau qui provient de l’intérieur de l’organisme et qui est relativement protégée par… l’épiderme justement, et sa fameuse jonction « dermo-épidermique ».
Par contre, pourquoi n’aurait-on pas le droit d’hydrater la totalité de l’épiderme, et notamment ses couches inférieures ??? Pourquoi la législation (un vieux vieux texte de loi) nous oblige à mettre cette mention ? Et uniquement sur l’hydratation, sur aucun autre revendication cosmétique… ?!? Ben là j’avoue que je sèche…
Mais on s’en fiche !!! Vous savez pourquoi ? Parce que hier soir, en discutant avec Clémence Hugot (assistante règlementaire chez SVR), j’apprends que, TENEZ-VOUS BIEN… Ça y est, on n’est plus obligé de mettre cette mention-qui-emm…-toutes-les-équipes-marketing-cosmétique-de-France-et-de-Navarre-depuis-des-générations-de-pots-de-crème-hydratante !!!!Non, m’sieurs dames, plus obligé du tout, c'est une petite info tout récemment donnée par la FEBEA**.
Je suis sûre que certains (pros) d’entre vous ne le saviez même pas, et que vous allez de ce pas supprimer la mention « couches supérieures de l’épiderme » de tous vos packagings.
Non ? :)
°°°
* topique = via une application sur la peau
** Voici ce que dit la FEBEA :
La référence à "couches supérieures de l'épiderme" apparaît pour la première fois dans le Bulletin d'Information et de Documentation (BID)* n°6 de 1998, dans lequel il est précisé "[...] afin d'éviter toute confusion dans l'esprit du consommateur sur l'étendue de l'effet hydratant d'un produit, il convient, au minimum, d'adjoindre à l'étiquetage ou à la publicité en cause une mention du type "hydratation des couches supérieures de l'épiderme"."
Cette précision n'étant pas reprise dans la recommandation du BVP de mai 2006, c'est la raison pour laquelle nous en avons tiré la conséquence que la phrase n'étant pas dans le texte, elle n'était plus exigée.