Mardi 18 mai 2010 - Le cœur joyeux, gonflés par le premier contact d’hier, nous entrons dans la Maison d’Arrêt des Femmes. Pas de problème à la barrière, accueil agréable au contrôle. Mais une fois dans l’enceinte de la prison, cela se gâte. La surveillante en chef du couloir de détention n’est pas celle qui avait été si sympathique hier, elle fait sentir tout de suite son autorité, appelle les filles avec beaucoup de retard. Tout le monde n’est pas là, une fille a été libérée, on se réjouit pour elle mais on aurait pu nous prévenir, deux sont malades, et au moment où l’équipe est habillée, la chef revient, et demande à deux de nos stagiaires de filer pour une consultation hors de la prison, donc sans espoir de les revoir avant la fin de l’atelier. Et ces pauvres filles, désolées, n’étaient même pas au courant, ne savaient pas qui elles allaient voir. Lorsque j’ose dire que c’est un problème d’animer une activité avec des sorties, des parloirs qui cassent le groupe et le travail, la chef me répond sèchement que c’est pour leur santé. Rien à dire ! L’atelier commence, il en reste 3, alors David, et Corinne, une comédienne stagiaire de la Compagnie s’habillent en Padox, et complètent le groupe. Nous avançons la mise en scène, sur le thème de la page blanche, le groupe progresse bien, il y a une forte sensibilité et un sens du jeu évident. Le thème parle de l’angoisse de la page, de ce papier blanc sur lequel on se projette comme dans un autoportrait, au point que le livre de papier blanc se transforme en miroir, par lequel le regard de Padox communique avec le public. Nous sommes inspirés pour ce thème par des textes de Gérard Lépinois, qui fut à l’origine auteur des scénarios des Padox, et dont Jeanne dira pendant la présentation quelques aphorismes. Une des filles, Claudine, me dit : « C’est comme un procès d’assise, toi, toute seule en face de cette foule de regards qui te dévisagent » Elles mettent de la grâce et de la poésie dans le travail. En accord avec la chef, nous avons l’autorisation d’aller dans la cour de promenade à 3h20, quand toutes les promenades officielles sont terminées. (Dommage, car les autres détenues ne nous verront pas). Surprise, elle nous enferme dans la cour, et dit qu’elle revient dans 10 minutes, et que si on veut rentrer, qu’on fasse signe au mirador. 15 minutes, 20 minutes, je fais des signes, je crie pour qu’on nous ouvre. Au bout de 45 minutes, elle vient nous délivrer, en me disant « cela ne sert à rien d’appeler, j’avais des mouvements, ici c’est une prison" Rien à dire. L’atelier se termine après cette longue attente dehors, mais l’ambiance est chaleureuse et complice. Avec nos trois Padox, nous avons vécu de l’intérieur des brimades permanentes qui sont leur lot quotidien. Le problème est que nous étions livrés à nous même et sous la dépendance de la chef. Romain l’animateur du SPIP n’était pas avec nous, et impossible d’entrer dans la prison avec nos portables, donc pas de communication possible avec lui. Dans la cour, les filles ont cueilli des fleurs et les ramènent dans leur cellule. Les fleurs de Fresnes. La chef a fait semblant de ne pas nous voir partir et n’a pas répondu à nos saluts.
Cie Dominique Houdart-Jeanne Heuclin
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